L’effondrement de l’immeuble de quatre étages au petit matin du 18 octobre 2024 dans le Golfe 7, précisément à Sagbado a de nouveau mis en branle plusieurs départements ministériels dont le ministère de l’urbanisme, de l’habitat et de la réforme foncière. La patronne des lieux, Yawa Djigbodi Tségan qui selon les détracteurs boudait le poste par égo a dû se rendre compte qu’il y a péril en la demeure et que son ministère n’est nullement un garage comme elle l’aurait pensé, mais un département où tout est à refaire. Car le Togo ne fait que de la planification à posteriori, qui se déploie en véritable pyromane, malgré toutes les lois mielleuses.
Il est de toute évidence que c’est l’auto construction qui couvre une part importante des immeubles dans notre pays. L’auto construction fait référence à la démarche de construction d’un habitat, ou d’un complément d’habitation, impliquant la participation du propriétaire du bien fond (parcelle de terrain) sur lequel elle est réalisée l’ouvrage. L’auto construction est donc un concept relativement large qui englobe à la fois la construction d’un immeuble (habitation, commercial, administratif…) de A à Z par des particuliers ou parfois personne morale, comme leur contribution partielle sur les éléments les moins sensibles uniquement (finitions, cloisons, passage de câbles, etc.). Cette pratique tend à se justifier par le faible niveau des revenus des personnes ou groupe d’intérêt et la cherté des matériaux de construction et les honoraires des professionnels de la construction (architecte, ingénieur).
Immeuble effondré à Sagbado, 18 octobre 2024
Il faut retenir qu’un chantier en auto construction offre beaucoup plus de liberté et que le coût au m² est relativement moins cher. Cependant on constate généralement une différence de 10% seulement en moyenne sur le coût total de la construction selon les techniciens. Cette faible différence s’explique par le prix des matériaux, de meilleure qualité, achetés en petite quantité en auto construction. Contrairement aux autos constructrices, les professionnels achètent des matériaux standards en grande quantité permettant ainsi de faire des économies d’échelle. Les autos constructrices ont par ailleurs tendance à sous-estimer leur budget et leurs réels besoins.
L’ampleur des constructions anarchiques
Le phénomène de l’auto construction date d’avant les indépendances et après depuis l’utilisation des matériaux locaux de construction jusqu’à l’introduction du ciment pour les murs et la tôle pour la toiture et d’autres matériaux offrant plus de commodités. Bien que le phénomène nuit à l’aspect esthétique des villes, mais aussi met en déroute l’application du schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme à travers son règlement qui dicte les normes relatives à l’usage des terrains et des bâtiments ainsi que l’implantation, la forme et l’apparence des constructions dans les différentes zones dans une villes, il prend de l’ampleur auprès des différentes classes de la société. Ce qui se transforme malheureux à l’abus de confiance si le promoteur ne se trouve pas sur place ou s’il est novice en matière de construction. Celui qui est chargé de piloter le chantier, derrière la recherche de profit dans la réalisation des travaux, fait intervenir des matériaux qui ne correspondent pas à la portée du bâtiment.
Les implications d’une pratique suicidaire
Les implications se répartissent en deux. D’un côté, intéressons-nous au promoteur, il y a, comme énuméré plus haut, le niveau faible de revenu des personnes face à la propension à habiter chez soi qui est très élevée. Notons aussi l’ignorance de certains citoyens de faire recours aux professionnels et l’intervention des démarcheurs qui se font passer pour des entrepreneurs et qui ne maitrisent pas du tout les techniques en la matière. De l’autre côté, il y a une absence totale du pouvoir public qui s’est donné des textes pour réglementer le secteur de la construction dans notre pays. Le décret 67-228, du 24 octobre 1967, relatif à l’urbanisme et au permis de construire dans les agglomérations précise bien en son article 26 que : « Quiconque veut édifier une construction dans une agglomération est tenue d’avoir un plan d’urbanisme, doit, au préalable, demander un permis de construire. Cette obligation est imposée pour les bâtiments annexes et les clôtures. Elle est également imposée pour les transformations intérieures ou extérieures des bâtiments existants, les surélévations et les extensions. » Les articles 27 jusqu’à 34 donnent le plein pouvoir au Maire de faire appliquer cette disposition. De même le décret 2016-043/PR du 1er avril 2016 portant réglementation de la délivrance des actes d’urbanisme en son article 3 dispose que : « les actes d’urbanisme sont des décisions par lesquelles une autorité publique compétente autorise la réalisation d’opérations immobilières, conformément aux données techniques, aux dispositions législatives et règlementaires en matière d’urbanisme ».
Tout cet arsenal donne le plein pouvoir aux collectivités territoriales à travers l’exécutif et les agents administratifs des services techniques dans l’exercice de leurs attributions. Le constat est qu’aucune commune au Togo ne dispose de techniciens capables d’aider les conseillers à assurer cette mission. Le profil de la plupart des directeurs ou chefs des services techniques des communes ne correspond à celui du poste. Le District Autonome du Grand Lomé qui s’est accaparé de toutes les prérogatives dans l’instruction des permis de construire ne dispose pas de personnel ayant le profil requis.
La question qui mérite d’être posée est relative au réel rôle que la direction de l’habitat du ministère de l’urbanisme, de l’habitat et de la réforme foncière joue pour la mise en œuvre des dispositions en matière de la délivrance de permis de construire ?
Le diagnostic étant posé en français facile, le gouvernement togolais à travers le ministère de Madame Yawa Djigbodi Tségan est invité à un arbitrage dans la mise en œuvre des dispositions par les institutions impliquées selon les degrés de responsabilité. Il y a nécessité et urgence de revoir la qualité et la quantité du personnel des services techniques des communes et surtout inculquer l’esprit de patriotisme aux agents et non à la corruption.
B. Douligna
« TAMPA EXPRESS » numéro 0068 du 30 octobre 2024