En conférence de presse lundi à Lomé, Le Front “Touche Pas à Ma Constitution” a lancé une campagne nationale intitulée “Togo Sans Prisonniers Politiques”. Cette initiative vise à sensibiliser l’opinion publique et à mobiliser les Togolais pour exiger la libération des 92 prisonniers politiques détenus dans des conditions inhumaines, certains depuis 2018. À travers cette campagne, le Front entend rendre hommage à ces détenus, les soutenir moralement et matériellement, et faire pression pour leur libération en vue de favoriser la réconciliation nationale. Lire en intégralité la déclaration liminaire sanctionnant cette conférence de presse.
Lancement de la campagne “Togo Sans Prisonniers Politiques”
Déclaration Liminaire
Mesdames et Messieurs les journalistes, chers compatriotes,
Aujourd’hui, 12 août, alors que c’est la Journée internationale de la jeunesse, 92 de nos jeunes frères et sœurs languissent derrière les barreaux. Leur crime ? Avoir osé rêver d’un Togo libre et démocratique.
Le régime de Faure Gnassingbé vient d’asséner un coup de marteau sur la tête des Togolais en changeant la Constitution sans consulter le peuple. Sa nouvelle Constitution, promulguée le 6 mai dernier, lui garantit un pouvoir à vie. On ne le dira jamais assez, il s’agit là d’un véritable coup d’État constitutionnel, un acte de trahison. La conséquence est directe : entre le pouvoir et le peuple, la rupture est profonde.
Cette trahison est l’aboutissement d’un long processus entamé une vingtaine d’années plus tôt, lorsque Faure Gnassingbé a pris le pouvoir en 2005, en pataugeant dans le sang d’un millier de Togolais. Depuis lors, sa gouvernance est caractérisée par une volonté acharnée de conserver le pouvoir à tout prix, traduite par une violence systématique sur la population. L’objectif est clair : créer un traumatisme suffisamment profond pour étouffer toute contestation populaire.
Pour atteindre cet objectif, le régime cinquantenaire procède à de nombreuses arrestations au sein de la jeunesse, particulièrement en marge des manifestations publiques pacifiques. À ce jour, on dénombre 92 prisonniers politiques, y compris ceux de la diaspora arrêtés à leur retour au Togo.
Ces prisonniers croupissent dans des conditions inhumaines, séparés brutalement de leurs familles, confrontés à une promiscuité humiliante et livrés à la maladie. Certains sont dans cette souffrance depuis 2018, un véritable calvaire qu’on leur impose et qu’ils ne méritent pas. Subir six (6) ans de détention pour avoir défendu l’État de droit, les droits de l’homme, les libertés publiques et la démocratie est une injustice inadmissible et inacceptable que nous dénonçons avec énergie.
- Ils sont en prison parce qu’ils ont défendu notre bien commun, notre liberté.
- Ils sont en prison parce qu’ils ont dominé leurs peurs et affronté la dictature pour nous tous, dans une manifestation pacifique.
- Ils sont en prison parce qu’ils se battaient pour le mieux-être de chacun d’entre nous.
Le moment est donc venu de nous demander si nous avons tout fait pour nos compagnons de lutte qui sont pris dans les tentacules du pouvoir. Oui, des actions ont été entreprises, mais est-ce suffisant ? À l’évidence Non ! Nous pouvons faire encore plus. Nous devons faire beaucoup mieux.
C’est pourquoi, nous prenons aujourd’hui l’initiative de lancer une campagne de plusieurs semaines à compter de ce jour, pour de nombreuses raisons :
- Nous voulons rendre un hommage ferme aux prisonniers politiques.
- Nous voulons aussi dire aux prisonniers politiques que nous ne pouvons pas les oublier. Nous les portons dans nos cœurs et reconnaissons que nous leur devons la liberté.
- Nous voulons également rappeler à tous les Togolais que les prisonniers politiques ont sacrifié leur liberté pour notre liberté. Ils sont donc nos héros. Ils sont les héros de la démocratie. Nous devons donc les soutenir et les honorer.
- Enfin, nous lançons cette campagne pour créer les conditions qui favoriseront leur libération.
Pourquoi maintenant ?
- Maintenant, parce qu’il y a urgence sanitaire : Certains prisonniers, détenus depuis 2018, voient leur santé se dégrader de manière alarmante.
- Maintenant, parce que c’est un devoir moral : ces 92 Togolais ont sacrifié leur liberté pour la nôtre. Nous avons donc une dette envers eux.
