Patrice Lumumba fait partie des rares héros des indépendances octroyées en Afrique. Il relève d’un paradoxe, car les politiciens africains auxquels les colonisateurs faisaient ces cadeaux empoisonnés des indépendances truquées, n’étaient, pour la plupart, que des marionnettes et des clowns.
Les héros, dans mon entendement, étaient ceux qui avaient entrepris victorieusement des guerres de libération comme Amilcar Cabral en Guinée Bissau, Agostino Neto en Angola, Samora Machel au Mozambique, Nelson Mandela en Afrique du Sud, par exemple.
Lumumba s’est mis à dos les colons belges le jour de l'”indépendance”, le 30 juin 1960, avec son discours accusateur en présence du roi des Belges. Discours qui allait à l’encontre des discours de remerciements et de reconnaissance que faisaient les présidents choisis par les colons dans les ex-colonies.
Le fait d’avoir dénoncé les crimes de la colonisation, revendiqué la dignité des Congolais et des Noirs, avait suffi pour que les ennemis occidentaux et congolais de l’Afrique et du Congo Léopoldville en fassent un dangereux communiste, un trublion, un agent de l’étranger. La Belgique, la France, les États-Unis d’Amérique, l’ONU, la Grande Bretagne s’étaient tous coalisés pour l’abattre.
Car dans leurs calculs d’esclavagistes, d’exploiteurs et de voleurs, les dirigeants africains des “indépendances cha cha” ne pouvaient être que des marionnettes ; c’est ainsi qu’ils les avaient formatés. Refusant d’être un mouton dans un troupeau de moutons en redressant la tête comme un lion pour embrasser l’horizon qui annonce la liberté, la dignité et le développement, Lumumba s’est affiché aux yeux des impérialistes et de leurs larbins congolais comme un élément subversif à éliminer par tous les moyens. Kasavubu, Mobutu, Tchombé et monseigneur Malula l’ont aussi condamné à mort. L’évêque congolais Malula faisait des prêches pour réclamer sa mort en pleine église. C’était un esclave des Belges et des Américains. Aimé Césaire l’a dénoncé nommément dans sa pièce de théâtre en l’honneur de Lumumba, Une saison au Congo (éditions Présence Africaine).
Dans un Congo émietté par le tribalisme suscité par le boucher du Congo Léopoldville que fut le roi psychopathe Léopold Ier, la volonté de Lumumba de recoudre le tissu congolais déchiré par les tortionnaires belges pour sortir de la dépendance, ne laissait aucun doute quant à sa volonté d’émancipation. Il ne voulait pas faire semblant comme les autres.
Lumumba, ce héros congolais, n’a été premier ministre que six mois, six longs mois de martyre, à travers les provinces de son pays pour échapper aux ennemis qui le traquaient. Quand ils s’emparèrent de lui finalement, il devint entre leurs sales pattes un colis encombrant du fait de sa notoriété et du soutien des masses. Non contents de le torturer et de l’humilier, les Belges ordonnèrent sa mise à mort le 17 janvier 1961. Il fut attaché à un arbre en pleine campagne isolée, ainsi que ses compagnons d’infortune, et fusillé.
Pour que l’endroit de son martyre ne devienne pas un lieu de pèlerinage, le gouvernement belge ordonna de le dissoudre dans de l’acide pour ne laisser aucune trace physique de ce combattant anticolonialiste. Mais l’un des tortionnaires psychopathes et fétichistes a prélevé deux dents sur le cadavre, trophée qu’il exhibait pour impressionner ses compatriotes à Bruxelles.
Que la Belgique, ce 20 juin 2022, restitue, à la famille du héros et à l’Etat congolais, l’une des dents de Lumumba, est un fait divers sordide. Cette date souligne le crime contre l’humanité qu’est la colonisation et l’assassinat de tous les vrais résistants à l’ordre colonial criminel et crapuleux en Afrique.
Le pouvoir congolais actuel, corrompu et fantoche, des Mobutu, Kabila, Tschisekedi, va faire de ce fait divers une récupération politique honteuse, lors même qu’il représente ce que Lumumba avait combattu.
La Belgique a dissous le corps mais pas le souvenir du héros africain Patrice Lumumba. On n’efface pas les héros. Comprenons que les dirigeants africains actuels, qui servent l’impérialisme, sont des criminels et des traîtres. Apprenons l’histoire de nos héros aux jeunes générations. C’est le seul hommage digne de leur être rendu.
Ayayi Togoata APEDO-AMAH