La victoire contre Manssah au Togo: une victoire d’étape révélatrice

Dans une tribune percutante, Gnimdewa Atakpama, auteur et membre du Parti des Togolais, revient sur l’annulation de la conférence organisée par le groupe Manssah à Lomé. Il y voit une victoire stratégique de la société civile togolaise face à une tentative de légitimation du régime en place. À travers une analyse fine de la théorie du changement, il dévoile les coulisses d’une mobilisation exemplaire et livre une leçon précieuse : le pouvoir se construit, se structure… et peut faire tomber les plus grands simulacres.

La victoire contre Manssah au Togo: une victoire d’étape révélatrice

Il y a quelques jours, quelque chose d’extraordinaire s’est produit au Togo. Alain Foka et son groupe Manssah – vous savez, ces gens qui organisent de belles conférences pour se donner bonne conscience – ont été contraints d’annuler leur grand spectacle prévu à Lomé.

Leur conférence sur le panafricanisme ? Reportée sine die. Leurs invités de prestige ? Envolés. Leur opération de blanchiment du dictateur Faure Gnassingbé ? Tombée à l’eau.

Et tout ça grâce à une poignée de militants togolais qui ont compris une vérité fondamentale : le pouvoir n’appartient pas toujours à ceux qui semblent l’avoir.

Cette victoire n’est pas le fruit du hasard. Elle est le résultat d’une stratégie minutieusement orchestrée par la société civile togolaise. Et elle nous enseigne des leçons fondamentales sur la façon dont on construit le pouvoir pour changer les choses.

Permettez-moi d’abord de vous expliquer ce qu’est la théorie du changement. C’est simple : pour changer le monde, il faut du pouvoir. Mais attention, pas n’importe quel pouvoir. Un pouvoir organisé, stratégique, intelligent.

La théorie du changement, c’est votre GPS pour passer d’une situation injuste à une situation juste. C’est votre plan de bataille pour construire le pouvoir nécessaire au changement que vous voulez voir.

Les quatre questions qui changent tout

Dans le cas de Manssah, les militants togolais se sont posé quatre questions essentielles. Et leurs réponses ont fait toute la différence.

Première question : Quelles sont les conditions qui rendent ce changement possible ?
Regardez bien : la conférence tombait en pleine période de tensions politiques au Togo. Manssah avait besoin de personnalités respectées pour se donner une crédibilité. La société civile togolaise était déjà organisée et vigilante. Et le panafricanisme, mes amis, c’est un sujet qui mobilise bien au-delà des frontières du Togo.
Toutes ces conditions réunies créaient une fenêtre d’opportunité. Les militants l’ont saisie.

Deuxième question : Qui peut vraiment opérer ce changement ?
Ici, l’analyse était cruciale. En apparence, seuls Alain Foka et les organisateurs de Manssah pouvaient annuler la conférence. Eux seuls avaient ce pouvoir formel.
Mais – et c’est là que réside le génie de cette stratégie – Manssah dépendait entièrement de trois personnalités pour sa crédibilité : Laurent Gbagbo, Christiane Taubira et Lilian Thuram. Sans eux, l’événement n’avait plus aucun sens.

Troisième question : Quel pouvoir faut-il pour influencer ces décideurs ?
Au lieu de s’attaquer uniquement directement aux organisateurs, qui n’avaient aucune raison d’écouter les Togolais, la stratégie a identifié le talon d’Achille : leur dépendance aux invités de marque.
Gbagbo, Taubira, Thuram – chacun d’eux avait le pouvoir de faire s’effondrer l’événement en se désistant. Leur capital symbolique, c’était précisément ce que Manssah voulait exploiter.

Quatrième question : Comment construire ce pouvoir ?
Et là, mes amis, c’est du grand art. La campagne s’est déployée sur trois fronts simultanément.

Premier front : la pression populaire directe. Des manifestations de jeunes synchronisées avec la date de la conférence. Créer un climat où organiser cet événement devenait politiquement toxique.

