Face à la crise écologique qui touche la planète, les associations ou encore des journalistes se mobilisent. Ils réclament un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique. C’est à travers une charte publiée le 14 septembre 2022 en France. Rédigé par un collectif de journaliste, signé par plus de 100 médias, plus d’un millier de journalistes, en plus des organisations; le document initié par le média indépendant Vert.eco contient 13 recommandations.
La journaliste française Anne-Sophie Novel est l’une des instigatrices de la fameuse charte. Elle est l’invitée de Kossi Balao, le Directeur du Forum Pamela Howard de l’ICFJ sur le Reportage des Crises Mondiales, le jeudi 20 octobre 2022, lors du webinaire 103 dudit forum axé sur le thème « Comment pratiquer un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique ? »
Interrogée sur les raisons de ce document et son importance, l’enseignante du journalisme environnemental à l’École supérieure de journalisme de Lille explique que « rien dans la profession n’offrait de cadre pour mieux traiter ces questions d’écologie ».
Avant d’ajouter : « La charte est publiée en Français. (…) On peut le lire bientôt en Anglais, en Italien, en Espagnol, en Allemand ».
Pour elle, cette charte « participe d’une attente aussi bien au sein de la profession que dans des organisations professionnelles ou au sein du public. C’est plutôt satisfaisant parce qu’on participe d’une certaine manière à l’évolution peut-être à une bascule de la profession même si on est conscient qu’il va falloir encore beaucoup de temps pour que ça évolue ».
La situation est suffisamment préoccupante
Alors le sujet est négligé ou quasiment absent des journaux, Anne-Sophie Novel relève que la situation est grave au point que les médias doivent aborder davantage la préoccupation écologique.
« Aujourd’hui les alertes des scientifiques, que ce soient les membres du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) et d’autres instituts de recherche montrent dans un rapport à l’autre à quel point nous sommes dans l’urgence d’agir. Que la fenêtre de tir s’est réduite alors que cela fait 50 ans que nous sommes au courant. Au-delà de ça il y a une propagande qui a été organisée avec des industries fossiles qui ont acheté des chercheurs. Ils ont fait des campagnes de communication à l’inverse de ce qui devait être faire », explique-t-elle.
La journaliste française qui enseigne également à l’Institut de Journalisme Bordeaux Aquitaine précise : « On a perdu un peu de temps ».
Le rôle des médias
Interrogée sur le rôle des journaux face à cette crise majeure, la journaliste spécialisée en écologie relève que le « devoir du journaliste c’est d’éclairer tout ça. Finalement ces problématiques nous obligent. Ce n’est pas juste une question ou une rubrique environnement. Les journalistes doivent traiter le climat, le vivant et la justice sociale de manière transversale ».
Anne-Sophie Novel ajoute que cela doit amener le journaliste à requestionner l’économie, la politique, la culture, le sport à l’aune de cette préoccupation.
« Parce qu’on doit transformer complètement le modèle dans lequel on est surtout dans les pays occidentaux. J’insiste parce que ces pays avec leur modèle de développement ont généré le plus d’impacts et de dégâts en la matière », souligne la journaliste française.
Donner la parole aux vrais experts
Si entretemps les médias donnaient la parole aux climatosceptiques (des personnes qui nient la réalité climatique) estimant que leurs paroles et celles des scientifiques valaient la même chose, Anne-Sophie Novel explique que cette époque est révolue.
« Aujourd’hui on a dépassé ce stade-là. Les scientifiques sont unanimes quasiment à 100%. Ce sont des faits dénoncés par le Giec. Et, la BBC l’a si bien compris. Depuis 2015 ils ont cessé de faire ce type de débat en invitant des sceptiques. Maintenant la problématique est de dire qui invite-t-on pour parler de quoi ? », insiste l’invitée de Kossi Balao.
La professionnelle de média invite donc ses collègues journalistes « de bien faire notre métier, d’aller sourcer les bonnes personnes. Mais surtout de trouver le temps pour travailler le fond des sujets. Parce que ces sujets sont compliqués. En plus d’avoir assez d’éléments de réponses pour questionner convenablement, débusquer d’éventuels fake news, etc. ».
La formation
L’urgence écologique demeure un sujet compliqué. N’en parle pas qui veut. Le journaliste doit avoir le background pour aborder la problématique aisément.
« Mais ce n’est pas facile. Il faut du temps pour se former. C’est pourquoi dans la charte on fait apparaître cette question de formation essentielle », indique la journaliste indépendante et autrice.
Elle poursuit : « On a des écoles de journalisme qui depuis trois ans maintenant, commencent à augmenter le volume de cours sur ces sujets pour les jeunes journalistes qui sont bientôt diplômés. On a des organismes de formation. Notamment de grandes rédactions nationales qui ont commencé à se mettre sur ces sujets et à former leurs personnels. A l’étranger il y a des réseaux qui se sont mis en place qui proposent de solutions dans le traitement de ces questions. L’Oxford journalism center propose aussi de la formation et de l’accompagnement. Ces opportunités-là se multiplient de plus en plus ».