Togo -Tribune : le nécessaire encadrement du train de vie de nos directeurs et présidents d’institutions publiques

Dans une précédente tribune, nous avions interpellé sur l’urgence d’une République sobre au Togo, où la gestion des deniers publics reflèterait enfin les valeurs de transparence et d’exemplarité. Aujourd’hui, alors que la France de Sébastien Lecornu franchit une nouvelle étape dans cette direction, le Togo, à la veille de la formation d’un nouveau gouvernement sous la Vème République, se doit d’observer et d’agir.

Quand la France montre l’exemple

Avant même la composition de son gouvernement, le Premier ministre français Sébastien Lecornu a pris des mesures radicales : gel du budget de fonctionnement de Matignon pour 2026, suspension des frais de communication, suppression des avantages à vie des anciens Premiers ministres. L’objectif : réduire de six milliards d’euros le « train de vie » de l’État. Son message est clair : « L’argent public est précieux, l’État doit être exemplaire ».

Cette démarche française, qui fait suite aux mesures de l’Élysée, envoie un signal fort : dans une période de raréfaction des ressources, la vertu doit commencer au sommet. Les économies visées portent sur le chauffage, l’essence, les frais de représentation – autant de postes budgétaires qui, ailleurs, échappent souvent à tout contrôle. D’ailleurs, la France vit actuellement une séquence révélatrice avec les scandales successifs des notes de frais d’élus parisiens : après la maire Anne Hidalgo, c’est le maire du 18e arrondissement qui est épinglé pour avoir fait rembourser plus de 35.000 euros de frais de représentation sur un mandat, incluant pressing, coiffeur, vêtements et dîners étoilés. Ces révélations ont provoqué l’indignation générale et renforcent la nécessité d’un encadrement strict de ces pratiques, même lorsqu’elles sont techniquement légales.

Le Togo à la croisée des chemins

Le Togo s’apprête à franchir une étape historique avec la mise en place effective de sa Vème République et la formation imminente d’un nouveau gouvernement. C’est le moment idéal pour instaurer ces mécanismes de régulation et de contrôle que nous appelions de nos vœux.

Car les dérives existent, et elles sont parfois spectaculaires. Nous avons été informés de pratiques particulièrement préoccupantes au sein de certaines institutions publiques. Prenons l’exemple – que nous développerons dans une prochaine tribune avec des preuves documentées – d’un ancien président d’institution, fraichement débarqué de son « palais cube bleu » après à peine deux ans de mandat.

Les allégations concernant cette gestion sont édifiantes : voyages et vacances en famille aux frais de l’institution, invités personnels inclus dans les missions officielles, dépenses de restauration démesurées, acquisitions de champagnes et vins mousseux se chiffrant en millions, frais de carburant explosifs, contrats de gré à gré problématiques… La liste serait longue. Comment peut-on justifier de telles dépenses quand l’institution manque parfois de moyens pour ses missions essentielles ?

Des mesures urgentes à mettre en œuvre

Le prochain Président du Conseil des ministres, institution centrale de notre Vème République, devrait s’inspirer de la démarche française en imposant un cadre strict et contraignant. Il s’agit d’abord d’établir un plafonnement rigoureux des budgets de fonctionnement des institutions publiques, avec des grilles de référence publiques définies selon la taille et la mission de chaque structure, tout dépassement devant faire l’objet d’une justification écrite au ministère de tutelle et à la Cour des comptes. Ensuite, une transparence totale doit être instaurée sur les frais de représentation, de déplacement et de réception, avec publication trimestrielle sur les sites web institutionnels de l’état détaillé des dépenses, incluant la nature, la justification et le montant de chaque frais engagé par les dirigeants. L’interdiction formelle des voyages familiaux et personnels aux frais des institutions doit être clairement établie, accompagnée de sanctions dissuasives allant jusqu’au remboursement intégral et à la révocation en cas de manquement constaté. Un contrôle rigoureux des contrats de prestations et de fournitures s’impose également, limitant les marchés de gré à gré aux situations d’urgence avérée, imposant des appels d’offres transparents pour tous les autres contrats, et sanctionnant pénalement les facturations doubles ou surfacturées. Enfin, la publication annuelle des comptes de gestion des présidents d’institutions, certifiés par un auditeur externe indépendant et accessibles au public, doit devenir la norme, permettant aux citoyens et à la société civile d’exercer un contrôle démocratique effectif sur l’utilisation des ressources publiques. Ces mesures ne sont ni révolutionnaires ni impossibles à mettre en œuvre : elles constituent simplement le socle minimal d’une gestion républicaine des deniers publics que le futur gouvernement de la Vème République doit adopter immédiatement pour signaler que le temps de l’impunité et du gaspillage est définitivement révolu.

La République des actes, pas des discours

La sobriété républicaine n’est pas une contrainte mais une libération. Elle signifie que chaque franc CFA économisé sur le superflu peut être investi dans l’essentiel : les bourses étudiantes, les équipements des laboratoires, la réhabilitation des amphithéâtres, l’amélioration des conditions de vie sur les campus.

À la veille de cette nouvelle ère institutionnelle, le Togo a l’occasion de faire de la vertu financière un pilier de sa gouvernance. Les exemples à ne pas suivre existent – nous y reviendrons avec des preuves tangibles. Mais l’avenir doit être différent.

La Vème République togolaise ne sera crédible que si elle rompt définitivement avec les pratiques du passé. Le peuple observe, évalue et attend des actes concrets, pas de nouveaux discours.

Le moment est venu de transformer l’exemplarité en norme, et l’exception en règle.

Wait and See

Afanou Richard

Source : Liberté

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