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Friday, April 26, 2024
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De l’effet handicapant de l’impunité au Togo

Un ami m’a fait observer ceci dans un échange : tant que dans notre pays, il y’aura de l’impunité, ne t’attends guère à expérimenter la discipline, or sans discipline dans la conduite des affaires d’une société, aucun projet sérieux de développement ne peut prospérer.

J’ai dû mettre quelques minutes de méditation sur le sujet pour me rendre compte de la véracité absolue de son propos.

L’handicap premier dont nous souffrons le plus au Togo reste l’impunité face à la violation des règles élémentaires de base qui permettent le Vivre Ensemble dans une société organisée. Quelques exemples en la matière, pris à tout hasard dans le lot des innombrables cas, permettraient sûrement de poursuivre notre analyse.

En 2014, deux élèves ont été littéralement assassinés à Dapaong par les forces de l’ordre et de sécurité, alors que ceux-ci manifestaient juste pour réclamer leurs professeurs en grève. L’on annonce l’interpellation des auteurs de cette bavure, puis, plus rien. Aucun compte n’est fait au peuple du sort qui a été réservé à ces derniers.
Récemment encore, toujours dans cette même région, il y’a eu une bavure amplement reconnue par les forces armées qui a engendré la mort de 7 enfants innocents et deux blessés.

Aucune enquête n’a été ouverte à cet effet et le président de la République a juste envoyé auprès des familles endeuillées, une délégation de quatre ministres du gouvernement pour leur présenter les compassions des dirigeants. Un point c’est tout.

L’on peut continuer la liste de ces dérapages ayant engendré mort de citoyens togolais sans aucune action de justice, mais passons.

Dans la conduite des projets de développement, le nombre de cas d’anomalies et de manquements graves est multiple.

Le projet BIDC destiné à rééquiper nos hôpitaux et centres de santé en vue de prodiguer des soins adéquats aux citoyens principaux actionnaires de l’Etat s’est révélé être un fiasco, où l’on a, entre autres, doté le CHU Sylvanus Olympio de Lomé d’un scanner mort-né et de bien d’autres équipements parfaitement défectueux. Pas de punition qui soit conforme à la loi à l’encontre des meneurs dudit projet.

Les fonds des chantiers d’infrastructures ont été dilapidés sinon détournés à coût de milliards à d’autres fins, aucune enquête, aucune sanction non plus. Et lesdits chantiers sont restés en souffrance pendant des années, contraignant l’Etat à se rendetter sur le dos du contribuable avant de les exécuter, là aussi au rabais.

Les organisations nationales et internationales de défense des droits humains, telles que Amnesty, font régulièrement état des cas de mauvais traitements des citoyens en détention, de violation grave des droits de l’homme à plusieurs reprises, sans que cela n’émeuve les dirigeants.

Les prisons sont hautement surpeuplées et recommandation a été officiellement et formellement faite aux autorités du pays, de procéder à la fermeture pure et simple de celle de Lomé qui, dans sa maigre capacité de 600 personnes au départ, se retrouve à supporter près de 3000 prisonniers aujourd’hui.

Jusque-là, aucune perspective allant dans le sens de cette démolition tant souhaitée par les organisations onusiennes de défense des droits humains n’est amorcée. Au contraire, l’on continue d’entasser les prisonniers et selon Amnesty international, plus de 52% de ceux-ci sont en détention préventive, sans aucune célérité dans la gestion de leurs dossiers.

En juillet 2021, un consortium de 17 médias internationaux dénommé Forbidden Stories, techniquement appuyé par Amnesty International, fait éclater l’affaire dite Pegasus où certains pays espionnent illégalement leurs citoyens dans le monde.
Le Togo est cité comme le seul pays en Afrique de l’ouest qui s’est adonné à cette pratique non orthodoxe, telle une priorité qui servirait la cause du pays. Silence absolu autour de cette affaire, à part le propos du chef de l’État dans le journal le Monde, tendant à justifier cette pratique illégale par le prétexte de “menace”.

Au-delà de ces volets, le président de la République en personne a, dans un discours solennel, déploré l’accaparement des ressources du pays, par une minorité, alors que la majorité des togolais végètent dans la misère, la faim et le dénuement; il a par ailleurs aussi dénoncé les surfacturations dans l’exécution des marchés publics qui portent un préjudice grave à l’économie du pays et aux chances de répartition raisonnable ou de gestion optimale des ressources du contribuable togolais.

Tout s’est limité à cette simple dénonciation verbale, pendant que la pratique elle-même est systématiquement érigée en principes de gouvernance où la corruption, les détournements, le vol, le favoritisme, les pots de vin, le népotisme… règnent en triomphe, affaiblissant ainsi l’État qui, pour tenir face à ses charges régaliennes, est bien contraint, de guerre lasse, de recourir régulièrement à des emprunts soit auprès des institutions financières internationales ou des pays partenaires, soit au marché sous-régional où les emprunts obligataires sont faits à des taux naturellement élevés allant de 5 à 6,5% voire plus dans certains cas.

Comment donc dans ces conditions, où les supposés serviteurs de la cause commune pensent principalement à eux-mêmes, l’État pourrait-il jouir de la vitalité requise pour être fort, entreprendre de grands projets qui vont participer à créer la richesse nationale susceptible de garantir l’épanouissement effectif du peuple ?

Cette perspective est pratiquement impossible tant que l’impunité aura court entraînant de fait, un gangstérisme dans la gestion des ressources communes. L’on aurait certainement tort d’en douter d’autant plus que le renoncement progressif de l’Etat face aux subventions et à certaines charges qui relèvent directement de sa responsabilité, est totalement tributaire de ces nœuds qui obstruent le processus de mobilisation et de gestion efficiente des ressources du contribuable.

A cette allure quasi inquiétante où la complaisance dans la gouvernance du pays semble finalement être consacrée, les togolais ont de bonnes raisons de s’inquiéter de leur lendemain.

Ceci est d’autant plus vrai que des aléas de toutes natures aussi bien endogènes qu’exogènes ne cessent de se multiplier participant ainsi à engluer notre pays dans une forme aigue de léthargie et de torpeur, d’où il ne serait pas aisé de sortir, si rien de décisif et de percutant n’est fait de haut, en vue d’instaurer la droiture et la rigueur aussi bien dans la gestion des affaires de l’Etat que dans l’entretien des rapports entre citoyens du même pays.

Car l’expérience des grandes nations du monde montre clairement qu’aucun pays ne peut réussir le pari de sa mue progressive vers le développement et l’épanouissement effectif de son peuple, sans inscrire la culture et l’exaltation des valeurs, des vertus et qualités humaines dans son style de gouvernance.

Il y’a forcément lieu, au regard de tout ceci, de rectifier le tir. Mais pour ce faire, il faudrait forcément une bonne dose d’audace, mais surtout aussi, de vision qui vise principalement à construire le Bien Commun servant la cause du bien-être de tous les citoyens à la fois.

Luc Abaki.

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