Togo- Des dérives autoritaires au sein des forces de sécurité : l’urgence d’agir

Le dernier numéro du trihebdomadaire Liberté en date du 22 mai 2025, évoquant le comportement d’un commissaire de police, me pousse à m’adresser, avec gravité mais dans le respect des institutions, à Monsieur le Ministre de la Sécurité, à la haute hiérarchie militaire ainsi qu’aux autorités judiciaires. Mon objectif est de solliciter une prise de conscience et une action vigoureuse en faveur de la protection des plus vulnérables.

Dans cette parution, il est rapporté qu’un commissaire de police aurait proposé de conduire une de ses connaissances à l’aéroport de Cotonou pour un vol à destination de Paris, à bord du véhicule personnel de cette dernière, estimé à 2 500 000 F CFA. Avant son départ, la dame lui aurait demandé, à son retour, de déposer le véhicule chez un parent de confiance. Or, elle découvre plus tard, avec stupeur, que le commissaire s’est approprié le véhicule et en fait un usage personnel.

Confronté à ses demandes insistantes de restitution, celui-ci lui aurait alors déclaré avoir vendu le véhicule, affirmant vouloir lui en acheter un autre, de qualité supérieure, d’une valeur de 4 000 000 F CFA. Il lui demande, pour ce faire, un complément de 1 500 000 F CFA. Mue par la confiance, la dame s’exécute. Mais depuis ce versement effectué en 2019, non seulement aucun nouveau véhicule ne lui a été remis, mais le commissaire continue d’utiliser l’ancien, comme si de rien n’était.

Interrogé par le journal, l’intéressé ne nie pas les faits, se contentant de renouveler des promesses sans lendemain. Et pourtant, il aurait pris un engagement écrit, daté du 28 février 2019, dans lequel il s’engageait à restituer les fonds dans un délai d’un mois. Ce comportement suscite une profonde indignation, d’autant plus qu’une plainte aurait été déposée auprès du procureur depuis mars 2020, sans qu’aucune suite judiciaire ne soit donnée à ce jour. Une telle inertie interroge : pourquoi la justice ne se saisit-elle pas avec rigueur d’un dossier aussi clair, mettant en cause un dépositaire de l’autorité publique, censé garantir le respect de la loi ?

Ce cas, aussi choquant soit-il, n’est malheureusement pas isolé. En mai 2024, nous avions déjà alerté le ministre de la Sécurité au sujet d’une bavure policière commise sur un cordonnier. Bien que ce cas ait connu une résolution rapide, nous continuons de recevoir des signalements préoccupants de dérives policières, notamment dans plusieurs villages reculés. Nous redirigeons systématiquement les victimes vers le numéro vert.

Plus récemment encore, une brigade de gendarmerie dans un village a été accusée d’actes de torture. Ce dossier, porté à la connaissance des autorités locales et du ministère, attend toujours des réponses concrètes. À cela s’ajoute un incident survenu ce mois-ci, devant nous : un agent de police, en état d’ivresse manifeste, a causé un accident grave en percutant un motocycliste. L’agent a refusé d’accompagner la victime à l’hôpital, obligeant les témoins, dont moi-même, à alerter le directeur de l’hôpital pour une prise en charge d’urgence. Deux jours plus tard, l’agent en cause n’avait toujours assumé aucune responsabilité, nous contraignant à solliciter l’intervention de son supérieur hiérarchique.

Au cours de cette même semaine, nous avons assisté à une scène où un camion militaire a violemment enfreint les feux tricolores au carrefour de Lama, mettant en danger de nombreux usagers. Malgré l’évidence, les agents de police postés sur les lieux ont gardé une indifférence troublante, sans doute en raison du statut militaire du véhicule.

Ces faits, pris isolément ou ensemble, constituent autant d’abus d’autorité qui sapent la confiance des citoyens envers les forces censées les protéger. Nous les soulevons non pas pour stigmatiser, mais pour appeler solennellement à une prise de responsabilité collective.

Nous lançons donc cet appel non dans un esprit de révolte, mais comme un cri d’alarme citoyen, animé par l’espoir d’un redressement. Il est impératif d’intensifier la sensibilisation des agents en uniforme, de renforcer les mécanismes de contrôle interne, et de garantir que nul ne soit au-dessus des lois.

La justice, quant à elle, doit se montrer ferme et impartiale. Il est de la responsabilité des magistrats de rendre justice non en fonction de la la tenue que porte le mis en cause, mais au nom du peuple, et en faveur des plus faibles. C’est là le fondement même de l’État de droit.

Ricardo Agouzou

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