LE TOGO ET SES SCANDALES : Le mal se mue en épidémie

« Après le football, la corruption devient le 2ème sport le plus pratiqué au Togo ». Ce diagnostic vient du magistrat Abdoulaye Bawa Yaya, président de la Cour suprême du Togo. Une phrase qui n’est pas anodine, vu qu’elle est révélatrice du mal togolais qui freine le développement de la nation tout entière. Car, de scandale en scandale, le Togo se positionne plus aujourd’hui en une République de scandales sans que cela n’émeut les premiers responsables de ce pays. Et ainsi, le mal se mue en épidémie.

Chaviré par l’émotion, la colère et la déception, le peuple togolais demeure sous le choc en dépit d’un semblant de satisfecit que s’honore le gouvernement depuis la publication du rapport d’audit 2020 de la cour des comptes.

Un rapport qui a mis une majeure partie des Togolais dans un état second du fait de ses grosses et fracassantes révélations dont un simple logo covid qui coûte à l’Etat, plus de 15 millions de Francs CFA. C’est dire que la minorité pilleuse des richesses nationales, publiquement dénoncée, il y a quelques années, par le chef de l’Etat, Faure Gnassingbé, cette minorité semble devenir une majorité tentaculaire dans la prédation des richesses du pays, comme l’indiquait le magistrat Abdoulaye Yaya lors de la prestation de serment du nouveau président de la Haplucia, Haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées.

Ainsi, le mal est réel et le signal fort, car au cours de la période covidale, les ressources de l’Etat ont été cruellement galvaudées, dilapidées, siphonnées, vu que d’importantes sommes d’argent sont passées par pertes et profits. Malheureusement, si triste, affreux et scandaleux soit cet audit de la cour des comptes qui n’est pas de nature à faire « réjouir » aucun gouvernement sérieux de l’univers, l’exécutif togolais, quant à lui, choque le monde, en battant tout en brèche.

Tout est bien à l’exception de tout ce qui ne va bien, pourra-t-on dépeindre la récente sortie du gouvernement togolais qui, dans un même communiqué, se « réjouit » que tout s’est bien passé, mais « note » que des choses ne sont pas bien passées, c’est-à-dire, qu’on fait une chose et son contraire. Et c’est l’habitude de la maison de ne s’embarrasser outre mesure du tollé que la multitude de scandales financiers a provoqué au sein de la cité togolaise. Et depuis, le mal se mue en épidémie.

Le Togo et ses scandales…

Si le énième scandale que dévoile le rapport d’audit de la cour des comptes n’est qu’une infime partie émergée de l’iceberg, il ne revient qu’à dire ou à reconnaitre que le Togo n’est, en vérité, qu’une succession de scandales financiers dont les principaux portent sur plusieurs dizaines de milliards de Francs CFA.

Nous n’en voulons pour preuve les milliards (12 milliards au total) de Francs CFA, selon la presse, qui se sont volatilisés dans la gestion de l’ex-Fonds d’Entretien Routier (FER). S’agissant de la gestion de la Société Nouvelle des Phosphates du Togo (SNPT), l’on parle de plus de 200 milliards de Francs CFA enregistrés comme pertes entre 2005 et 2010. Un constat dressé par l’Association « Veille Economique » de l’économiste Thomas Dodji Koumou. De FER à la Nouvelle Société Cotonnière du Togo (NSCT), c’est un autre scandale qui fait le lien avec plus de 400 millions de Francs CFA, selon les différentes sources, qui sont portés disparus. En rappel, la NSCT a été créée à la suite de la dissolution en2009 de la SOTOCO, secouée par la mauvaise gestion et le détournement. Mais en 2019, la NSCT fut à son tour, plongée dans une rocambolesque affaire de détournement des centaines de millions. Plusieurs personnes, sept (07) au total, ont été arrêtées et gardées au Service de recherche et d’investigation de la Gendarmerie nationale avant d’être déférées à la prison civile de Lomé. Une affaire qui n’a pas connu son dénouement judiciaire.

