Togo-Théâtre : « Amstramgram » de Samuel Wilsi interprétée par Adjaratou Yérima dans une mise en scène de Fabrice Paraïso

Les 17 et 19 juin 2022, la comédienne Adjaratou Yérima s’est adonnée à une performance remarquable en interprétant, dans un one-man show, la pièce théâtrale du dramaturge togolais Samuel Wilsi, « Amstramgram », dans une mise en scène de Fabrice Paraïso à l’Espace culturel Fiohômé à Agoê Plateau dans la banlieue de Lomé.

Dans un décor fait de chaises installées en désordre circulaire dans la cour sablonneuse qui servait de scène, une mère et unique personnage, Miriam, est à la recherche de ses deux filles, Nandi et Sophie, qui ont disparu, probablement enlevées par leur père Édouard qui est aussi son mari. Sommée par sa belle-famille et son mari de lui faire d’autres enfants, Miriam refuse et rompt avec lui, car pour cette famille, n’avoir comme enfants que des filles ne confère pas la dignité de père à un homme. Cette dignité ne s’acquiert qu’avec des garçons. Cet affrontement entre deux conceptions irréconciliables de la parenté débouchera sur la disparition des filles de Miriam, Nandi et Sophie. Le chantage vise à la pousser à faire d’autres enfants pour remplacer ses filles enlevées dans l’espoir qu’elle mettrait au monde un garçon.

La pièce débute avec la mère éplorée qui se promène dans la rue, les passages laissés entre les chaises, en distribuant des tracts aux passants interprétés par les spectateurs avec les photos des gamines de huit et six ans. “Vous n’avez pas vu mes filles Nandi et Sophie ?”, demande-t-elle en sanglots aux passants. Entre suppliques et souvenirs, Miriam, superbement campée par Yérima Adjaratou, nous a émus. Jouant parmi les spectateurs, elle les sollicitait constamment dans son jeu. Lorsqu’elle vint me saisir les mains, à genoux, dans sa quête pathétique, après s’être roulée par terre de désespoir, je vis qu’elle pleurait réellement, le visage inondé de larmes et la morve coulant de ses narines au-dessus de ses lèvres.

La mise en scène avec son décor de chaises parmi lesquelles déambulait l’actrice était assez simple. Certains temps forts de la représentation étaient soulignés par la focalisation de la lumière sur l’héroïne et une musique en sourdine.

Le pathétique alternait de temps en temps avec de l’humour, de la légèreté pour faire souffler les spectateurs. Elle a même dansé et chanté, emportée par ses souvenirs, puis imité caricaturalement les pasteurs showmen des sectes chrétiennes. Au cours de ces scènes enjouées, elle a utilisé le guingbé et une partie du public a repris en chœur avec elle deux cantiques dans cette langue. Elle a aussi tenu brièvement des propos en tem.

Dans ce genre de pièce à un seul personnage, le rythme est essentiel dans l’alternance des sentiments et le passage d’un personnage à l’autre par le jeu de l’héroïne qui les rend présents dans leur absence par son discours. Fabrice Paraïso et Adjaratou Yérima se sont bien tirés d’affaires en évitant l’écueil de la monotonie.

De ce spectacle, nous retenons la forte présence sur scène de Adjaratou Yérima qui a provoqué l’empathie des spectateurs, lesquels l’ont accompagnée naturellement dans leur rôle d’acteurs de circonstance.

Le titre de la pièce, Amstramgram, est emprunté à la comptine des enfants français : “Amstramgram, pic et pic et colégram”. Miriam chantait cette comptine pour se rappeler les beaux jours passés avec ses enfants. Cette comptine présentifiait  virtuellement Nandi et Sophie. Signe de nostalgie d’une mère attachée à ses enfants adorés.

Cette représentation qui a débuté à vingt heures, a duré à peu près une heure et a été appréciée par les spectateurs qui ont manifesté leur satisfaction par une standing ovation.

Togoata APEDO-AMAH

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