«…Nous devons éviter de laisser aux opposants le choix entre une collaboration alimentaire et la lutte armée…» (Elliot Ohin, 2ème vice-président de l’UFC, en août 2024)
Presque 34 ans après la conférence nationale, tenue en juillet et août 1991, pour mettre fin à l´ère du parti unique, synoyme de dictature, et poser les bases d´une démocratisation des institutions de notre pays, le constat est catastrophique sur tous les plans. Pendant que le Bénin d´à côté, par exemple, pays pionnier des conférences nationales en Afrique, a brillamment réussi sa mue démocratique, les Togolais ont eu la malchance d´avoir eu à la tête de leur pays un dictateur impitoyable, doublé d´un tribaliste pur-sang: Gnassingbé Éyadéma. Il serait fastidieux de revenir ici sur les innombrables crimes de sang commis par l´armée personnelle du tyran contre les citoyens togolais et contre les leaders de l´opposition. La stratégie de la terreur, voilà l´expression, ajoutée à l´impunité, qui est le soubassement du drame politiqe togolais.
C´est au vu de cette malheureuse exception togolaise faite de crimes politiques depuis des décennies, doublée d´une impunité totale dont jouissent les auteurs, c´est au vu du fait que l´armée togolaise ait choisi le côté du régime de dictature, pour aider à maltraîter les Togolais, contrairement à certaines armées de la sous-région qui savent jouer leur rôle d´arbitre quand la situation politique dérape, que nous avons décidé, depuis un certain temps, de cesser de jeter des pierres à la seule opposition qui, comme des millions de Togolais, subit elle aussi les affres du climat de terreur ambiant, nulle part vécu en Afrique. Mais malgré ces circonstances atténuantes que nous avons pour l´opposition togolaise qui est loin d´être la plus désunie de la sous-région ou de l´Afrique, comme le pensent certains compatriotes déçus, le constat aujourd´hui est que la situation politique de notre pays reste précaire et dangereuse. C´est pourquoi nous, en tant que citoyens ayant à coeur la libération du Togo, et en première ligne les leaders de l´opposition togolaise, n´avons pas le droit d´abandonner les méthodes unitaires qui nous permettraient de continuer à résister en menant ce combat, bien sûr inégal, contre le régime de dictature Gnassingbé. La persistance des tenants de la dictature dans leur intention de ne jamais laisser le Togo se démocratiser et de rester, advienne que pourra, au pouvoir, malgré le rejet d´une grande partie du peuple, devrait inciter les leaders de l´opposition à enterrer la hâche de guerre et penser au bien commun.
Certes, dans une société humaine comme la nôtre, émaillée d´une situation politique intenable où l´adversaire ne fait pas de cadeaux, les malentendus, les jalousies, les égoïsmes, les replis sur soi et tous les autres travers humains possibles, ne manquent malheureusement pas au sein d´une opposition, comme celle que nous avons au Togo. Rappelons que c´était l´engouement suscité par l´avènement fulgurant du PNP (Parti National Panafricain) autour de Salifou Tikpi Atchadam, en 2017, qui mena à la coalition de l´opposition, la Coalition des 14 (la C14). Aprés des manifestations monstres à travers tout le pays qui firent trembler le régime de dictature, qui n´est qu´un semblant de géant aux pieds d´argile, si on sait bien s´y prendre, tout le monde se rappelle des terribles répressions faites d´assassinats et d´arrestations arbitraires, qui s´abattirent sur les populations. Le régime Gnassingbé, aidé par l´armée tribale, avait, certes, fait ce qu´il sait faire le mieux: semer la terreur et la désolation. Mais les travers humains, dont nous parlions plus haut, n´avaient pas manqué de jouer un grand rôle dans la dislocation du regroupement de l´opposition. L´année 2020 arriva avec les élections présidentielles, et c´était l´occasion pour Monseigneur Fanoko Philipe Kpodzro d´entrer dans la danse pour essayer de recoller les morceaux; la Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK) vit alors le jour. Quelques partis politiques de l´opposition autour du prélat s´engagèrent à soutenir la candidature de Messan Agbéyomé au scrutin de février 2020.
