Nouvel an : Les vœux de Maryse QUASHIE aux Togolais

A VOUS MES CONCITOYENS : MES VŒUX POUR 2023

Maryse QUASHIE

Il m’a semblé important en ce début d’année de m’adresser à vous, mes concitoyens pour participer au traditionnel échange de vœux qui se fait entre amis, membres de la même famille, ou de la même institution, de manière à m’inviter au cœur des habituelles rencontres de début de nouvelle année.


Je voudrais, au risque de choquer certains, commencer par refuser l’habitude que nous avons de dire aux proches comme au moins proches : « La santé avant tout ! ». Pourquoi ce refus ? Parce que, que l’on croit ou non en un Dieu qui nous a créés, on est obligé d’intégrer que tout être humain a naturellement des ennuis de santé au cours de sa vie : pourquoi vouloir aller contre cela, ce n’est guère réaliste ! Est-ce possible de ne pas avoir, ne serait-ce, qu’un petit mal de tête au cours des douze mois à venir ? Demander la santé aurait peut-être plus de sens à condition d’être plus précis dans les vœux… mais là aussi que dire ? « Je te souhaite de ne pas avoir des ennuis de santé importants, de ne pas avoir le COVID, de ne pas faire un AVC, » ? Reconnaissons-le, ça ne sonne pas bien et on risquerait même de faire peur aux Africains qui n’aiment pas entendre prononcer le nom des réalités qu’ils craignent : ce serait plutôt considéré comme une sorte de prophétie négative.


Bref, je ne vous dis pas « La santé avant tout ! » Et cela d’autant plus que perdre la santé n’est peut-être pas le plus grand des malheurs. Surtout en ce moment en Afrique : garder le citoyen en bonne santé, pour qu’ensuite il ne mange pas à sa faim, ou pour sombrer dans l’angoisse du chômeur sans perspective d’emploi… ?
Dans ce sens, il me semble que le meilleur des vœux est celui dont la réalisation dépend quelque peu de celui qui le formule. Par conséquent mes vœux se sont voulus concrets.


C’est pourquoi j’ai dû les adapter aux différentes catégories de personnes à qui je voudrais m’adresser en priorité, les jeunes, les femmes et les membres de la société civile que nous sommes tous.

A TOI, JEUNE TOGOLAIS, JEUNE AFRICAIN


Toi qui te sens comme bloqué dans une société sans issue, toi qui as l’impression que parce que tes parents sont pauvres, parce que tu ne connais personne, tu es obligé de faire allégeance à ceux qui ont quelque pouvoir, pour accomplir ta formation, pour trouver un emploi, pour réussir ta vie ;


Toi qui te sens forcé d’être systématiquement solidaire des aînés de ta famille, de
ton ethnie, de ta région, même si leurs choix moraux et éthiques ne te semblent pas tout à fait corrects,


A toi je souhaite de découvrir en 2023 que tu peux dire avec assurance :

J’AI TOUJOURS LE CHOIX !


Pourquoi ? Parce que la vie ne se résume pas à ce qu’on voit aujourd’hui et ici, parce que si l’Afrique a pu donner naissance à Patrice LUMUMBA, Nelson MANDELA, et tant d’autres qui sont inconnus mais qui ont lutté pour le changement sur notre continent, tu peux suivre leurs traces sans craindre d’être tout seul et en danger à cause de cela. Au contraire, tu n’es pas obligé de faire un peu le mouton, de te fondre dans la masse. Tu peux être différent, car un jeune, c’est par excellence celui qui, par tout son comportement, montre qu’il attend un autre monde, démontre qu’il rêve.


Et donc je t’invite à vivre ce que te demande le pape François : « N’aie pas peur de rêver.


Rêve ! Rêve un monde qui ne se voit pas encore mais qui arrivera certainement. (…) Les hommes capables d’imagination ont offert à l’homme des découvertes scientifiques et technologiques. Ils ont sillonné les océans, ils ont foulé des terres sur lesquelles personne n’avait jamais marché. Les hommes qui ont cultivé des espérances sont aussi ceux qui ont vaincu l’esclavage et apporté de meilleures conditions de vie sur cette terre. Pense à ces hommes ! ».


Et donc je te souhaite de marcher avec cette conviction chevillée au fond de ton cœur :

C’EST TOUJOURS POSSIBLE !


Oui, je te souhaite de ne pas te laisser décourager par l’échec visible des hommes politiques, par l’apparente impossibilité de faire advenir le changement social d’abord parce que l’échec n’est qu’une étape du chemin vers le succès. Mais aussi parce que le temps ne se mesure pas à l’échelle d’un pays, d’un continent comme il se mesure dans la vie d’une personne.

Mais surtout, oui surtout parce que le grand changement attendu est une somme de petits changements qui peuvent demeurer imperceptibles pour tel ou tel individu adoptant telle ou telle perspective. Toi, je te souhaite de garder la foi en la possibilité pour chaque citoyen de choisir et construire le monde où il souhaite vivre.


