« Le pittoresque de l’avenir est composé de mots anticipés ». Pierre MAC ORLAN, dans Le Mémorial du petit jour, insiste sur les projections saines qui libèrent les hommes, leur avenir, le développement des sociétés, des peuples, des nations et des Républiques. Les bonnes réflexions sont des énergies positives qui balisent l’action pour protéger les hommes, favoriser le bondissement des peuples. Toute la vie des grandes espérances se conçoit dans la dignité des figures de proue qui remorquent les sociétés pour construire l’horizon de puissance par l’engagement responsable qui donne un fouet collectif aux valeurs qui célèbrent l’humain-patron.
Le privilège de la pensée exercée dans la lucidité, l’ordre et la méthode et dans la générosité de l’effort élève non seulement les hommes qui s’y livrent, mais aussi des sociétés entières en ce que les objectifs de noblesse et de bonne cause sont les jalons du progrès individuel, social, politique, économique, moral, juridique, environnemental. Il faut absolument donner un corpus à la pensée pour l’expérience féconde qui suit des rectificatifs pragmatiques dans l’action en marche pour faire le chemin de l’humanité.
Sous les tristes tropiques pourtant si bien pourvus de richesses, de potentiels par la graciosité de la nature, les politiques de la cupidité immature sont toujours prêts aux saccages, aux cruautés diagonales, à la barbarie des armes, aux tragédies électorales, au vol, au viol, à l’enrichissement illicite pour s’écarter des fondamentaux de vivre-ensemble dans un triomphe de bassesses qui assombrissent l’espérance collective et abattent les repères de nos pères-fondateurs. La gouvernance qui se passe de la sacralité de la vie, de l’équité, de la justice et de la liberté se détourne des points cardinaux du progrès et du châssis de la transcendance des peuples.
Nous passons le plus clair du temps de gouvernance sur des vétilles de protection d’intérêt personnel qui font rouler la gestion des affaires publiques dans des immondices en privant nos peuples drastiquement des commodités premières, de bien-être singulier et d’humanité.
Comment tailler des institutions sur mesure pour protéger un chef aux caprices et fantaisies indigestes en espérant rendre service à la collectivité nationale ?
Est-il possible de penser l’Afrique en se passant des droits des peuples, de la justice, de la morale publique et du devoir d’exemplarité ?
1) Le règne des libertins politiques
La politique est un métier tout comme les autres. Il faut s’y former assidûment et avoir la touche particulière des arts pour répondre au service publique. La science politique est une école de haut niveau qui prépare des prétendants à l’administration publique et à la gestion des pays Les rois ont des précepteurs pour former les princes à la compétence et à la bonne tenue des affaires de la cité.
Pour exercer la politique, ce n’est pas du tout un coup du hasard. Il faut une propédeutique pour acquérir des touches de compétences et des innovations qui satisfassent le bien-être des peuples et qui leur apportent la sécurité, la paix civile, le goût à la vie et la qualité du vivre-ensemble. Mais, c’est l’attachement aux valeurs de la République, à la dignité humaine, aux normes éthiques, de justice et aux libertés qui constitue le socle de la gouvernance.
Dans la plupart de nos pays, le rodage des princes et des prétendus leaders politiques aux repères des principes, des préceptes, à l’éducation politique ne semble plus être la puissance de l’évolution dans la noblesse de la gouvernance. Cette faillite de la formation et de l’éthique politique fait un gouffre béant de merde où nous voyons toutes les ignominies qui ravalent le niveau de la gouvernance au degré moins l’infini d’une dégringolade fâcheuse où se plaisent tous les aventuriers, les indélicats et les gueux avides de gain et de célébrité morbide. Ils n’ont jamais le bon réflexe ni la droiture pour répondre aux sollicitations collectives des populations. Quand les bases élémentaires du service public ne sont pas bien intégrées dans les consciences haut-perchées, le désastre incandescent se répand sur toute la cité.
L’espérance des peuples se tisse à la carte des valeurs qui sont les jalons de la régence des affaires publiques. C’est pour cette raison que MONTESQUIEU, dans les Lettres persanes, évolue l’impact des bonnes mœurs sur l’esprit et les réflexes des citoyens ordinaires qui sont appelés à gouverner les pays en ces termes: « les mœurs font toujours de meilleurs citoyens que les lois».
Il y a donc des bases référentielles pour être dans la catégorie du leadership sans s’étouffer de caprices, d’abjectes fantaisies, de transgressions éhontées, d’incartades, de sottises, de légèretés… Le degré d’inconscience des dirigeants de nos pays qui détournent le regard sur les grandes misères des peuples pour spolier dans une razzia permanente, et dans une course à l’enrichissement illicite dont ils sont coupables, la pauvreté ahurissante de leur esprit, les moule dans une déshumanisation. La perte de l’humanité nous enfonce dans des cruautés sauvages proprement lisibles dans nos insensibilités monstrueuses face à la souffrance et au supplice que nous imposons aux autres.
Quelle est l’étendue des fortunes des roitelets d’Afrique, rassemblées dans des biens mal acquis, dans des blanchissements d’argent, dans les banques occidentales et dans les paradis fiscaux ?
Les travaux d’un collège de journalistes, patronnés par Thomas HOFFNUNG dans un livre Biens Mal acquis, frappent de vertige toutes les bonnes consciences soucieuses du devenir du continent noir. Les pillages de nos pays par nos dirigeants écrasent nos peuples au cachot de la misère.