Rappelons qu´une frange importante de l´opposition refusa l´idée d´un candidat unique proposée par Monseigneur Kpodzro. La suite, nous la connaissons: Agbéyomé Kodjo, soutenu par le prélat et les autres formations politiques du regroupement, revendique à cor et à cri sa victoire. Et comme au Togo on ne brave pas impunément le pouvoir Gnassingbé, de père en fils, l´homme politique Agbéyomé et l´homme de dieu Monseigneur Kpodzro finirent par s´exiler pour sauver leur peau. L´usure des revendications sans lendemain faisant son chemin, et se sentant un peu comme prise en otage par le prélat en exil en Suède, Madame Brigitte Adjamago, suivie par presque tous les partis politiques qui composaient la DMK, sauf le MPDD de Agbéyomé Kodjo, décida de quitter le bateau pour créer une autre dynamique, la Dynamique pour la Majorité du Peuple (DMP), qui sera portée sur les fonts baptismaux le 10 avril 2023, et dont elle est la coordinatrice. Entre-temps, Monseigneur Kpodzro, 94 ans, et Agbéyomé Kodjo 69 ans, quittèrent ce monde. Le premier le 9 janvier 2024 en Suède et le second le 3 mars 2024 au Ghana.
La semaine dernière certains leaders de l´opposition, ou d´une frange de l´opposition, organisèrent une conférence de presse à Lomé. À la table il y avait le responsable du mouvement de la société civile, le FRONT CITOYEN TOGO DEBOUT, Monsieur David Dossey, Monsieur Jean-Pierre Fabre, premier responsable du parti politique ANC (Alliance Nationale pour le Changement), Me Dodji Apévon, le président des FDR (Forces Démocratiques pour la République) et Monsieur Zeus Ajavon. Il s´agissait de dénoncer la fameuse 5e république, la république personnelle de Faure Gnassingbé, et d´appeler le peuple à la résistance. Mais à écouter Me Apévon parler et à voir le très petit nombre des leaders politiques à la table, on sent le «chacun pour soi», on sent la division, on sent une opposition travaillant encore et toujours en rangs dispersés. On aurait aimé voir à la même table des responsables politiques comme Madame Brigitte Adjamago, Jean-Pierre Fabre, Dodji Apévon, Zeus Ajavon, David Dossey, Nathaniel Olympio et tous les autres chefs de partis ou responsables des mouvements de la société civile, qui seraient encore de l´opposition vraie. La situation particulière du PNP est bien connue: le chef en exil et plusieurs militants en prison.
Quel que soit ce qui se serait passé il n´y a pas longtemps, entre leaders politiques de l´opposition togolaise, conduisant au fait que beaucoup se regardent encore en chiens de faïence, nul ne peut expliquer ou comprendre que face au drame politique togolais, sans égal sur le continent, on continue à refuser de parler d´une voix, encourageant ainsi le pouvoir illégitime autour de Faure Gnassingbé à continuer à faire voir de toutes les couleurs aux populations togolaises. Des malentendus d´un moment au sein d´une opposition, ne doivent pas se transformer en différends insurmontables, au point de sacrifier le destin de tout un peuple. Si le pouvoir de dictature Gnassingbé continue à s´entêter en arrêtant les leaders de l´opposition ou de la société civile, pour un oui ou pour un non, s´il continue à interdire les activités des partis politiques de l´opposition sur toute l´étendue du territoire, c´est qu´en face il n´y a pas union de l´opposition de laquelle les Togolais recevraient des mots d´ordre précis pour la résistance. Et la responsabilité aujourd´hui incombe à tous les leaders politiques de l´opposition de premier ordre; qu´ils s´appellent Jean-Pierre Fabre, Brigitte Adjamago Johnson, Nathaniel Olympio, Zeus Ajavon, David Dossey, Dodji Apévo… etc. Encore une fois, nous ne prétendons pas donner des leçons à qui que ce soit, comme certains l´ont déjà souligné dans un passé récent, mais en notre qualité de citoyen togolais, nous croyons avoir encore le droit et surtout le devoir, d´observer, de constater, de dénoncer tout ce qui se passe chez nous d´inacceptable et de proposer.
Samari Tchadjobo
Allemagne
Malgré la terreur, l’opposition togolaise essaie de relever la tête – Mais les vieux démons de la division semblent avoir encore la vie dure
