« Dans un voisinage où tous les Etats engrangent de remarquables avancées démocratiques (Nigeria, Bénin, Burkina, Ghana…) le Togo, s’il doit être appelé démocratie, est alors une démocratie triste et plus que boiteuse » (Jean-Baptiste Placca).
L’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (IDEA) basé à Stockholm en Suède sonne l’alerte : la démocratie est en net recul dans le monde. Telles sont les conclusions d’un rapport rendu public le 22 novembre 2021. En cinq ans, le nombre de démocraties dans le monde est en declin, passant de 104 à 98. Les pays tendant vers l’autoritarisme sont plus nombreux que ceux en phase de démocratisation.
L’Afrique figure parmi les continents les plus touchés. « Il y a eu des progrès remarquables au début des années 1990 qui avaient donné beaucoup d’espoir à tout le monde, mais le nombre de démocraties en Afrique est passé de 22 en 2015, à 18 en 2020. Les problèmes, dans ces cas-là, sont un pouvoir trop centralisé et des dirigeants qui restent au pouvoir au-delà de leur mandat », note Seema Shah, chargée de superviser la rédaction du rapport de l’Idea.
La démocratie porte un certain nombre de principes fondamentaux et de vertus dont l’alternance au pouvoir, l’Etat de droit, le respect des droits de l’Homme, l’indépendance de la justice, la séparation des pouvoirs, etc.
Comme l’énonce la Déclaration universelle sur la démocratie adoptée en 1997 au Caire en Egypte, « l’état de démocratie garantit que les processus d’accession au pouvoir et d’exercice et d’alternance du pouvoir permettent une libre concurrence politique et émanent d’une participation populaire ouverte, libre et non discriminatoire, exercée en accord avec la règle de droit, tant dans son esprit que dans sa lettre ».
Partant de ces principes, il est évident qu’au Togo des Gnassingbé, la démocratie n’a jamais existé pour prétendre parler de son recul. Ce petit pays d’Afrique de l’Ouest, coincé curieusement entre le Ghana et le Bénin, pays de longue tradition démocratique et dans une moindre mesure, le Burkina Faso qui a récemment eu son passeport pour la démocratie, est un Etat entièrement à part, un pays singulier qui nage à contre-courant des valeurs démocratiques.
Il est décrit comme un îlot de dictature dans un océan de démocratie.Une seule famille est au pouvoir depuis 55 ans. Un règne sans fin de Gnassingbé père et fils. C’est le seul Etat dans la région ouest-africaine qui n’a jamais connu d’alternance démocratique. Cependant, ceux qui ont pris le pays en otage depuis des décennies se font violence pour faire croire qu’il serait une démocratie.
Il est vrai, les consultations électorales sont régulièrement organisées, mais les scrutins n’ont jamais été transparents, libres et démocratiques. Depuis la nuit des temps, toutes les élections sont remportées systématiquement par le clan au pouvoir. Les institutions existent, mais elles sont toutes caporalisées. Les pouvoirs judiciaire et législatif par exemple sont transformés en appendices du gouvernement. La justice n’est indépendante que de nom. Censée assurer la cohésion sociale, elle est instrumentalisée pour régler des comptes à des adversaires politiques.
L’Assemblée nationale, quant à elle, est monolithique, formée à 100% des députés godillots du parti au pouvoir et de ses alliés qui ont délégué leur pouvoir au gouvernement. La Constitution passe constamment au bistouri. Les contre-pouvoirs sont inexistants. Les libertés fondamentales (liberté de presse, d’expression, syndicale, de manifestation) étouffées.
Les droits humains sont violés, les opposants persécutés et embastillés, le déni de droit, une banalité. La corruption est endémique et à tous les étages de l’administration. La mauvaise gouvernance est chronique, les scandales financiers légion.
Voilà la dictature dans toute sa laideur.
Médard AMETEPE