Arrivées comme héros en janvier 2013, les forces armées françaises sont aujourd’hui priées de plier bagage, sans délai, partir définitivement du territoire malien. Une décision qui est la résultante d’une guerre ouverte entre l’ancien libérateur et les nouvelles autorités militaires maliennes. Retour sur une histoire d’amour qui semble finir mal.
Acclamés en libérateurs dans les rues de Bamako, après avoir repoussé l’offensive djihadiste dans le nord du Mali en janvier 2013, le libérateur français est aujourd’hui considéré comme l’occupant dont il faut se débarrasser. Telle est la conception des nouvelles autorités maliennes à la suite de l’imbroglio diplomatique survenu entre les deux nations. Imbroglio diplomatique marqué par des passes d’armes peu courtois, renvoi de diplomate. Ces deux derniers jours, l’on semble arriver des deux cotés à une étape de non-retour.
Rappel !
11 janvier 2013 ! La France lance l’opération Serval et déploie 4 000 soldats pour bloquer l’avancée des groupes armés islamistes qui ont pris le contrôle de l’Azawad, la partie nord du pays. Du coté de l’Elysée, on a vite fait de clarifier la position de la France. « Le seul but que poursuit la France, à travers cet engagement, est de combattre le terrorisme » avait clamé François Hollande. A Bamako, les légionnaires de la force Serval, suivi du Président Francois Hollande, 22 jours plus tard, étaient accueillis comme des héros aux côtés du président de l’époque, Dioncounda Traoré. La force Barkhane intervint, quelques jours plus tard, dans le souci de garantir l’intégrité territoriale du Mali et d’empêcher l’effondrement de l’État. Il a été aussi question de combattre le djihadisme dans la région, en Mauritanie, au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Tchad. Et dans ce projet la France reçut le soutien du Royaume-Uni, de l’Estonie, du Danemark, de la République tchèque et de la Suède. C’est dans cette configuration qu’intervint aujourd’hui la fin de la lune de miel entre l’ancienne colonie et sa métropole à la suite des évènements liés au double coup d’état et surtout la présence, au Mali, des mercenaires russes du groupe Wagner. Une affaire de jalousie donc !
Bamako-Paris : un dialogue difficile !
Les histoires d’amour finissent mal en général. C’est encore le cas entre la France et le Mali. Hier libérateurs, les français, au Mali, aujourd’hui sont vus comme des occupants dont il faut se débarrasser à tout prix. Et comme « qui veut noyer son chien l’accuse de rage », les premières accusations des autorités maliennes contre leurs anciens maitres sont tombées le 28 septembre 2021 à la suite de l’annonce, par les autorités françaises, de réorganiser les troupes françaises présentes au Sahel. Un « changement de modèle », pour « permettre une opération d’appui aux armées des pays qui le souhaitent et la mise en œuvre d’une alliance internationale concentrée sur la lutte contre le terrorisme ». Devant l’Organisation des Nations-Unies (ONU), le Premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga parle« d’abandon en plein vol » de la France. Emmanuel Macron juge « inacceptable » cette réaction, qui provient pour lui d’un gouvernement « qui n’en est pas un ». Les premières conséquences de cette passe d’arme ont été l’annulation de la visite d’Emmanuel Macron aux troupes de Barkhane pour Noel. Officiellement pour cause de Covid, afin « d’être en cohérence avec les mesures sur le territoire national », justifie l’Elysée. Mais les vraies raisons de ce divorce programmé semblent être ailleurs. En effet, la volonté des autorités militaires maliennes de se tourner vers la Russie constitue la pilule que la France a du mal à avaler. Ce réchauffement de la coopération militaire russe avec le Mali a été senti à l’Elysée comme une humiliation. Jean-Yves Le Drian n’hésite pas à relever les «exactions de Wagner» en Syrie, en Libye et en Centrafrique. La ministre des Armées Florence Parly parle « d’hypocrisie…de mauvaise foi » de l’autorité militaire malienne qui «s’essuient les pieds sur le sang des soldats français». Des qualificatifs qui ont valu, en réponse, un cours d’histoire sur l’engagement des tirailleurs africains aux côtés de la France lors des deux guerres mondiales. Pour aller plus loin dans sa volonté de ne pas se laisser dicter les lois, sur son propre territoire, le Mali décide d’expulser l’ambassadeur français de son territoire.
Sortie honorable ?
Dans cette situation de dialogue difficile entre la France et le Mali la population malienne s’allie à ses autorités. A en croire les propos de Rodrigue Koné, chercheur à l’Institut des études de sécurité, les maliens dénoncent une sorte « de condescendance, d’arrogance de la politique française en Afrique qui n’a pas connu de mutation profonde depuis la fin de la colonisation ». Dos au mur la France essaie de se donner une sortie honorable. « Paris et ses alliés européens se donnent jusqu’à mi-février pour repenser leur dispositif militaire au Mali » avait annoncé le porte-parole du gouvernement français Gabriel Attal. Et pour ne pas perdre la face, aux yeux du monde, Emmanuel Macron initie le mini-sommet de Paris sur le Sahel pour annoncer son retrait du Mali dans un délai de 6 mois. La réponse de berger à la bergère intervint au lendemain de cette annonce. Les autorités de la transition ont demandé à la France de retirer, sans délai, les soldats des opérations Barkhane et Takuba du Mali. Aussitôt demandé, aussitôt refusé par le chef de l’Etat français. La France se retirera “en bon ordre” et ne transigera pas une seconde sur la sécurité de ses soldats, a répondu M. Macron. Après déjà des mois d’escalade des tensions voilà encore le début d’un nouvel épisode. A la fin il s’agira de voir qui sortira la tête haute de cette situation.
Wait and see !
Par Emmanuel AMEGEE