J’ai lu à l’instant, un post de l’honorable Gerry Taama où il analysait un peu, l’intérêt particulier que les jeunes manifestent pour la quête d’emploi dans la fonction publique.
Dans une démarche comparative, il s’est appuyé sur les chiffres du précédent concours qui avait eu lieu, il y’a deux ans, au ministère de l’agriculture, où pour un besoin de 1500 agents, l’on avait enregistré plus de 27000 dossiers de candidatures ; ainsi devine-t-il que cette fois-ci, étant entendu que le présent concours de recrutement général dans la fonction publique recherche environ 2725 agents, les aspirants à ce concours attendraient facilement le chiffre de 100 mille.
En calculant les dépenses qui seront engagées au total pour un tel concours, il s’est rendu compte que très facilement, plus de 2,5 milliards y seront versés. La question qu’il a posée à la suite de tout ceci et qui, par ailleurs, motive mon écrit, est de savoir pourquoi les jeunes sont-ils attachés à la fonction publique au lieu par exemple d’entreprendre.
Je trouve plusieurs raisons à sa question dont la toute première est relative au type de formation qui est servie à la jeunesse dans notre pays; elle ne fournit guère d’outils intellectuels adéquats pour entreprendre.
Lui par exemple a pensé à l’entrepreneuriat sans doute parce que son parcours lui a forgé un état d’esprit qui conforte sa foi en lui et lui donne l’audace d’entreprendre. Tant que ce qui est mis dans l’esprit de l’apprenant est d’un caractère essentiellement théorique, il ne faut pas attendre de lui, une envie ou des réflexes pour lesquels il n’a guère reçu ni d’armes, ni de munitions, car la plus belle femme au monde ne peut donner que ce qu’elle a.
Ensuite lorsque par le concours de circonstances et eu égard aux épreuves auxquelles le jeune se heurte, celui-ci se jette, tel un aigle dans l’entrepreneuriat, les goulots d’étranglement sont encore majeurs.
A moins pour lui de se plier à l’achat et à la vente d’articles ou de petits produits qui ne nécessitent que le stricte minimum pour s’y lancer, toute autre initiative à caractère intellectuel, nécessite de la part du jeune entrepreneur, un minimum de contacts ou de connaissances à qui il va expliquer son offre et ainsi espérer se créer des opportunités en vue de se faire valoir.
Je mets quiconque au défi d’envoyer des lettres offrant des services à des entreprises, peu importe qu’elles soient du public ou du privé ici au Togo. Sur 100 lettres, s’il reçoit juste deux réponses, même négatives, qu’il rende grâce !
Le togolais vit tellement sur la base des réseaux et de certains automatismes qu’il n’a plus le temps de jeter un regard sur une offre qui vienne d’une personne tierce, quelle que soit sa pertinence. Bien pire, répondre à une lettre ou à une sollicitation venant de la part d’un jeune que l’on ne connait pas, relève pratiquement de l’impossible.
La plupart des dirigeants du public, comme du privé, n’ont plus de temps à mettre au bénéfice des gens qui ne sont pas de leur rang ou ne comptent pas directement dans leur vie. Pour tout dire, l’esprit de transmission et de partage, ne serait-ce que de la connaissance et des expériences, a décampé de nos rangs au Togo.
Résultat de course, l’enthousiasme, la fougue et la dynamique énergie de base qui animaient le jeune entrepreneur finissent, progressivement, par s’effilocher et il comprend que sans un réseau, il ne pourra pas percer non seulement dans ce domaine, mais aussi dans la vie elle-même.
Du coup, l’impératif pour lui de s’assurer survie, le pousse littéralement et à son corps défendant, à chercher une cachette dans la fonction publique ou dans toute autre structure pour peu que sa pitance l’y soit garantie.
Alors comment sortir de cette situation ?
Il faut de haut, initier une vraie politique de promotion des jeunes dans l’entrepreneuriat d’abord et avant tout en les y préparant dès la base avec une formation adéquate.
Ensuite leur offrir des espaces d’expression et d’affirmation de leurs atouts et compétences,
non pas simplement en mettant à leur disposition des lignes de crédit, ou des facilités d’accès aux crédits bancaires, mais surtout en faisant en sorte que ceux-ci aient des interlocuteurs qui les écoutent, les encouragent aussi bien par la parole que par des actes.
L’ouverture d’esprit est un élément qui manque fondamentalement dans notre société d’aujourd’hui. L’élite dirigeante du secteur public comme du privé manque de disponibilité, mais surtout aussi de sincérité à l’égard des jeunes.
Malheureusement, tant que l’élite dirigeante s’engluera toujours dans cette culture de réseaux où seuls ceux qui sont recommandés ou sont connus peuvent avoir accès à des places au soleil, l’esprit d’initiative, d’entrepreneuriat ne prospérera point dans le pays, et naturellement des génies en puissance se réduiront en chasseurs d’hôtel ou en de simples chemineaux courant les rues. Et bien sûr, c’est le pays lui-même qui perd à tous points de vue. C’est vrai!
Luc Abaki