A ce titre, je te souhaite de te dire chaque matin, pour faire advenir le changement,

JE SUIS INDISPENSABLE


En effet le changement ce n’est pas d’abord question d’élections, ce n’est pas d’abord des changements de personnes à la tête de telle ou telle institution ! Mais imagine ce que deviendrait ton quartier si tu ne faisais rien pour les tas d’ordures qui s’y amoncellent, et surtout si tu n’ameutais pas les autres jeunes à ce sujet ? Imagine ce que deviendraient les enfants de ton village, si les étudiants ne faisaient rien pour leur donner un soutien scolaire ?


Imagine ton pays sans toi, ton continent sans toi… Une catastrophe !
Bref, je te souhaite de devenir un peu plus, un peu mieux, en 2023

UN CREATEUR D’AVENIR


A TOI MA SŒUR, FEMME TOGOLAISE FEMME AFRICAINE


Toi qui portes le poids des difficultés de ce pays au cœur même de ta vie, toi qui as peur pour tes frères et sœurs, ton mari, tes enfants, à chaque fois qu’il y a des troubles sociopolitiques, toi qui es au chevet des blessés lors des rassemblements publics, toi qui continues à pleurer ceux qui sont tombés au cours des manifestations, toi qui en es à souhaiter qu’il n’y ait plus d’élections tout en désirant le changement avec l’ardeur même de toutes tes peines, je te souhaite de te rappeler ton nom, ce nom donné à la fille première née dans une famille,


A toi, je souhaite de dire chaque jour de cette année 2023,

JE M’APPELLE AHOEFA !


Oui, tu es celle autour de qui la paix se bâtit, non pas la paix comme la tranquillité de celui qui se terre dans le silence, mais la paix issue du règne de la justice et de la vérité, la paix synonyme de bonheur partagé. Tu es celle qui peut ramener la cohésion entre ceux qui se déchirent, non pas l’hypocrisie des fausses amitiés mais la chaleur des relations entre ceux qui s’acceptent comme frères et sœurs mais ayant droit à la différence. Tu es celle qui peut amener les adversaires à s’adresser de nouveau la parole comme tu sais toujours apaiser les disputes dans la famille.
Oui tu peux le faire parce que c’est toi qui partages joies et peines de tous quel que soit leur bord politique. Oui, c’est toi qui partages tout avec tous, c’est toi qui te mets en mouvement lorsque argent et nourriture viennent à manquer chez les plus pauvres, c’est toi qui cours à l’hôpital, qui veilles au chevet de celui qui ne trouve pas les moyens de se soigner, tentant de le guérir par ton amour, c’est toi qui vas supplier à l’école pour tenter de faire reculer l’échéance des frais de scolarité, etc.


Alors je te souhaite de continuer à prendre tout cela en charge, et même plus, en te disant chaque matin :

LE QUOTIDIEN EST LE LIEU DE MON ENGAGEMENT


Pour autant, je t’exhorte à ne pas minimiser ou laisser déconsidérer cet engagement. En effet le changement ce n’est pas d’abord question d’élections, ce n’est pas d’abord des changements de personnes à la tête de telle ou telle institution !


Le changement résultera de tout ce qui habite notre quotidien, notre rapport au monde qui nous entoure, à l’entretien de notre environnement immédiat, au maintien de la qualité de la vie. Le changement résultera de notre rapport au pouvoir et à l’argent, de notre désir de vivre ensemble dans la justice et de chercher ensemble le bien commun.


Rappelle-toi que c’est toi qui as inventé les plus belles formes de la solidarité, comme la tontine… Alors, dans ce sens,

Je te souhaite de mettre en chantier dès 2023, de nouvelles solidarités en te répétant,


J’ENFANTE L’AVENIR !

A TOI, MEMBRE DE LA SOCIETE CIVILE


Même si la situation sociopolitique semble bloquée sans que personne ne propose de vraie solution, même si au Togo, l’espace qui nous est réservé se restreint de jour en jour, même si nous semblons beaucoup plus silencieux, beaucoup moins actifs, même si nous semblons chercher désespérément des pistes pour notre action,


A toi, membre de la société civile, je te souhaite de ne pas abandonner ton combat en pensant que ce n’est pas le bon moment pour la mobilisation de la société civile dans la mesure où les citoyens eux-mêmes, dans leur grande majorité, ne bougent pas, je te souhaite de continuer à croire en l’implication préférentielle dans la société civile que tu as choisie.


En effet, nous empêcherait-on de parler, de manifester si on n’avait pas peur que ce que nous allons dire fasse des vagues au sein de la population ? La population elle-même ne nous accuse pas d’être la source des difficultés parce qu’elle le sait, nous ne visons pas la conquête du pouvoir.


Je te souhaite donc de demeurer ferme dans ta lutte et de prendre de plus en plus
conscience de la légitimité de cette lutte car,

TON CHOIX EST LE BONHEUR DU PLUS GRAND NOMBRE.


