Togo- Circulaire Barcola : Que vaut une décision sans fondement juridique ?

Le 23 mai 2025, une circulaire du ministre sortant de l’Économie et des Finances, Essowè Georges Barcola, annonçait la fin de la prise en charge, par le Trésor public, des factures d’eau et d’électricité dans les résidences privées des membres du gouvernement. Présentée comme un geste en faveur de la bonne gouvernance et de la rigueur budgétaire, la mesure survient dans un contexte de fortes tensions sociales liées à l’augmentation des tarifs d’électricité. Derrière ce qui ressemble à un sursaut de sobriété publique, beaucoup y voient un écran de fumée. Les doutes bien présents, la portée réelle de la décision reste sujette à débat.

Un fondement juridique contesté

Sur le plan strictement légal, des voix s’élèvent pour interroger la légitimité d’une telle mesure prise par simple circulaire. En droit administratif, une circulaire ne peut créer ni droits ni obligations pour les administrés. Elle se limite à interpréter ou expliquer un texte légal ou réglementaire. Autrement dit, si les avantages dont bénéficiaient les ministres – à savoir la prise en charge de leurs factures domestiques – reposaient sur une base légale ou réglementaire (arrêté, décret, loi), une circulaire seule ne pourrait y mettre fin. Seule une réforme du texte qui institue l’avantage pourrait avoir cet effet, et non de manière rétroactive. À défaut d’un fondement légal, c’est le principe de la légalité des dépenses publiques qui prévaut : toute dépense engagée sans texte légal devient irrégulière. D’où la nécessité d’un audit, pour déterminer sur quelle base ces prises en charge ont été effectuées jusque-là.

Une réforme saluée mais jugée tardive

Sur le plan politique, certains saluent malgré tout un pas dans la bonne direction. Le député et président de l’Alliance des Démocrates pour le Développement Intégral (ADDI), Aimé Gogué, y voit une volonté d’assainir la gestion publique : « Les dirigeants doivent montrer l’exemple, surtout quand ils disposent de plusieurs résidences. Ce qui compte désormais, c’est l’application réelle. » Pour lui, la mesure doit être suivie d’un mécanisme de contrôle efficace afin d’éviter qu’elle ne reste lettre morte.

Mais pour d’autres, cette décision relève davantage de la communication politique que d’un changement structurel. C’est le point de vue exprimé par le président du parti Santé du Peuple, Dr Georges William-Kouessan. Il qualifie la mesure de « goutte d’eau hors de l’océan » et s’interroge sur son timing : pourquoi maintenant, après deux décennies de gouvernance, alors que la pauvreté frappe toujours une majorité de Togolais ? Il soupçonne un geste de diversion face à la récente et controversée hausse de 12,5 % des tarifs d’électricité.

Un symbole dans un océan de gaspillage

En toile de fond, la décision de Barcola met en lumière les pratiques opaques et les privilèges excessifs dont bénéficient certaines élites. Des cas de surconsommation extravagante – jusqu’à 4 millions FCFA d’électricité par mois dans une résidence ministérielle – ont été évoqués. Ce genre de dérives illustre le gouffre entre les dirigeants et les réalités du quotidien des citoyens. L’opinion publique, déjà éprouvée par l’augmentation du coût de la vie, voit en cette réforme une mesure de façade, un écran de fumée, tant que d’autres poches de gaspillage – notamment dans les casernes, les marchés publics ou les institutions républicaines – ne sont pas également ciblées.

En définitive, si la décision du 23 mai peut être perçue comme un signal, elle n’en demeure pas moins insuffisante sans cadre légal clair, transparence budgétaire et volonté politique réelle de mettre fin aux privilèges injustifiés.

One thought on “Togo- Circulaire Barcola : Que vaut une décision sans fondement juridique ?

  1. J’espère que les contrats de travail où la loi qui régit les salaires et avantages salariaux des membres du gouvernement sera amendée… Nous interpellons l’assemblée nationale.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *