Agriculture togolaise : où sont les bras ?

Plus souvent les discours politiques ne reflètent pas la réalité du terrain. En effet, on constate qu’au-delà des beaux mots, l’agriculture togolaise en plus des problèmes structurels fait face à un manque criard de bras. Quels peuvent être les enjeux de cette situation ?

Secteur essentiel de croissance économique, l’agriculture pèse 4% du Produit intérieur brut (PIB) mondial (chiffre officiel daté de 2018). Si dans certains pays en développement, elle peut dépasser 24% du PIB, au Togo, elle représente 40%. C’est dire son importance au 228.

Détour

L’auteur de ses lignes n’aborde pas ici les problèmes structurels qui sont connus de belle lurette : fortes variations d’une année à l’autre, faiblesse de la production et de la productivité, insuffisance des revenus. Conséquence, il y a la malnutrition chronique et l’insécurité alimentaire au niveau familial surtout dans les zones les plus reculées.

Depuis quelques années, le régime cinquantenaire donne l’impression de se préoccuper de l’agriculture. En plus de quelques initiatives officielles, sans véritable réflexion, sur fonds de remis de matériels par-ci, de financement de mini-projets par-là, le Forum des producteurs agricoles togolais (FoPAT) est devenu une trouvaille permettant aux autorités de présenter au monde rural la vision du gouvernement pour la transformation agricole dans le pays.

Une occasion pour Faure Gnassingbé, le chef de l’État, à travers l’étape de Sokodé, d’avoir initié un dialogue direct avec les producteurs voire les forces vives de la région centrale du 23 au 25 février 2023.

Enjeu

Le grand défi de l’agriculture togolaise reste sa mécanisation. Au temps de l’ancien ministre Noël Koutéra Bataka, il a été dit qu’elle représente seulement 1 0% sur l es 3. 600. 000 ha de terres cultivables disponibles. D’où la création du Mécanisme incitatif de financement agricole (MIFA), faisant dire aux autorités que « le Togo a changé de paradigme ».

« Il s’agit de créer les conditions pour l’opérateur privé qui veut développer la mécanisation et qui peut le faire, en structurant les petits producteurs en coopérative. Le gouvernement crée un marché solvable à travers la structuration des producteurs. C’est un marché gagnant pour les producteurs qui peuvent ainsi rembourser leurs équipements », a expliqué le ministre en charge de l’agriculture.

Ressources humaines Les problèmes sont connus. Les défis facilement identifiables. Il reste maintenant l’essentiel : les ressources humaines. C’est un autre aspect des difficultés que rencontre l’agriculture au Togo.

Dans les zones rurales, les jeunes ne veulent plus faire des t av aux champêtres. « Mes grands-parents ont été paysans.

M es parent sont fait le même métier. Je n’ai rien contre l’agriculture. Comme on le dit, la terre ne trahit pas. Mais moi je ne m’inscris pas dans cette logique. Surtout que mon entourage qui s’y adonne n’arrive pas à en vivre, du moins décemment », nous confie Kodzo, un jeune du canton de Hahotoé, dans la préfecture de Vo.

Les travaux de la terre n’attirent plus grand-monde. L’exode rural vide les campagnes. Victor Somalé, un retraité de la Société nouvelle de phosphates du Togo (SNPT), vivant aujourd’hui ses vieux jours entre sa ferme et sa maison à Kovié (préfecture de Zio), explique que les « jeunes d’ aujourd’hui préfèrent être conducteur de taxi-moto (Zemidjan) que de devenir agriculture ».

Ce dernier n’a pas si tort. L’un des moyens de substance disponibles facilement pour la jeunesse reste la conduction de taxi-moto. Et ce ne sont pas les sociétés employeuses qui en manquent : Olé, Zed Mobile, Gozem, Tito , entre autres.

Il est même initié pour eux un projet dénommé « Zokéké » une sorte d’ examen de permis de conduire moto, visant à leur permettre de connaître le code de la route. Il  visera à leur permettre en outre de participer à la vie économique, autrement dit, faire de ces Zémidjan « un entrepreneur ».

Trahison

On ne peut pas parler de la modernisation de l’agriculture en occultant le rôle que la diaspora togolaise doit jouer. Ils sont un certain nombre de personnes bien que vivant hors de leur pays d’origine ont mon té des projets agro pastoraux, acheter des parcelles, investissement de somme import ante.

La plupart d’ entre eux sont finalement déçus parce que ceux à qui ils ont confié la gestion et le suivi « n’ont pas joué franc jeu ».

« J’ai investi une partie import ante de m es économies pour mont er une ferme agropastorale, chez dans le nord. Bien que mon cousin qui la gère soit bien pays, au bout de trois ans, il a tout détruit. Il a profité de mon absence du territoire national pour couler mon business », déplore un Togolais quadragénaire établi en Italie depuis une dizaine d’années. Ces exemples sont légion.

C’est pour lutter contre ces genres de mésaventure qu’Eyram Togbetse a créé une plateforme numérique d’investissement, Agro Spaces Enterprises. « La particularité d’Agro Spaces est de permettre à tous les investisseurs de suivre la production depuis leurs smart phones et avoir une garantie de retour sur investissement », précise-t-il.

« Souvent, les gens envoient de l’argent pour qu’on exécute les projets mais ils ne voient aucun résultat. Avec Agro Spaces, il y a toute une équipe derrière pour coordonner les activités et faciliter le suivi régulier aux investisseurs.

Agro Spaces garantit la production jusqu’à la commercialisation », insiste le promoteur. L’agriculture togolaise doit être pensée et repensée. Il faudrait alors plus de concrets que de beaux discours et surtout mettre au centre des différentes initiatives la jeunesse.

La Lettre Agricole N° 006

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