Plafonnement des prix des fournitures scolaires. Par un communiqué signé du ministre du Commerce, de l’Industrie et de la Consommation locale, le gouvernement a cru devoir fixer des prix plafonds pour les fournitures scolaires afin, dit-il, de contenir la spéculation. Faire le médecin après la mort, laisser la proie pour l’ombre, se moquer des Togolais et gruger les naïfs, tout semble réuni dans cette sortie.
« Faisant suite aux nouvelles mesures prises par le Chef de l’Etat pour soutenir davantage le pouvoir d’achat des consommateurs, le ministère du Commerce, de l’Industrie et de la Consommation locale rappelle que conformément aux dispositions de la loi sur la concurrence au Togo, la spéculation sur les prix des produits, notamment les fournitures scolaires est formellement interdite. Les prix plafonds de détail des articles scolaires à respecter sur les différents marchés se présentent dans les tableaux ci-joint (…)», telle est la quintessence d’un communiqué rendu public mardi dernier par Kodjo Adedze, au nom du gouvernement. Dans les conditions normales, une telle sortie du gouvernement devrait être acclamée, vu la motivation avancée ou l’objectif poursuivi, lutter contre la spéculation dont sont victimes les parents d’élèves de la part des revendeurs de fournitures scolaires. L’exécutif s’illustre donc en avocat défenseur premier des parents qui devraient donc lui être reconnaissants. Mais il fait en réalité le médecin après la mort.
En effet, cette sortie vient trop tard dans un monde trop vieux. Le communiqué est rendu public le mardi 20 septembre 2022, soit à quatre (04) jours ouvrés de la reprise des classes prévue pour le lundi 26 septembre prochain. Pourtant, ce problème de la spéculation n’a pas commencé hier. C’est depuis presque deux (02) mois que les cris s’élevaient dans le rang des parents d’élèves pour crier à la flambée des prix des articles scolaires sur le marché. A l’époque, seuls ceux qui avaient l’habitude d’acquérir très tôt les fournitures s’en rendaient compte. Mais leurs cris sont tombés dans des oreilles de sourds. Les gouvernants n’ont cru devoir réagir qu’à la veille de la rentrée scolaire. Cette sortie portant plafonnement des prix est presqu’inutile, d’autant plus que la plupart des parents ont déjà acheté les fournitures à leurs enfants à prix d’or. Le paquet de cahiers de 100 pages, en rappel, était monté jusqu’à 1500 FCFA voire plus. C’est donc jouer le médecin après la mort.
Quel effet même cette sortie aura sur la réalité dans les marchés ? Le communiqué annonce, certes, des contrôles. « Le gouvernement compte sur le patriotisme des acteurs et les invite au strict respect de ces prix plafonds. A cet effet, des contrôles vont se renforcer sur toute l’étendue du territoire et tout contrevenant s’expose à la rigueur de la loi », stipule-t-il. Mais, personne n’est dupe, les fameux contrôles du gouvernement sur les marchés sont généralement de simples effets d’annonce pour donner l’impression de s’occuper des problèmes des populations. Dans le cas présent des articles scolaires, un tour dans les marchés permet de se rendre à l’évidence du manque d’impact sur la réalité.
Face à cette problématique de la spéculation sur les articles scolaires, le pouvoir semble même laisser la proie pour l’ombre. Le nœud du problème, c’est le fait que l’importation soit entre les mains des étrangers, notamment une certaine communauté. On se retient juste de la nommer pour ne pas donner l’impression d’acharnement et être traités de xénophobes. Mais tout Togolais avisé peut aisément se faire une idée de cette communauté. Lorsqu’un secteur aussi sensible et conçu sous d’autres cieux comme un de souveraineté est abandonné entre les mains des étrangers et hommes d’affaires dont la devise est la recherche sans éthique du profit, on fait le lit à la spéculation et à la flambée des prix. A défaut d’une récupération pure et simple du secteur de l’importation, l’autre alternative aurait bien pu être la Librairie des mutuelles scolaires (LIMUSCO).
Cette structure, à l’époque, offrait la possibilité aux parents d’élèves d’acheter des articles scolaires à couts réduits. Mais avec sa disparition à cause de la gabegie, de la mal gouvernance, les populations sont devenues dépendantes des importateurs étrangers et autres opérateurs économiques véreux. Elle existerait encore qu’elle amoindrirait peut-être un tant soit peu la situation aux parents. Il est légitime même de se demander si sa disparition et le monopole de fait du secteur par les étrangers ne sont pas préméditées ou du moins n’arrangent pas les gouvernants en place, au vu des rapports obscurs les liant aux tenants du pouvoir en place. D’aucuns croient même dur comme fer qu’ils sont actionnaires dans ces sociétés d’étrangers qui ont le monopole de l’importation. Tout porte à croire que le communiqué portant plafonnement des prix rendu public à seulement 4 jours de la rentrée scolaire est stratégique, le régime sachant bien que ce serait sans effet sur la réalité avant la reprise des classes.
A l’analyse des prix proposés, le plafonnement semble même une façon insidieuse de légitimer la spéculation entretenue délibérément par les commerçants. L’année passée, le paquet de cahiers de 100 pages se vendait à 900 F et tout au plus à 1000 F. Le prix plafond fixé par le gouvernement est de 1300 F à Lomé, soit une augmentation de 300-400 FCFA. En clair, l’exécutif avalise indirectement la hausse décidée par les vendeurs sans aucune explication. C’est exactement ce qu’il s’était passé dans le cas du gaz domestique. A la suite de la saisine d’un importateur, les sociétés ont revu en août dernier drastiquement les prix, avant que le gouvernement n’intervienne pour jouer le redresseur de tort. La bouteille de 6 kg qui était vendue à 3120 F est montée jusqu’à 5400 F et celle de 12,5 kg vendue à 6500 FCFA est portée jusqu’à 11 300 FCFA. Mais lorsque le gouvernement est intervenu, il n’est point retourné aux anciens prix, mais a juste opéré de petits ajustements pour les ramener respectivement à 4740 FCFA et 9875 FCFA. Mais dans la réalité, la hausse voulue par les sociétés est restée d’une manière ou d’une autre. C’est la même stratégie qui se remarque dans le cas des fournitures scolaires aussi.
La sortie du gouvernement est, au demeurant, de la simple poudre aux yeux pour gruger les naïfs. Il n’a rien fait en réalité pour arranger la situation aux parents d’élèves. D’aucuns, nous opposeraient avec la fameuse subvention de 3 milliards FCFA à répartir aux parents d’élèves par transferts monétaires. Soit. Mais là aussi, il y a discrimination. A en croire les explications de Gilbert Bawara, ce sont les parents d’élèves fréquentant les écoles publiques qui auront accès à cette manne (sic), ceux du privé en sont donc exclus. Et même le montant devant revenir à chaque parent relève du ridicule. Sur la base minimale d’un million (1 000 000) de parents dont les enfants fréquentent les écoles publiques, chacun s’en sortira donc avec un montant de trois mille (3 000) FCFA comme aide du gouvernement. Si ce n’est pas de la moquerie, cela y ressemble beaucoup. Et ce sont ces mesures qui sont criées sur tous les toits par les caisses de résonnance du pouvoir comme le plus grand geste de magnanimité du « Prince »…
Source: L’Alternative