- Maintenant, parce que ce serait un signal fort : leur libération serait un premier pas vers la réconciliation nationale dont notre pays a désespérément besoin. Une quête de réconciliation lancée par Monseigneur Barrigah, qui vient de nous quitter. Paix à son âme.
- Et surtout maintenant, parce que certains ont déjà perdu la vie en détention. Ceux-là sont nos martyrs. Nous ne les oublions pas. L’histoire ne les oubliera pas. Un hommage particulier leur sera rendu prochainement.
À cet effet, nous lançons un appel urgent à tous les Togolais. Ensemble, prenons conscience de la situation critique de nos compatriotes emprisonnés. Ces prisonniers, incarcérés pour avoir défendu nos droits, sont privés de moyens de subsistance. Ils ont un besoin urgent de soins de santé. De plus, ils doivent faire face à des frais d’avocats considérables. Votre soutien est crucial pour leur survie et leur défense.
Oui, certaines bonnes volontés tentent déjà de les accompagner avec bon cœur et des moyens limités. Nous les félicitons sincèrement. Mais les besoins sont énormes et nous voulons aller encore plus loin, pour rendre ce soutien suffisant et surtout continu.
Nous demandons donc à chaque Togolaise et à chaque Togolais, de l’intérieur et de la diaspora, de contribuer régulièrement ou ponctuellement, chacun selon ses possibilités, afin que nos héros ne restent pas dans la faim, la maladie et sans assistance judiciaire. Chers compatriotes, nous devons montrer à nos héros que ce n’est pas parce qu’ils sont derrière les barreaux et les murs épais que nous les oublierons. Montrons-leur que nous sommes reconnaissants de leur sacrifice.
Au cours de cette campagne :
- Une journée d’hommage et de reconnaissance sera organisée en présence des familles des prisonniers.
- Cette campagne sera marquée par une sensibilisation sur le sort des prisonniers politiques auprès des autorités religieuses, des chefs traditionnels, des institutions des droits humains, des chancelleries, et des organisations internationales des droits de l’homme.
- Pour le grand public, une campagne médiatique sera lancée pour sensibiliser nos compatriotes avec des distributions de tracts.
- Des visites aux prisonniers seront organisées.
- Une veillée de prière sera tenue.
- Une pétition sera lancée.
- Des sit-in pacifiques seront organisés.
Le sujet de cette campagne concerne tous les Togolais. C’est pourquoi, avec beaucoup de modestie, le front « Touche Pas A Ma Constitution » en appelle à la conscience de chaque citoyen, sollicite toutes les organisations de la société civile, ainsi que les structures et les personnalités de la diaspora, afin que notre voix commune traverse les murs pour résonner dans les prisons et que nos actions touchent nos héros jusque dans leurs cellules.
La lutte que nous menons pour l’État de droit, les droits de l’homme, les libertés fondamentales et les valeurs démocratiques ne peut prospérer que si nous aidons ceux des nôtres qui tombent à se relever dignement. Offrir une alternative sérieuse au sort de la jeunesse et de tous les Togolais est un objectif noble qui exige un leadership de vérité et de sincérité. C’est une question d’honneur, c’est une question de dignité pour le peuple togolais.
Pour terminer cette déclaration, revenons à l’héritage que Monseigneur Barrigah a laissé au peuple Togolais. Il se résume dans la conclusion du rapport de la CVJR :
« La réconciliation est un processus dynamique de longue haleine qui nécessite la prise de conscience et l’adhésion de tous les acteurs soucieux du devenir de la Nation, donc de sa refondation. La réussite de ce processus passe dès lors par une appropriation active des recommandations par tous les Togolais, condition incontournable pour l’instauration d’une nouvelle vision de société, la consolidation de l’Etat de droit, l’apaisement des victimes, la lutte contre l’impunité, la lutte contre les causes des violences ainsi que la prévention de nouveaux conflits ».
Cette conclusion, très forte, très claire et toujours d’actualité, signifie également que nous devons avoir un Togo Sans Prisonniers Politiques.
Pour cela, le front « Touche Pas A Ma Constitution » interpelle le Conseil Chrétien, l’Union des Musulmans du Togo, les Chefs Traditionnelles et toutes les institutions de la République à faire une appropriation active de toutes les recommandations de la CVJR, et plus particulièrement à œuvrer pour la libération de tous les prisonniers politiques. C’est un passage obligé pour la réconciliation.
Ensemble, brisons partout les chaînes de la traîtrise ! Honneur aux prisonniers politiques, nos héros !