Alors que le pays peine à panser les plaies des manifestations sanglantes de juin dernier, les familles endeuillées se voient refuser, une fois de plus, le droit de pleurer dignement leurs morts. Dernier exemple en date : la famille de KOUTOGLO Koami Jacques, un adolescent retrouvé mort dans la lagune de Bè après les protestations du 26 juin, vient d’être sommée par les autorités de suspendre une messe prévue pour le 40e jour de son décès. Une décision qui ravive les tensions et alimente les soupçons d’une volonté de bâillonner la mémoire collective.
Le 27 juin 2025, au lendemain des manifestations violemment réprimées à Lomé, un corps est découvert flottant dans la lagune de Bè, à quelques mètres seulement de la maison familiale. Il s’agit de KOUTOGLO Koami Jacques, un adolescent de 15 ans, récemment admis au BEPC. Son visage est marqué de traces suspectes : ecchymoses visibles, saignement au nez. La scène bouleverse le quartier, plonge la famille dans l’horreur.
Le gouvernement évoque un simple cas de noyade, tout en annonçant une enquête pour déterminer les circonstances du drame. Jacques fait partie des autres victimes recensées dans des conditions similaires au cours des manifestations populaires des 26, 27, 28 juin, dont le régime peine à expliquer la brutalité.
Un deuil suspendu par décision administrative
Alors que la famille KOUTOGLO s’apprêtait à organiser une messe de 40e jour suivie d’une cérémonie de libation le 4 août à Lomé, un courrier du Préfet du Golfe, transmis par le Maire de la Commune Golfe 1, vient tout suspendre.
Dans sa correspondance officielle (N° D804-25/PG/SG-DAAC), le Préfet Kossivi AGBODAN déclare : « Le décès du jeune homme ne saurait être lié aux manifestations à l’heure actuelle, d’autant plus que les enquêtes sont toujours en cours […] À cet effet, je vous demande d’informer la famille du défunt à surseoir à toutes formes de manifestations liées à ce décès. »
Un message qui fait écho à une série de refus déjà enregistrés par les organisations de la société civile, plusieurs fois déboutées dans leurs tentatives d’organiser des marches pacifiques en hommage aux victimes de juin.
Un droit à l’hommage confisqué ?
Dans un communiqué diffusé le 3 août au soir, la famille s’est dite contrainte de reporter la messe et la cérémonie prévues, exprimant ses excuses pour ce changement imposé, tout en remerciant la population pour son soutien.
« Dans un souci d’apaisement afin d’éviter tout affrontement, la famille KOUTOGLO informe la population que la messe et la cérémonie de libation prévues ce jour à midi sont reportées à une date ultérieure. »
Mais au-delà de l’élégance de cette formulation, la décision des autorités soulève des interrogations légitimes : peut-on décemment interdire une messe de recueillement ? Le lien entre la mort de Jacques et les manifestations n’a pas encore été « juridiquement établi », certes, mais est-ce une raison suffisante pour empêcher une famille d’exprimer son deuil ?