Gnimdewa Atakpama, homme politique, a lu « Poétesse de Dieu » (Editions L’Harmattan, 302 pages), un roman de David Kpelly, écrivain, enseignant et activiste politique vivant aujourd’hui à Bamako. Il en fait un résumé à la fois simple et captivant.
FICHE DE LECTURE DE « LA POETESSE DE DIEU » PAR L’ECRIVAIN ET HOMME POLITIQUE TOGOLAIS GNIMDEWA ATAKPAMA
Episode 1 : « Je veux devenir comme elle. Ecrire des livres et parler en public. »
Qui, du journaliste, de l’historien ou du romancier, est le mieux placé pour décrypter la complexité d’un continent comme l’Afrique confrontée à une accélération brutale de son histoire ?
David Kpelly, dans, La poétesse de Dieu, son dernier roman, fait feu de tout bois. Il raconte l’Afrique à travers trois générations de femmes qui se battent pour accomplir un rêve somme tout banal.
Tout commence en 1960. « Le Mali, venait d’accéder à son indépendance, et partout, dans le pays, on chantait l’espoir et échafaudait de grands rêves. Ce samedi matin, Koulikoro s’était rassemblée sur la place publique pour accueillir le président de la nouvelle république, Modibo Kéïta. Parmi la délégation qui accompagnait le président, une femme [Aoua Kéïta] s’était distinguée par son éloquence et son charisme. »
Dans la foule, une adolescente fascinée se permet un rêve. Elle déclare à ses parents : « Je veux aller à l’école pour devenir comme Aoua Kéïta : écrire des livres et parler en public. »
Ecrire des livres et parler en public. Un rêve a priori banal qui devient le cauchemar de trois générations de femmes : l’aïeule, Rokiatou Coulibaly, la fille Aminata Sow et la petite-fille, Alima Sallaye.
Comme dans tout conte digne de ce nom, tout commence donc par une action qui n’est pas supposée entraîner des conséquences fâcheuses : une adolescente non scolarisée, de condition modeste fait le rêve de devenir auteure et conférencière. Or, cette action initiale débouche sur une série de conséquences totalement imprévisibles qui s’enchaînent d’une façon inéluctable telle une machine inexorable.
Ecrire des livres et parler en public ? « C’est, parce qu’elle s’ennuie que de telles idées lui passent par la tête. Le foyer l’occupera», tranche le père qui marie sa fille de 15 ans à un de ses amis.
Son rêve brisé, elle le reporte sur l’unique fille qu’elle réussit à avoir dix-sept ans après son mariage. Dès le premier cri de sa fille, Rokiatou lui dit : « Toi, ma fille, tu iras à l’école et tu deviendras comme Aoua Kéïta. Tu écriras des livres et parlera en public. »
Mais le sort, têtu, s’acharne et l’histoire se répète. Le rêve d’Aminata sa fille aussi s’écroule « le jour où un des oncles d’Aminata décida de la marier à Souleymane Sallaye, un riche cultivateur d’une soixantaine d’années. »
La mère est impuissante devant le désarroi de sa fille. Elle ne peut pas la défendre, parce que « l’œuf aussi grande que soit sa volonté, a assez de lucidité pour comprendre qu’aucune chance ne lui est laissée dans un combat contre la pierre. »
La fille : « Comment veux-tu alors que je réalise le rêve de devenir Aoua Kéïta, si j’arrête les études pour me marier ? »
La mère : « Reporte ce rêve sur les enfants que tu auras, comme j’ai reporté le mien sur toi. Ta fille, elle, saura écrire des livres et parler en public comme Aoua Kéïta. »
De fait, quand Aminata inscrit sa fillette de 5 ans, Alima, à l’école, elle lui transmet naturellement le fardeau…enfin le flambeau : « Tu réaliseras le rêve avorté de ta grand-mère et de ta mère. Tu écriras des textes et des livres, comme Aoua Kéïta. »
Après avoir perdu et enterré sa fille, la grand-mère, comme une prière, ne cessera de dire à sa petite fille : « Alima, c’est sur toi que repose désormais le rêve que j’ai eu le malheur de faire un matin et qui tombe sur vous mes enfants comme une malédiction. Ai-je offensé Dieu en rêvant de savoir lire, écrire des textes et des livres, et parler en public ? Je ne saurais le dire. »
En attendant mon deuxième épisode, je vous laisse retrouver la suite de cette histoire à la sensibilité touchante dans « La poétesse de Dieu » de David Kpelly.
Gnimdewa Atakpama