La société civile n’a, d’ailleurs, pas cessé son combat dans la mesure où depuis juillet 2021, elle a apporté sa contribution à la mobilisation contre les dirigeants qui seraient tentés de faire plus de deux mandats. En effet, elle est convaincue que nous ne serons pas en paix tant que chez nous, comme chez nos frères des pays voisins, des citoyens souffriront avec des individus qui trouvent toutes sortes de subterfuges pour rester au pouvoir alors qu’ils n’ont pas opté pour réduire les injustices et les inégalités sur le continent. Un des moyens qu’ont trouvé ces dirigeants ce sont ces regroupements de Chefs d’État indûment appelés institutions interafricaines, telle la CEDEAO. Alors, nous aussi avons tout intérêt à unir nos forces.

Je te souhaite donc de prendre de plus en plus conscience de ta force car, chaque Togolais est lié aux Maliens et aux Guinéens, aux Burkinabè et aux Ivoiriens, aux Gambiens et aux Sénégalais, aux Béninois, aux Nigériens et aux Nigérians, par des liens historiques, et socioculturels.


Je te souhaite donc de te mobiliser plus en 2023

AU NOM DE TON APPARTENANCE A LA SOUS REGION OUEST AFRICAINE


Dans cette sous-région des coups d’état ont eu lieu et à ce sujet aucun retour en arrière n’est plus possible. Il faut aller vers l’après-coup d’état pour engager une transition. Tout le monde est d’accord là-dessus. Mais c’est sur la mise en œuvre de cette transition qu’on a du mal à se mettre d’accord. Des questions fusent : la transition doit-elle durer 18 ou 24 mois ?

Doit-elle être conduite ou non par un militaire ? Pour les citoyens, ces questions ne sont pas à l’ordre du jour car il s’agit en priorité d’aménager le passage d’une situation de souffrance à un mieux vivre et à un meilleur vivre-ensemble. La fonction de la transition se trouve-là, rassembler les conditions pour que ce passage se fasse le mieux possible.


En fait, on discute beaucoup, mais sur quoi tombe-t-on d’accord pour mettre vraiment en route la transition ? Sur la nécessité d’organiser des élections ? Faut-il assurer la meilleure inclusivité possible ? Mettre en avant la question de la sécurité ?

A toutes ces questions il faut les réponses les plus consensuelles possibles. Voilà pourquoi, la société civile régionale doit faire entendre la voix de ceux qui ont faim, de ceux qui voudraient mieux faire soigner leurs enfants, les envoyer à l’école sans difficulté, etc., bref, la société civile régionale peut se constituer en porte-parole de ceux qui voudraient participer pleinement à la construction d’un projet commun de société.

En fait, c’est la société civile régionale qui serait le plus à même de rappeler, en réponse aux problèmes à l’origine des coups d’état, les éléments d’une transition réussie, en interrogeant l’histoire de cette même Afrique de l’Ouest qui vit aujourd’hui une sorte de perte de repères.


Dans cette histoire trois exemples sautent aux yeux : le Burkina Faso, le Ghana et le Togo.


Ainsi, pendant la dizaine d’années où les Voltaïques étaient satisfaits de la gouvernance de Sangoulé LAMIZANA, personne ne s’est souvenu de son arrivée au pouvoir par un coup d’état militaire en 1966 car la Haute-Volta de l’époque était présentée comme un havre de paix et de démocratie.


Au Ghana, Jerry John RAWLINGS a fait deux coups d’états, 1979 et 1981. Pourtant ce qu’on lui reconnait ce sont les deux mandats présidentiels qu’il a effectués entre 1992 et 2000, mandats qui ont permis au Ghana de devenir un pays qui compte en Afrique de l’Ouest tant au plan politique qu’économique.


Le Togo aussi a connu deux coups d’états en 1963 et 1967. Mais le cas togolais présente une spécificité : les transitions mises en place après 1967 avec des changements de Constitution n’ont coïncidé ni avec un changement de régime, ni avec un changement de personnes.

Une analyse approfondie de ces cas montre qu’une transition réussie est basée sur une refondation politique, une refondation du vivre-ensemble sur la base de valeurs consensuelles qui apparaîtront dans la Constitution.


Par conséquent, il est temps, ma sœur, mon frère de la société civile de l’Afrique de l’Ouest, d’intervenir dans le débat avec la force que te donne le fait de partager les souffrances de nos frères et sœurs du Mali, de la Guinée, du Burkina Faso, du Tchad.
A toi membre de la société civile, je te souhaite d’être embrasé par la conviction que tes sœurs et frères de la sous-région, que ceux de toute l’Afrique, ont besoin de ton courage et de ta détermination.

Bref je te souhaite en 2023, de faire, de plus en plus, de mieux en mieux, partie de ceux qui TRACENT LES PISTES DE L’AVENIR.

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