Réunis à Bamako pour leur second sommet depuis la création de l’Alliance des États du Sahel (AES), les chefs d’État du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont affiché leur unité et annoncé une série de décisions majeures destinées à renforcer l’intégration militaire, financière et médiatique de l’espace sahélien.
Ce rendez-vous, très attendu, avait pour objectif d’évaluer les avancées enregistrées depuis le lancement de l’AES et de définir les prochaines étapes de cette confédération, présentée par ses dirigeants comme un projet stratégique de souveraineté régionale.
Attendu le lundi 22 décembre, le président burkinabè n’a finalement rejoint Bamako que le lendemain matin. Malgré « des tensions latentes au sein du trio » rapportées par plusieurs médias occidentaux, Assimi Goïta, Abdourahamane Tiani et Ibrahim Traoré ont, mardi, soigneusement mis en scène leur cohésion, multipliant discours officiels et inaugurations. Conformément aux décisions prises lors du précédent sommet de Niamey, le capitaine Ibrahim Traoré a été désigné pour succéder au général Assimi Goïta à la présidence de la Confédération des États du Sahel.
La décision a été annoncée à l’issue des travaux par le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, chargé de lire le communiqué final devant une salle acquise à la cause confédérale. Le texte salue le « leadership » d’Assimi Goïta dans la mise en œuvre des résolutions du premier sommet tenu le 6 juillet 2024 à Niamey.
Les chefs d’État ont également condamné « avec fermeté » ce qu’ils qualifient de tentatives de déstabilisation de la Confédération par des groupes terroristes « soutenus par des sponsors étatiques étrangers, y compris certains pays de la région ».
Réaffirmant leur ambition de faire de l’AES « une entité géopolitique qui compte dans la région et au-delà », Abdoulaye Diop a annoncé la désignation d’Ibrahim Traoré à la présidence de la Confédération pour une durée d’un an, une annonce accueillie par de vifs applaudissements.
Une télévision confédérale pour renforcer la communication régionale
Parmi les décisions phares de ce sommet figure l’inauguration officielle de la Télévision de l’AES, intervenue le mardi 23 décembre à Bamako. Installée dans l’ancienne enceinte de la Société malienne de transmission et de diffusion, dans la zone aéroportuaire, cette nouvelle chaîne se veut un outil stratégique de communication et d’intégration régionale.
Selon le Centre d’information gouvernementale du Mali (Cigma), Télé AES a pour mission de promouvoir les valeurs de solidarité, de souveraineté et de résilience, tout en diffusant une information jugée « fiable et équilibrée » et en valorisant les politiques publiques confédérales. Disponible sur le bouquet Canal+ Afrique, elle complète le dispositif médiatique de l’AES, aux côtés notamment de la radio Daandè Liptako, basée à Ouagadougou. La chaîne est dirigée par Salif Sanogo, ancien directeur général de l’ORTM.
Une banque de l’AES pour financer les projets structurants
Autre annonce majeure : l’inauguration de la Banque confédérale pour l’investissement et le développement de l’AES (BCID-AES). Dotée d’un capital initial de 500 milliards de francs CFA, soit environ 762 millions d’euros, cette institution financière a vocation à financer des projets structurants dans les secteurs stratégiques, notamment le transport, l’agriculture, l’énergie et les nouvelles technologies.
Pour l’économiste Modibo Mao Makalou, cité par le quotidien malien L’Essor, l’objectif est de faire de cette banque publique un levier pour stimuler l’investissement privé et favoriser une croissance durable, sans se substituer aux acteurs économiques traditionnels.
Une force militaire unifiée face à la menace jihadiste
Sur le plan sécuritaire, la création officielle de la Force unifiée de l’AES (FU-AES) a été symbolisée par la remise de son étendard, organisée à Bamako le samedi 20 décembre, à la veille du sommet. Cette force conjointe devrait compter à terme 5 000 soldats issus des trois pays et mutualiser les moyens militaires pour lutter contre les groupes jihadistes actifs dans la région.
Déjà engagée dans plusieurs opérations depuis 2024, notamment dans le cadre des opérations Yéroko 1 et 2, la FU-AES est placée sous le commandement du général malien Daouda Traoré. Lors de la cérémonie, des unités des trois armées ont défilé aux côtés de nouveaux véhicules blindés fournis par le constructeur chinois Norinco, arborant les couleurs de l’AES.
Une nouvelle unité malienne, le Bataillon d’intervention rapide (BIR), composée de soldats motorisés, a également été présentée. Inspirée de dispositifs similaires au Burkina Faso et des anciennes unités maliennes de reconnaissance, elle vise à répondre à la forte mobilité des groupes armés terroristes, souvent équipés de deux-roues.


