Togo : L’émergence n’est pas une affaire de slogan

« La grandeur des actions humaines se mesure à l’inspiration qui les fait naître » (Louis Pasteur)

L’adage populaire nous enseigne qu’une seule hirondelle ne fait pas le printemps. En clair, on ne peut se fonder sur une seule expérience, un seul fait, pour tirer des conclussions générales. Pourtant c’est ce que fait le régime de Faure Gnassingbé qui, à partir de la seule création de la Plateforme Industrielle d’Adétikopé il y a d’ailleurs juste un an, prétend que « le Togo est en route pour son émergence ». Le comble, c’est qu’on soumet cette déclaration du Premier ministre comme épreuve d’examen du BEPC (Brevet d’études du premier cycle) en exigeant des petits apprenants de défendre la politique de la Cheffe du gouvernement ou de montrer que cette affirmation péremptoire est vraie.

Beaucoup ont pensé au prime abord à un fake news. Avant de se rendre à l’évidence. Evidemment le choc a été énorme. « Manipulation psychologique sur les enfants », « endoctrinement des élèves», « matraquage cognitif », « lavage de cerveau », « atteinte à la liberté d’opinion et de jugement des élèves », « déclin moral et spirituel du pays », etc. l’épreuve a suscité un torrent de réactions indignées, certains ont dénoncé une dérive scandaleuse des autorités en charge de l’éducation au Togo. Même si certains enseignants ont tenté de se justifier en soulignant que l’épreuve en question respecte le programme en vigueur et le système APC (Approche par compétences).

Au-delà de la polémique, la question est de savoir si le Togo est véritablement sur la route de l’émergence. Comme le disait Jean-Baptiste Placca, devenir un pays émergent n’est pas une affaire de slogan. « Il faut poser des actes, d’abord pour s’assurer d’être définitivement sorti du sous-développement, avant de se projeter vers cette étape intermédiaire… », relevait-il.

Justement, au Togo, ce sont les actes qui manquent. Si les slogans, la propagande, les promesses pourraient faire développer un pays, le Togo égalerait déjà le niveau de l’Afrique du Sud aujourd’hui. Dans les années 2010, la mode en Afrique subsaharienne était que presque tous les dirigeants se donnaient 15 ans ou 20 ans pour faire émerger leur pays. En 2013, notre pays s’est doté d’une vision de développement baptisée « Togo Vision 2030 » qui devrait permettre d’atteindre l’émergence à l’horizon 2030. Après le lancement pompeux de ce processus, tout le tintamarre orchestré autour et quelques séminaires organisés où les participants se sont partagé des jetons de présence, on n’en a plus entendu parler. Parce que porté par des Togolais.

Bien avant, il y eut le Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) et la Stratégie de croissance accélérée et de promotion de l’emploi (SCAPE) qui ont connu le même sort. Il y a quatre ans, en remplacement de la SCAPE, le Togo s’est doté d’un nouveau Plan national de développement (PND) présenté comme le miracle du siècle qui devrait nous sortir du « sous-sous-développement » avancé. Mais à l’heure du bilan, le PND n’est presque plus à l’ordre du jour. En lieu et place, on parle de Feuille de route gouvernementale qui s’étend sur les 5 prochaines années. Quel sera le prochain programme ?

« Depuis plus d’un demi-siècle, le Togo est dirigé par une oligarchie doublée de la dictature qui a favorisé l’émergence d’un État patrimonial. Ce dernier a donné lieu à l’institutionnalisation du clientélisme, à la corruption et à l’économie de prédation », décrivait le professeur émérite Yao Assogba de l’Université du Québec en Outaouais (UQO).

Nos gouvernants devraient penser à lutter contre la corruption qui gangrène les sociétés, l’océan de misère dans laquelle ils ont précipité les populations, les injustices sociales, le pillage des ressources du pays…au lieu de bâtir l’émergence à travers des aventures illusoires.

Médard AMETEPE

Source : Libertétogo.info

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