La Coalition de la diaspora togolaise pour l’alternance et la démocratie (CODITOGO) adresse une lettre ouverte à Mme Yawa Tségan, présidente de l’Assemblée nationale, l’interpellant, une dernière fois, sur la fin de son mandat à l’hémicycle. L’organisation dénonce une violation grave de la constitution togolaise. Lisez!
LETTRE OUVERTE
A
Madame Yawa Djigbodi Tségan, Présidente,
Et tous les députés de l’Assemblée nationale sortante,
Assemblée nationale – Quartier Atchanté
Lomé II, BP. : 327, Tél. : +228 22 26 57 91
Courriel : [email protected]
Lomé – TOGO
Paris, le 31 janvier 2024
Objet : Ultime interpellation sur la fin de votre mandat et dénonciation des violations graves que votre législature fait à la Constitution et aux lois de la République.
Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs les députés,
Par Décision N°EL-003/18 du 31 décembre 2018, la Cour Constitutionnelle du Togo vous a, au nom du Peuple togolais, proclamés élus députés au scrutin législatif du 20 décembre 2018.
Suivant l’alinéa 1er de l’article 52, en vigueur au moment de votre prise de fonction : « Les députés sont élus au suffrage universel direct et secret au scrutin uninominal majoritaire à un (01) tour pour cinq (05) ans ». Le gouvernement ayant été, sans aucune justification, dans l’incapacité d’organiser les élections législatives dans le délai prévu à l’alinéa 2 de l’article 52 de la Constitution, c’est-à-dire dans les trente (30) jours précédant l’expiration de votre mandat, l’Assemblé nationale actuelle ne peut plus légiférer car le pouvoir conféré par le Peuple aux députés est désactivé par l’expiration du mandat au 31 décembre 2023.
CODITOGO tient à rappeler que l’alinéa 10 de ce même texte n’a nullement pour vocation de conférer aux députés un mandat illimité. Le souci constant du constituant a été de limiter le pouvoir dans le temps et dans l’espace.
Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs les députés,
Force est de constater que malgré les appels incessants que la société civile togolaise et la classe politique de l’opposition dans leur ensemble, font à l’endroit des premières autorités togolaises sur l’urgence et la nécessité d’ouvrir un cadre de discussions beaucoup plus inclusif, afin de dénouer la paralysie et l’immobilisme institutionnels qu’engendre la non tenue des élections législatives dans le délai constitutionnel, votre Assemblée continue de faire la sourde-oreille, en manœuvrant dans l’illégalité et l’illégitimité totales.
Malgré les appels pressants lancés, par les organisations de la société civile togolaise ainsi que les formations politiques de l’opposition à l’endroit du Président de la République sur l’urgence et la nécessité d’ouvrir un cadre beaucoup plus inclusif de discussions capables de dénouer cette paralysie et cet immobilisme, vous semblez encline à poser des actes illégaux et illégitimes qui tombent sous le coup des dispositions des alinéas 1er et 2 de l’article 150 de la Constitution selon lesquelles : « En cas de coup d’État, ou de coup de force quelconque, tout membre du Gouvernement ou de l’Assemblée nationale a le droit et le devoir de faire appel à tous les moyens pour rétablir la légitimité constitutionnelle, y compris le recours aux accords de coopération militaire ou de défense existants. Dans ces circonstances, pour tout Togolais, désobéir et s’organiser pour faire échec à l’autorité illégitime constituent le plus sacré des droits et le plus impératif des devoirs ».
En effet, au lieu de se limiter à la gestion et à l’expédition des affaires courantes, l’Assemblée nationale sortante vient de modifier, ce 23 janvier 2024, avec une célérité indescriptible, deux (02) lois : la Loi organique N°2012- 123 du 18 juin 2012, fixant le nombre de députés à l’Assemblée nationale, les conditions d’éligibilité, le régime des incompatibilités et les conditions dans lesquelles il est pourvu aux sièges vacants, et la Loi N°2021-019 du 11 octobre 2021 portant code électoral.
Ces différentes modifications de la loi électorale sont faites en violation de la Constitution et du point 1 de l’article 2 du Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance de la CEDEAO du 21 décembre 2001, qui énonce que « Aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (6) mois précédant les élections, sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques ».
En outre, c’est également au cours de cette séance du 23 janvier 2024 que vous annonciez, comme pour défier la souveraineté du Peuple togolais, qu’une proposition de loi portant révision de la constitution a été déposée le 28 décembre 2023 sur le bureau de l’Assemblée nationale par un groupe de députés. Et pour reprendre vos propres termes, vous déclariez, après lecture du point de communication par le 1er Secrétaire parlementaire, que : « nous constatons que notre législature n’a pas fini de révéler ses mystères » !
Oui Madame la Présidente, votre législature n’a effectivement pas encore fini de révéler ses mystères ; il ne s’agit pas d’un lapsus ni d’une méprise de votre part ; il s’agit bel et bien d’une inspiration, et les Togolaises et Togolais vous suivent bien, attendant de voir jusqu’où vous voulez les emmener.
Faudrait-il vous le rappeler, qu’au regard de l’expiration du mandat de l’Assemblée nationale sortante, vous ne disposez plus des prérogatives requises, ni pour légiférer, encore moins pour procéder à une révision de la Constitution.
Fortement préoccupée par les actes illégitimes et illégaux qui portent gravement atteinte à la Constitution, aux Lois de la République et aux engagements internationaux auxquels le Togo est partie d’une part, et très soucieuse de l’avenir du Togo, notre patrimoine commun, du devenir de ses filles et ses fils, de leur vivre dans l’harmonie et la cohésion nationale d’autre part, la Coalition de la Diaspora Togolaise pour l’Alternance et la Démocratie (CODITOGO) vient, une fois encore, lancer un ultime appel, à vous et à tous les députés sortants :
1. À vous ressaisir, à mettre un terme à cette forfaiture, à ce passage en force, à ce coup de force permanent, à cette violation constante et renouvelée de la Constitution, de la Loi fondamentale et des engagements internationaux auxquels le Togo est partie. Car, les actes que vous posez peuvent être constitutifs de forfaitures, d’abus de pouvoir prévus et punis par les articles 504, 505 et 506 de la Loi N°2015-010 du 24 novembre 2015 portant nouveau code pénal. Vous le savez bien, l’immunité parlementaire dont vous jouissez se limite aux opinions ou votes que vous émettez dans l’exercice de vos fonctions, donc de votre mandat ; celui-ci est terminé.
2. À œuvrer à l’ouverture d’un cadre de discussions très inclusif en vue de parvenir à un large consensus politique, capable de dénouer la crise qu’engendre l’expiration du mandat des députés de l’Assemblée nationale, et caractérisée par la paralysie et l’immobilisme de plusieurs institutions, notamment la Cour constitutionnelle incomplète dans sa composition, la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) et ainsi que ses démembrements dont les mandats ont expiré depuis le mois de mars 2023.
Vous rappelant votre responsabilité historique, pleine et entière à ce tournant décisif de l’histoire de notre pays le Togo, recevez, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les députés de l’Assemblée nationale, notre considération distinguée.
Pour CODITOGO,
Chris Yayra AGOBIA
Coordinateur général.
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