Dans les rues de Lomé, il n’est pas rare d’entendre dire que le Togo est comparable à la Corée du Nord, ce pays constamment dépeint comme une dictature rigide et cruelle. Mais la comparaison est simpliste et injuste pour la Corée du Nord.
Au Togo, le discours officiel veut faire croire qu’on est dans un État de droit, parce qu’il y a bien des lois et des institutions. Mensonge, car un État de droit ne se mesure pas à la simple existence de textes de lois, il se mesure à l’application juste et équitable de ces lois. Or, ce socle fondamental est inexistant chez nous. Dans notre pays, les règles sont appliquées à la tête du citoyen, selon ses liens avec le pouvoir et selon les enjeux. Les décisions de justice sont téléguidées dès qu’elles présentent un intérêt politique. Les institutions sont capturées, elles sont muettes face aux abus et aveugles devant le pillage des richesses.
Les libertés individuelles sont loin d’être garanties. Les citoyens vivent dans la peur, la méfiance est permanente, l’incertitude est la norme. Il ne s’agit pas seulement d’absence de démocratie, il s’agit de la présence active d’une terreur bien orchestrée qui peut vous coûter la ruine financière, la prison, l’exil, la misère. C’est une dictature avec un maquillage d’élections, mais elle est probablement aussi violente que celle de la Corée.
La comparaison avec la Corée du Nord révèle une vérité dérangeante, puisque sur plusieurs points, ce pays si décrié fait mieux. Là-bas au moins, l’élite autoritaire n’a pas fait de la prédation des ressources publiques son sport favori. Les dirigeants nord-coréens, aussi critiquables soient-ils, ne confient pas les marchés publics à des parents incompétents pour faire des prestations exécrables. Ils ne se bâtissent pas des châteaux personnels pendant que les écoles sont en paille, sans tables ni bancs. Eux et leurs proches ne remplissent pas leurs comptes en Suisse pendant que leurs compatriotes se serrent amèrement la ceinture.
Il est vrai que la Corée est une dictature qui sait être brutale comme le Togo, mais regardez comment ce pays construit des fusées, des trains, des ordinateurs. Regardez sa capitale.
En Corée, on a inculqué au peuple l’idée de travailler dur pour la patrie. Au Togo, on enseigne l’art de la soumission, du clientélisme, du mensonge, du vol. Là-bas, on encadre la jeunesse dans des structures solides. Ici, on l’abandonne dans un environnement délabré, sans grand avenir.
Certes, les deux régimes togolais et coréens répriment toute contestation, mais là où la Corée discipline dans une logique de puissance et de cohésion nationales, le Togo réprime juste pour garder le pouvoir au sein d’un clan, pour mieux piller ou pour mieux se maintenir. Au Togo, non seulement on confisque le présent mais en plus, on tue l’avenir à petit feu. Ce qui s’y passe est un scandale silencieux, une tragédie maquillée en stabilité. Il ne s’agit pas d’un simple déficit de gouvernance, il s’agit d’un sabotage pur du tissu social, économique et moral. Au sein du régime, des acteurs bien connus veulent que les citoyens vivent avec la peur au ventre, que les voleurs soient protégés, que le pouvoir soit au service de quelques-uns et non au service du bien commun, que le Togo ne soit jamais une nation libre, mais un pays dans le coma, miné par des considérations ethniques, pour le bien du Clan. Avec les histoires de miliciens, prions que le Clan ne devienne pas Ku Klux Klan.
N’djo
Source: Le journal Sika’a