Afrique de l’Ouest – Et si la CEDEAO changeait son fusil d’épaule

La Communauté Economique Des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) aura bientôt un demi-siècle d’âge. Elle était initialement une institution à vocation économique avant de voir son champ s’élargir dans la sphère politique. Ainsi l’objectif affiché sur son site officiel est de promouvoir l’intégration économique et politique de cet espace de 15 Etats africains. Toutefois, au regard de l’état économique et politique de cette zone occidentale de l’Afrique, ne devrait-on pas revoir les bases de cette institution ?

Il ne fait aucun doute que la vision des pères de la CEDEAO, le nigérian Yakubu Gowon et le togolais Gnassingbé Eyadéma, est véritablement noble. Cette vision aurait permis à l’Afrique occidentale de rayonner dans le concert des nations si elle avait été maintenue intacte. Il faut relever que l’initiative de la CEDEAO et certaines de ses institutions financières ont inspiré les européens dans la mise en place de l’Union Européenne. C’est dire à quel point cette communauté économique et politique pourrait considérablement faire avancer ses 15 Etats membres.

Mais en plus de 4 décennies d’existence, le bilan de la CEDEAO n’est certainement pas à la hauteur des espérances. Et les derniers évènements politiques à savoir les multiples coups d’Etats militaires en son sein en disent long sur la faillite de cette institution.

D’abord sur le volet économique, si plusieurs Etats membres s’égosillent sur des statistiques d’avancée économiques, il est constant qu’il est rare de trouver des Etats de la CEDEAO parmi les grandes puissances économiques du continent africain. Pire, le niveau de vie des populations en général ne reflètent guère les chiffres souvent mis en avant. Les infrastructures routières dans cette communauté d’Etats sont encore dans un état déliquescent. En près d’un demi-siècle, la CEDEAO ne dispose pas d’un réseau ferroviaire transnational moderne, encore moins d’une compagnie aérienne performant. La libre circulation des personnes et des biens demeure toujours un leurre. L’objectif d’une intégration économique apparait dès lors comme un vœu pieux, une chimère destinée à abuser des populations et des partenaires économiques.

Ensuite, en ce qui concerne l’aspect politique, il aurait peut-être fallu que l’Afrique de l’Ouest se dessine un autre schéma d’intégration et de consolidation politique autre la CEDEAO. Malheureusement, elle n’a jamais réussi démasquer et dénoncer les « alchimies constitutionnelles » conduisant à la « magie des 3ème mandats » dans son espace. Elle se porte garant d’élections mal ficelées entrainant de « long règne » d’hommes dépassés par les défis de l’Afrique occidentale.

La complaisance économique et politique de la CEDEAO n’est pas étrangère à la situation sécuritaire délétère de certains Etats comme le Mali et la Burkina-Faso dont les pouvoirs civils et démocratiques sont récemment emportés par des putschs militaires. Et la motivation arguée est la même : incompétence des présidents démocratiquement élus à contenir les vagues djihadistes. Il faut fondamentalement déplorer ces coups d’Etats militaires qui constituent une aberration politique. Mais au-delà des condamnations, il est nécessaire de faire des analyses profondes pour cerner ces soubresauts politiques.

Devrait-on crier à la « mort » de la CEDEAO pour insuffisance de résultats ou incompétence ? Certes, l’institution est dans un état comateux. Mais en même temps, si on la laisse mourir, il faudrait nécessairement une opération de concertation entre les Etats de l’Afrique de l’Ouest pour endiguer le problème de déficits sécuritaires et politiques allégués par les militaires pour renverser les Chefs d’Etats élus aux suffrages universels (encore faut-il que ces élections se déroulent dans les règles de l’art). L’existence de bloc communautaire sérieux, fiable et puissant est indispensable pour le développement des « petits Etats » de l’Afrique de l’Ouest.

Aussi est-il indispensable que la CEDEAO fasse peau neuve. L’institution devrait désormais s’intéresser fortement aux défis sécuritaires. Si certains Etats comme le Mali, le Burkina-Faso, dénoncent l’échec des missions militaires onusiennes ou françaises sur leur territoire, il est important que la CEDEAO se saisisse de ces dossiers en formant une coalition miliaire pour faire face aux djihadistes. Elle serait mieux indiquée pour défendre l’intérêt des populations africaines sans « suspicion d’autres intérêts inavoués » comme la reproche est faite aux missions onusiennes et françaises.

Outre ce défi sécuritaire, l’institution communautaire ne doit plus faire de la politique de l’autruche avec les « magiciens du 3ème mandat ». Même en Russie, Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev se relaient en évitant les « alchimies constitutionnelles ». Il faut que la CEDEAO remette en confiance les populations en mettant en place une charte juridique claire et précis en ce sens. Par-ailleurs, la CEDEAO se doit de questionner les enjeux d’un véritable développement économique et infrastructurel de cet espace qui jadis faisait peur aux occidents.

Barth K.

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