Deuxième front : la mobilisation des créateurs de contenus togolais et africains. Utiliser les réseaux sociaux pour amplifier le message. Construire un narratif cohérent sur ce “faux panafricanisme”.

Troisième front : le plaidoyer ciblé auprès des trois personnalités. Et attention, pas n’importe comment. Chaque argument était calibré selon les valeurs et l’histoire de chaque personne.

À Laurent Gbagbo, ils ont dit : “Président, vous qui avez payé le prix fort pour vos convictions, vous qui avez résisté aux pressions coloniales, vous qui incarnez la véritable souveraineté africaine, vous ne pouvez pas cautionner une mascarade organisée par une dictature qui opprime son peuple depuis 58 ans.”

À Lilian Thuram : “Votre combat contre le racisme ne doit pas servir à blanchir une dictature.”

À Christiane Taubira : “En cautionnant Manssah, vous tournez le dos à ceux qui résistent courageusement à l’oppression.”

Cette victoire nous enseigne trois leçons fondamentales.
Première leçon : l’effet de levier. Au lieu de mobiliser des milliers de personnes contre Manssah directement, ils ont identifié les points de pression maximaux. Trois personnes dont le retrait rendait l’événement caduc. C’est ça, l’intelligence stratégique.

Deuxième leçon : la convergence des tactiques. Le succès vient de la synchronisation de différentes formes de pression. Manifestations de rue, pression médiatique, plaidoyer moral – aucune n’aurait suffi seule. C’est leur convergence qui a créé un environnement où maintenir la conférence devenait impossible.

Troisième leçon : l’importance du narratif. Cette campagne n’a pas seulement mobilisé, elle a construit un récit. Le “vrai” panafricanisme contre le “faux” panafricanisme. Elle a placé les invités devant un choix moral clair et impossible à esquiver.

Mes amis, cette victoire au Togo nous démontre une vérité fondamentale : avec une analyse rigoureuse du pouvoir et une stratégie bien calibrée, des groupes relativement bien organisés peuvent obtenir des victoires significatives.

Elle nous montre aussi que le changement social n’est jamais le fruit du hasard. C’est le résultat d’une ingénierie politique sophistiquée, d’une compréhension fine des rapports de force.

Cette victoire d’étape s’inscrit dans une lutte plus large pour la démocratie au Togo. Elle prouve que même face à un régime autoritaire, il est possible de gagner des batailles tactiques qui préparent des victoires stratégiques plus importantes.

L’exemple de Manssah nous enseigne que le pouvoir se construit. Et qu’il se construit en identifiant avec précision où se situent les véritables leviers de décision, puis en organisant méthodiquement la pression nécessaire pour les actionner.

C’est cela, la théorie du changement en action : transformer l’indignation en stratégie, la colère en pouvoir, et les rêves de justice en victoires concrètes.

Alors la prochaine fois que vous vous dites “mais qu’est-ce qu’on peut faire face à ça ?”, souvenez-vous de cette victoire togolaise. Posez-vous les quatre bonnes questions. Identifiez vos leviers. Construisez votre stratégie.
Et rappelez-vous : pour changer le monde, il faut du pouvoir. Mais ce pouvoir, on peut le construire. On peut le gagner. Et on peut l’utiliser pour la justice.

Gnimdewa Atakpama
Auteur de La nuit est longue mais la révolution vient

One thought on “La victoire contre Manssah au Togo: une victoire d’étape révélatrice

  1. Quelle victoire d’étape!!!? Qu’est ce que l’annulation d’une réunion internationale à Lomé à fait gagner aux travailleurs qui attendent justement cette activité pour gagner leur pain… Le problème du Togo, ce sont ses intellectuels (comme celui qui a écrit cette tribune). Qu’est ce que s’attaquer à Foka va changer dans le vote des Togolais qui veulent le changement… Le vrai débat c’est comment motiver les jeunes pour qu’ils votent… Le reste c’est du cinéma.

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