Né à Lomé, ce « travailleur culturel », comme lui-même à se définir, a réussi à trouver sa place dans les milieux artistiques huppés européens à tel point qu’il est sollicité régulièrement par les grands musées.
Au départ…
Il y a des rencontres qui basculent tout, qui changent la destinée d’une personne. Dans le cas de Kisito Assangni, c’est le contact avec les œuvres de ses aînés notamment celles de Sokey Edorh, Kossi Assou, Paako Sallah, Quaye Jope et feu Jimi Hope, visibles à l’époque au Centre culturel français (CCF), aujourd’hui rebaptisé Institut français de Lomé (IFL), qui aiguise surtout son appétit pour l’art plastique.
« Un moment qui a viscéralement tout déclenché. Ensuite, l’opportunité de travailler avec le photographe Suisse Beat Presser, invité par le Goethe-Institut, m’a révélé qu’on peut partir de zéro et aller loin si on se forme intérieurement et techniquement », confie le curateur.
Olivier Sultan, directeur du Musée des Arts Derniers, aussi a joué un rôle non négligeable au début de son parcours. Dans les années 2000, c’est lui qui lui facilite des rencontres avec les pionniers comme Ousmane Sow et Mickael Bethe Selassié.
Formation
Conscient que pour faire son trou dans ce secteur concurrentiel, le talent seul ne suffit pas, Kisito Assangni se forme, renforce ses capacités. En plus d’une formation en muséologie et en histoire de l’art à l’Ecole du Louvre de Paris, l’artiste participe à des séminaires en Curating à Goldsmiths University of London, rencontre la galeriste et architecte Colette Holl et des commissaires d’exposition de renommée internationale à l’instar d’Olabisi Silva et Jacob Fabricius. Le reste viendra naturellement.
Expositions
C’est ainsi qu’il prend une part active dans plusieurs expositions : Art Against Aids, Sikkema Jenkins & Co (New York), TIME is Love Screening, Sobering Galerie (Paris), ZKM – Centre d’art et de technologie des médias, Karlsruhe (Allemagne), CCA – Centre d’art contemporain (Glasgow), Sakura Works (Yokohama), 58e Biennale de Venise (Italie), Open Screening, Whitechapel Gallery, (Londres), entre autres.
Biotope
Kisito Assangni est également enseignant, partageant ses connaissances et ses expériences dans des écoles supérieures d’art et collaborant avec plusieurs magazines internationaux.
Ce commissaire d’exposition togolais basé en Europe s’« inspire fondamentalement du schéma d’association atomistique propre à la pensée contemporaine. L’environnement qui m’entoure, les gens, les matériaux, la musique et les livres forment des combinaisons mécaniques qui m’animent. L’art contemporain se doit d’être sociétal, il ne peut plus se permettre d’être déconnecté du monde et de l’actualité ».
‘’Time is love screening’’. C’est le nom d’une plateforme curatoriale qu’il anime depuis 2008 à travers laquelle il montre les programmations d’art vidéo et filmique sur fond de « résonance avec la psychogéographie, l’Histoire, la mémoire et les inégalités », souligne l’artiste, ajoutant que ses projets curatoriaux abordent, en outre, des thèmes sur le décolonialisme, l’afrofuturisme, l’altérité, la solidarité et l’écologie de la connaissance.
Bercail
Bien que vivant entre Paris et Londres, ce compagnon complice des artistes suit de près ce qui se passe dans son pays d’origine. S’il déplore qu’« Aucun artiste togolais n’est coté par rapport aux artistes africains sur la scène internationale à l’instar de Romuald Hazoumé (Benin), El Anatsui (Ghana), Pascale Marthine Tayou (Cameroun), Julie Mehretu (Ethiopie), William Kentridge (Afrique du Sud) etc. », il ne désespère guère, parce qu’il constate qu’au Togo « une scène foisonnante pleine de vie et d’énergie artistique…surfe sur une grammaire picturale, photographique et sculpturale nouvelle ».
Et de poursuivre : « Des artistes comme Tété Azankpo et Kokou Ekouagou parmi tant d’autres montrent le processus de décloisonnement des pratiques. Des artistes optimistes, parfois satiriques, capables de penser le monde de demain, de déconstruire les stéréotypes. Ils s’inscrivent dans une contemporanéité fascinante en proposant de nouvelles visions pour le Togo ».
Il y a de l’espoir. Toutefois, « Il faudrait que le Togo devienne une des centralités de l’art contemporain, admirée internationalement pour ses capacités créatives ». Pour ce faire, propose-t-il, la culture, « un des piliers du soft power », doit devenir une priorité parce qu’elle est « un des leviers de la puissance ». « L’élan et la volonté politique peuvent contribuer à construire une école de formation en arts plastiques exactement comme la création du Palais de Lomé, très louable. L’État devrait si possible donner une meilleure visibilité aux artistes togolais en finançant des expositions d’envergure internationale (par exemple, la Biennale de Venise) en collaboration avec des curateurs connus », enchaîne-t-il.
Ce serait un grand plaisir pour lui que l’occasion lui soit donnée pour qu’il collabore « un jour avec le Palais de Lomé pour organiser une exposition thématique pluridisciplinaire et itinérante rassemblant les artistes diasporiques et locaux », ambitionne Kisito Assangni.