Togo-Adam Abdou Dermane : « Certains violent le repos biologique »

Secrétaire Général du Syndicat national des pêcheurs du Togo (Synapeto) et également Secrétaire Général adjoint de la Fédération nationale des unions de coopératives de pêche du Togo (Fenucopto), Adam Abdou Dermane dresse ici un tableau sombre sur la pêche, surtout continentale. Un secteur dont on parle peu car dominé par la pêche maritime.

Quels sont, selon vous, les facteurs qui empêchent le décollage de la pêche
continentale ?


Au Togo, depuis un temps, les étangs piscicoles ont disparu. Les lagunes sont
pleines de déchets plastiques et toxiques qui empêchent la reproduction
des ressources halieutiques et aussi ne leur permettent pas de vivre aisément. Des
conditions qui ne permettent pas aux poissons d’avoir la fraîcheur, le plancton. Cela les oblige de migrer vers n’importe où.

Qu’est-ce qui explique la disparition de ces étangs piscicoles ?

C’est par rapport à l’assainissement. Et je donnerai l’exemple de la rivière Sara dans la préfecture d’Assoli à Bafilo. Lorsque j’étais enfant, c’était une grande rivière
qui nourrissait la population riveraine. Parallèlement, des activités connexes
s’effectuaient le long de son cours comme le maraîchage et d’autres
activités agricoles. Lors des saisons pluvieuses, elle débordait de son lit, tout comme les affluents. Mais la construction d’un château d’eau va entraîner l’assèchement du cours d’eau Sara quelques années plus tard.

Aujourd’hui, la rivière n’est plus ce qu’elle était. Le cours d’eau s’est dégrossi. L’assèchement est tel que l’irrigation n’est plus praticable. Même certaines
ONG avaient voulu faire de la pisciculture, mais le tarissement de l’eau n’a pas
permis l’exécution du projet.

La transhumance aussi est l’un des facteurs de la sécheresse des étangs
piscicoles. Lors du pâturage, les éleveurs amènent les animaux aux bords des
cours d’eau. Cela contribue aussi à l’assèchement des rivières, surtout des petits étangs.

Tous ces facteurs sont devenus des problèmes pour la pêche continentale
qui ne répond plus. Il faut souligner quand même que les gens font des efforts.

Qu’est-ce qu’on peut entendre par efforts ?


A Nangbéto, on peut parler d’une organisation autour de la pêche qui se pratique
là-bas. Il est souvent instauré le repos biologique afin de permettre la reproduction des poissons et la restauration des espèces aquatiques.

Aujourd’hui, le barrage de Nangbéto est vraiment sain et bien géré. Ce barrage et
le fleuve Oti sont les deux importants bassins de ressources halieutiques au
Togo. On peut ajouter le cours d’eau Mono, mais dans une moindre mesure.
Je dois préciser que Nangbéto est un barrage public que l’Etat a aménagé. Il a même doté les pêcheurs de matériels adéquats et adaptés. Il y a des coopératives de
pêcheurs qui se sont constituées en comités de surveillance sur le barrage.
Car souvent, lors des repos biologiques, il y a certains
qui violent la réglementation. En 2021, après l’interdiction temporaire de l’activité de
pêche, il a été enregistré un tonnage important en quantité et en qualité de
poissons.


Au niveau de l ’Oti, la Fédération nationale a organisé les acteurs et donné des instructions fermes par rapport à l’exploitation de la ressource. Celui qui n’est
pas dans une coopérative n’est pas autorisé à pratiquer la pêche. Il y a des
coopératives mixtes de pêcheurs et de transformatrices, des
coopératives uniquement pour les transformatrices, entre autres. Toutefois, sur le
fleuve Oti, il n’y a pas de repos biologique. Donc il y a une organisation menée
de concert avec l’administration locale.

On peut avoir une idée sur la contribution de la pêche continentale au PIB
national ?

Elle est de 4,1%. Il faut préciser que ce pourcentage inclut la pêche maritime et la pêche continentale.


Quels sont les défis auxquels la pêche continentale est confrontée ?