La continuité de la démonstration de la rapine diagonale organisée dans nos pays se lit dans les Panama Papers avec la grande cuvette qui fait le vide dans nos sociétés d’Etat et régies financières pour les paradis fiscaux. Le parking des populations et le supplice du manque qui déshumanisent nos pays, renvoyés à la périphérie du progrès pour un cantonnement dans l’indigence, sont une volonté maladive de ceux qui font office de gouvernants dans le cynisme et le sadisme de leur dégradation mentale, morale et dans leur contemplation narcissique.
A quoi ça sert de contempler son compte en banque, d’en être extasié en voyant périr ses propres concitoyens qui ont besoin de peu pour renaitre de la vie ?
La pensée de la racaille aux prétentions lugubres frappe de terrorisme d’Etat les contestataires des crimes et les privatisations ou les jette en prison sur des culpabilités décrétées. La plèbe politique est toujours dans un misérabilisme d’esprit pour s’illusionner sur une immortalité par le cumul des mandats. Elle est prête à immoler des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants à l’autel de la conquête du pouvoir par la rébellion, des crimes électoraux, des coups d’Etat constitutionnels, voire la guerre civile. Du Togo à la Guinée en passant par Congo Brazza, le Kenya, le Gabon, le Tchad, la Côte d’Ivoire, le dégoût que sème la gouvernance rabaisse nos gouvernants trop souvent considérés par les grands de ce monde comme les « petits de l’homme » qu’ils écrasent de condescendance et de mépris. Partout dans le monde, on ne respecte que ceux qui ont du vrai mérite, le sens de l’éthique, de la morale, du discernement et de l’inhumanité.
2) La chute des institutions et la promotion des minables
Ce sont les institutions et les hommes de droiture et de grande âme qui impulsent le développement. Dans les pays où le crime est érigé en bouclier d’ascension, de conservation de pouvoir, les institutions s’affaissent à un taux zéro de respectabilité. Elles deviennent le marchepied d’un individu et non de la collectivité. Il en fait uniquement et personnellement un parapluie atomique de la cruauté et un trafic de ses caprices, y compris la justice. Derrière elle, sont orchestrés tous les complots contre la République, les coups d’Etat constitutionnels, institutionnels, les crimes électoraux et les inventions les plus grotesques, les plus cyniques qui défont le vivre-ensemble. Au Congo, par exemple, on sait ce que coûte à Jean Marie MUKOKO l’ambition présidentielle. En Côte d’Ivoire, le père de la rébellion, de la guerre civile et du banditisme d’effraction du verrou des mandats a cru devoir, au nom de la justice, faire payer à Laurent GBAGBO sa résistance à la CPI et par vingt ans de prison en Côte d’Ivoire et autant à Blé Goudé qu’à Guillaume SORO Au Togo, tout le monde attend le procès sur les incendies des marchés de Lomé et de Kara et le dénouement des culpabilités décrétées.
Nous avons tous suivi comment le nouveau Président de la Cour suprême du Togo, Abdoulaye YAYA a attaqué le fracas de dégringolade de la justice au Togo dans la caverne des puanteurs pestilentielles. Avant lui, la Cour communautaire de la CEDEAO avait déjà donné l’alerte en disant, dans l’affaire des neuf députés ANC renvoyés de l’hémicycle : « La Cour constitutionnelle du Togo ignore le droit ».
L’esprit retors dans la gouvernance fabrique toutes les monstruosités. Les adeptes du faux qui ne font pas triompher le progrès, le développement. L’immoralité, l’incivisme, l’usage du faux, l’escroquerie fleurissent dans les pays où les institutions sont tordues et les investisseurs n’ont aucune confiance pour des risques fâcheux de perte d’argent. La psychologie sociale fait prospérer vite des défaillances des leaders dans l’esprit des citoyens ordinaires par une compulsion à la répétition en ce que la contagion est aussi sociale.
Le Burkina-Faso sous Thomas SANKARA a fortement redressé l’éthique citoyenne autant que le règne de John Jerry RAWLINGS au Ghana. La ligne de la gouvernance interfère sur l’esprit du peuple.
Au Togo, les miliciens du pouvoir qui portent des armes blanches dans nos rues et qui attaquent lors des manifestations populaires contre le régime les citoyens qui exercent leurs droits de manifester sont exemptés de punition et du regard des forces de défense et de sécurité. L’insécurité développe des incivilités, la délinquance, le brigandage, le vol, le viol, le crime, l’enrichissement illicite pour tirer le pays dans les catacombes de l’histoire.
Dans nos pays de la chute des institutions, ce qui est encore grave, c’est le mouvement associatif des diplômés alimentaires pour une caution à la tragédie de la gouvernance. « Des enseignants-chercheurs jouent des coudes pour intégrer le cercle des prédateurs, des « brouteurs » de la république avec des justifications hémiplégiques de leur somnambulisme encephalo-pathologique comme dans une débrouillardise de prise de part à un effondrement de la citadelle.
La crise de la gouvernance est un mal absolu à combattre par tous les moyens et par toutes les ressources humaines de notre continent si nous voulons donner un horizon lumineux à nos pays. Il faut donc restaurer dans nos pays la démocratie, des institutions de qualité respectées par tous pour poser les jalons du développement dans la droiture, dans la culture de l’intelligence et de compétence et dans un mouvement d’ensemble où l’effort, le mérite, la justice, la morale soient des valeurs partagées, diffusées par nos intellectuels. Gustave LE BON affirme dans ses Aphorismes du temps présent : « Le véritable progrès démocratique n’est pas d’abaisser l’élite, mais d’élever la foule vers l’élite»
Source : L’Alternative / presse-alternative.info