Depuis le 1er décembre, Lomé accueille une initiative inédite qui pourrait bien reconfigurer le paysage du cinéma féminin au Togo. La Résidence – Master Class YALA LABA, Fabrique de films de femmes, portée par l’AFECIAT (Association des Femmes du Cinéma et de l’Audiovisuel du Togo) et soutenue par la Bourse de Mobilité de l’OIF, forme durant douze jours une cohorte de jeunes femmes à l’écriture et au développement de films traitant de sujets sensibles, dans des environnements souvent marqués par des tensions sécuritaires, politiques et socioculturelles.
Aux commandes de cette résidence, un nom qui a fait le tour des festivals africains : Rotoubam Mbaide Emmanuel, cinéaste tchadien, réalisateur de « MASSOUD ! », un film tourné en pleine zone sahélienne en proie aux groupes djihadistes. Une expérience qui confère au formateur une légitimité rare sur les mécanismes narratifs en milieu hostile.
« Nous sommes ici dans une résidence, parce qu’il faut du temps pour incuber une idée et la transformer en projet cohérent, » explique le réalisateur. Pendant la première semaine, les stagiaires ont été plongées dans un tour d’horizon du métier : langage cinématographique, corps de métiers, bases de mise en scène. Rapidement, l’atelier glisse vers l’essentiel : comment identifier un sujet sensible, le cadrer, le raconter sans le trahir – et sans s’exposer inutilement dans un environnement parfois hostile à la liberté artistique.
Vient ensuite le travail d’orfèvre. Les participantes apprennent à construire un logline, cette phrase unique censée capter l’essence du film. Elles enchaînent avec le résumé ou le synopsis, puis la note d’intention, exercice délicat où l’autrice justifie son propos, ses motivations, son angle. La seconde semaine les propulse dans les labyrinthes de l’écriture scénaristique : traitement, séquencier, puis montage des premières versions dialoguées.




Sur les 10 participantes, cinq projets ont déjà franchi les étapes clés du développement. L’ambition est claire : les accompagner bien au-delà de la résidence. « Nous voulons créer un pont de production entre le Tchad et le Togo, » affirme Rotoubam Mbaide. Sa maison de production, Real Prod, entend collaborer avec l’AFECIAT pour porter ces projets vers la coproduction internationale.
Les bénéficiaires saluent unanimement la qualité de l’encadrement. Inès Akakpo, étudiante en deuxième année d’allemand, confie avoir découvert à la fois la rigueur et la liberté de l’écriture scénaristique : « J’ai appris comment choisir un thème, structurer une histoire, imaginer différentes fins. Grâce à cette formation, je compte écrire mon premier film. »
Pour Mlle Flavia Amavi, hôtesse événementielle et participante enthousiasmée, l’expérience est transformatrice : « C’est une formation de haut niveau, avec un formateur qui sait nous conduire vers les mots justes. Nous travaillons en binômes sur cinq projets sensibles, chacun ancré dans nos réalités contemporaines. » Son duo développe notamment un sujet lié à l’impact du numérique sur la perception publique des leaders religieux : un thème « aussi sensible que nécessaire », dit-elle, tout en promettant le secret jusqu’à la sortie prochaine du film.
Avec cette résidence ambitieuse, l’AFECIAT, sous la présidence de Mme Kossa Lelly ANITE GBOUHI, signe un pas décisif dans la professionnalisation des femmes cinéastes au Togo. Et ouvre, peut-être, la voie à une nouvelle génération de films capables de dire le réel sans détour, malgré les obstacles, malgré les silences.