Entre 2010 et 2016, 26 milliards destinés à la réhabilitation de la route de Lomé Anfoin-Vogan (LVA) se sont volatilisés sans aucune forme de procès.

En 2015, 17 milliards ont été annoncés disparus dans les caisses de l’Office Togolais des Recettes (OTR). Plusieurs agents ont été interpellés, déférés et condamnés comme auteurs et complices de ce crime économique. Entre temps, c’est 628 millions de Francs CFA qui se sont évaporés dans la nature après la participation des Eperviers du Togo à la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2013. Quatre années plus tard, c’est 600 millions qui ont été détournés sur le financement de la CAN 2017. Puis, la prévarication continue en dépit du coup de balai à la Compagnie Énergie Électrique du Togo (CEET).

En 2016, pour des « problèmes de gouvernance » et de « manquements graves » relevés dans un rapport d’audit, la Direction d’alors de la CEET a été rapidement mise à la porte. Des journaux évoquaient à l’époque des faits, de gros chiffres qui plombent la CEET. Dans sa parution du 12 janvier 2016, le confrère L’Alternative a titré : « Energie/La CEET au fond du gouffre : 65 milliards d’emprunts, 20 milliards de perte, 54 milliards de dette ». L’article mettait en lumière la mauvaise gestion qui caractérise cette société mise à genoux par ses dirigeants.

De scandale en scandale, rappel des siphonnages à la BTCI et du galvaudage des fonds de la Banque d’Investissement et de développement de la CEDEAO (BIDC) accordés au Togo en 2010 en vue de la réhabilitation des infrastructures hospitalières. Ce fut un prêt de dix (10) milliards de Francs CFA, montant qui devrait permettre d’améliorer le plateau technique sanitaire par l’acquisition de matériels dont un scanner pour le CHU Sylvanus Olympio (CHU-SO). Mais le scanner n’a vraiment pas profité aux populations togolaises, car tombant régulièrement en panne, obligeant plus d’un à douter de la qualité neuve du matériel. Plus tard, il n’est devenu qu’une énième « épave » au CHU Sylvanus Olympio.

Aujourd’hui, ce sont les Fonds Novissi et Fonds Covid 2020 qui retiennent l’attention du public qui feint oublier les autres scandales qui tracent l’histoire des gestions occultes et hasardeuses des ressources de l’Etat. Pourtant, les mécanismes et institutions de veille et de lutte contre la corruption et le détournement sont légion au Togo.

D’ailleurs, à un moment donné de l’histoire du Togo, l’espoir s’est élevé en 2012 et a vite gagné les cœurs. Gros et géant venant d’un grand, cet espoir a été libellé en ces termes : « Lorsque le plus petit nombre accapare les ressources au détriment du plus grand nombre, alors s’instaure un déséquilibre nuisible qui menace jusqu’en ses tréfonds la démocratie et le progrès », avait déclaré le président togolais Faure Gnassingbé lors d’un message à la nation le 26 avril 2012. Ainsi beaucoup ont cru que par ce constat, le chef de l’Etat va enfin marquer la rupture. Mais que nenni ! Et les scandales se multiplient.

Pis, le récent communiqué du gouvernement à la suite des révélations de la cour des comptes relatives à la grande pagaille orchestrée dans la gestion du Fonds de riposte et de solidarité Covid-19, ce communiqué prouve à suffisance que le Togo ne sortira pas de sitôt de la gabegie, la concussion ou la corruption. Malheureusement, le pays sombre de jour en jour dans un gouffre abyssal de dettes, et le développement tant espéré piétine face à l’éternel retour du même qui rappelle un autre gros scandale dénommé : Contour Global. Devant toute la panoplie de scandales relevés, qui saura sauver véritablement le Togo ? La question demeure.

Sylvestre BENI

La Manchette

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