J’ai suivi sur les antennes d’une radio de la place dans la matinée du 15 août 2025 une émission interactive en mina, et dont le thème était : « Quel avenir pour la jeunesse togolaise ? »
La préoccupation était partagée par bon nombre d’auditeurs si bien que les 60 minutes qu’a duré l’émission n’ont pas suffi pour servir toutes les demandes d’entrée en ligne. Tellement le sujet était passionnant.
Il était question d’évoquer les causes de cette léthargie profonde dans laquelle se trouve aujourd’hui notre jeunesse, et de proposer des pistes de solutions.
Les uns et les autres s’en sont allés dans tous les sens, chacun selon. Tantôt c’est le gouvernement, tantôt ce sont les parents, si ce ne sont pas les enfants eux-mêmes.
S’agissant de ces derniers, les accusations étaient bien dosées. Ils sont des fainéants ; ils ne veulent rien faire ; ils sont à la recherche des gains faciles ; ils ne veulent pas apprendre un métier, alors que les opportunités existent et de surcroît, sont nombreuses ; ils sont devenus des voleurs, des drogués, et que sais-je ?
Comme solution entre autres, les jeunes n’ont qu’à aller apprendre un métier.
Un intervenant, pour enfoncer le clou, s’est cité en exemple en disant qu’il avait très tôt quitté son village pour Lomé avec seulement une culotte et une chemise rangées dans un sac en plastique. C’était pour apprendre le métier de tailleur. Il faisait du manœuvrage tous azimuts pour survivre. Et il se plaint que les jeunes d’aujourd’hui ne veulent pas se débrouiller ; qu’ils ne veulent pas saisir les nombreuses opportunités qui existent dans le pays. Ils ne veulent même pas aller au champ.
En son temps, il se réveillait tôt pour aller décharger des paquets de ciment sur le site BTP-CECO, alors qu’il habitait loin. Pourquoi ne pas s’offrir en manœuvre maçon sur des chantiers de construction, etc., etc.
Quand un paysan amène chaque matin son petit garçon au champ, indirectement il est en train de lui dire que, quand il deviendra grand, il pourrait aussi faire comme lui. Et le petit, progressivement, intériorise cette éducation informelle qui ne dit pas son nom. L’enfant s’habitue au contact avec les réalités des champs avec leurs travaux. Il n’a plus peur des contacts avec les herbes.
Lorsque l’enfant depuis son jeune âge suit son père forgeron dans sa forge, il intériorise les pratiques et apprend à connaître la valeur d’un métier.
Le même raisonnement est valable pour la gent féminine.
Comment peut-on penser qu’un enfant qui n’a jamais connu les réalités des champs (les herbes, la broussaille, les piquants, les insectes, la houe, le coupe-coupe) puisse subitement rêver aller au champ parce qu’aujourd’hui il a faim, après 20 ou 25 ans d’âge passés sur les bancs de école pour apprendre comment fonctionne le français? Quelle idée de demander à un étudiant de 2ème ou 3ème année d’université d’aller apprendre la menuiserie, la maçonnerie ou se faire recruter sur un chantier de construction comme manœuvre, si ce n’est une prise de conscience par l’intéressé lui-même qui se serait rendu compte du temps perdu?
Depuis quand a-t-on une fois dit aux enfants qu’après leur BEPC, BAC ou Licence, ils iront apprendre un métier que même des ‘‘illettrés’’ pourront exercer ?
Nos sociétés traditionnelles ne connaissaient pas de chômeurs. D’ailleurs le mot chômeur n’existe pas dans nos langues (sinon qu’on me prouve le contraire). A la limite, on peut avoir des paresseux.
Alors il nous faut réinterroger l’école que la colonisation nous a imposée avec ses avantages et ses inconvénients.
On peut fréquenter une école et garder les contacts avec les réalités de chez soi. L’enfant ne devrait pas être incarcéré dans une prison à ciel ouvert pendant tant d’année avant d’être libéré un jour parce qu’il est désormais un diplômé de ‘‘Lettres modernes’’. Aberration !
L’école postcoloniale ne peut produire que des chômeurs, des drogués, des brigands, des ‘‘Tout ce que nous déplorons aujourd’hui’’. Les enfants n’y sont pour rien. La preuve est que, ceux qui n’ont pas vieilli sur les bancs de l’école n’éprouvent aucun sentiment de désapprobation pour apprendre un métier.
Jean Tok
Source : sikaajournal.tg