L’intrant, c’est d’abord le matériel de pêche. Le filet est disponible, mais c’est
répondre aux normes qui pose problème.

Aujourd’hui, dans la sous-région, les gens cherchent par tous les moyens à avoir
le poisson. On se rend compte que le poisson se fait de plus en plus rare.
Quand c’est comme ça, et lorsque les gens ont fait de cette activité leur
profession, ils élaborent des stratégies uniquement pour prendre le poisson, même si
c’est un alevin. Ce sont des pratiques prohibées. Toute ça, nous l’appelons la
surexploitation. Elle contribue à la disparition des espèces et à la diminution des stocks. Les intrants sont disponibles, mais la question est de savoir si nous respectons les normes. Que ce soit la pêche maritime ou continentale, il y a une
réglementation qui encadre les matériels de pêche par exemple, la pirogue, les
mailles des filets. Je dois ajouter que pour la pêche maritime, le premier intrant
est le carburant et viennent par la suite le filet et la pirogue.

Que fait votre fédération dans ce sens ?

La Fédération, le 03 avril 2022 dernier, a tenu une conférence de presse pour
dire à l’opinion que nous-mêmes en tant qu’acteurs, nous nous engageons à
respecter les bonnes pratiques de pêche, éviter la pêche illicite ou la pêche
INN qui dit qu’il ne faut pas pratiquer la pêche de petite maille, la pêche au feu, la
pêche au carbure qui sont des pratiques prohibées (ça se fait au Togo). Au port de
pêche de Lomé, deux de ces genres de pratiques se font actuellement. Cela
contribue à la surexploitation et à la diminution de stock. Et devant cette situation, on
a fait de la sensibilisation, des tournées de sensibilisation même jusqu’à l’intérieur du pays pour dire aux gens de respecter la loi. Si nous pratiquons les bonnes
pratiques de pêche, les espèces peuvent revenir. Il y a les filets règlementés à
toutes espèces de pêche.

Je précise que la pêche illicite se pratique aussi sur les fleuves Nangbeto, Oti et
sur les autres cours d’eau. Et c’est ce qui tue le plateau continental. Cela a amené
à l’instauration du repos biologique.

Au niveau de la pêche maritime, il y a presque toutes les communautés. A
la suite de la conférence de presse, il y a eu des incompréhensions. Les
pêcheurs ghanéens ont saisi leurs autorités pour leur dire qu’on leur interdit de
pêcher dans les eaux togolaises. Tel n’était pas le cas. Il s’agissait de
sensibiliser les uns et les autres sur les pratiques prohibées. Aujourd’hui, nous
pouvons dire que la sensibilisation produit des effets positifs.

Quel est, selon vous, le problème principal auquel fait face la pêche continentale ?

C’est l’aménagement des étangs. L’Etat avait pris sur lui d’aménager les étangs
« Certains violent le repos biologique » piscicoles qui tendaient à disparaître et de reconvertir les jeunes dans la formation de la pisciculture pour accompagner la pêche
maritime. Il y a eu les fonds koweitiens pour aider les acteurs de la pêche
continentale, mais cela a rencontré des problèmes.

Aujourd’hui, il y a le MIFA qui est là pour accompagner les acteurs. Aussi cela demande-t-il des études d’impact environnemental. C’est toute une étude qui requiert
l’avis des spécialistes avant de se lancer dans l’élevage piscicole. Si l ’Etat peut
aménager des zones comme ça uniquement dédiées à la pisciculture, je
pense que cela peut résoudre le problème. Un étang piscicole peut
générer au moins dix emplois. Cela dépend de l’envergure du projet, de
l’aménagement du sol, de la disponibilité de l’eau, de l’aliment des poissons, entre
autres. Vous comprenez dès lors que ce n’est pas une affaire d’une seule
personne.

La pêche peut nourrir son homme si le secteur est bien géré. Les pêcheurs aussi se
doivent de respecter scrupuleusement les réglementations et surtout cesser l es mauvaises pratiques. L’Etat aussi de son côté doit accompagner les acteurs de la filière en les dotant de matériels adaptés et financièrement.

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