En attendant leur rencontre de ce samedi 17 juin avec le président de la Fédération de Russie, la phase ukrainienne de l’initiative de paix des chefs d’État africains laisse une impression d’impréparation, sinon de demi-échec.
Hier, à Kiev, première étape de la médiation des dirigeants africains entre l’Ukraine et la Russie, l’ambiance n’était pas vraiment des plus chaleureuses. L’on a même cru percevoir, chez le chef de l’État ukrainien, une petite gêne, sinon de la méfiance, notamment vis-à-vis de son homologue sud-africain. Cela donne-t-il pour autant raison aux Africains qui estiment que le continent n’est pas habilité à jouer les médiateurs dans cette guerre ?
Au vu des variations relevées dans les objectifs annoncés depuis la révélation de cette médiation, nombreux sont ceux qui, sur le continent, priaient le ciel, pour que l’Afrique n’aille pas s’humilier inutilement, dans ce qui apparaît comme une irruption sur un terrain de jeu trop vaste, au regard du niveau de prestige dont elle peut se prévaloir sur l’échiquier diplomatique, aujourd’hui.
Évidemment, l’on entend ceux qui prétendent que l’Afrique aussi peut et doit être présente dans le règlement de ce conflit qui a, de fait, tous les attributs d’une guerre mondiale. Mais, sert-on mieux la paix en étant présent, mal, qu’en demeurant discrètement à sa place, ferme sur ses principes ? Il y a lieu de se le demander, d’autant que l’Afrique, sur ce conflit, n’a même pas été capable d’énoncer des principes clairs et convaincants, susceptibles d’inspirer plus de considération à l’hôte ukrainien des dirigeants africains.
On présume que Vladimir Poutine, ce samedi à Saint-Pétersbourg, leur fera la faveur d’un tout petit peu plus de sourire, d’autant que certains visages de la délégation lui sont moins indifférents, sinon familiers…
Que répondre à ceux qui disent que ce n’étaient pas le bon moment ?
Simplement qu’ils ont raison. Car, l’envie d’en découdre n’a jamais été aussi forte, de part et d’autre, depuis le début de cette guerre. La plus élémentaire des analyses politiques conclurait que la période n’est pas propice pour entamer une telle médiation.
Vouloir à tout prix jouer un rôle, sans s’assurer d’un minimum de chances de succès peut facilement accentuer une déconsidération de tout le continent. Et, pour respectables que soient certains des membres de cette délégation, l’on est bien obligé de constater le côté un peu hétéroclite de sa composition. Certains Africains ont dû se prendre la tête entre les deux mains, en entendant un des chefs d’État expliquer au président de l’Ukraine ce qu’est une feuille de route.
Faut-il comprendre que cette tournée n’a pas été bien préparée ?
Les diplomates vous diront que pour une initiative de cette importance, diplomates et autres sherpas auraient dû multiplier les allers et retours intenses entre les capitales africaines concernées, puis entre les deux belligérants, avant que les chefs d’État n’entrent en scène. Ils n’étaient que quatre. On en rajouterait vingt autres, que cela n’aurait pas suffi à leur conférer le poids nécessaire pour peser face à ces interlocuteurs-là.
En d’autres temps, un seul dirigeant d’envergure aurait porté valablement la parole de l’Afrique auprès de ces belligérants. Nelson Mandela, Haïle Selassie, Julius Nyerere, Gamal Abdel Nasser, on s’en tiendra là… Cela signifie que, pour peser dans le monde, l’Afrique doit apprendre à imposer le respect par un leadership clairvoyant, qui sait se tenir. Or, la, triste impression qu’elle donne, ici, est de ne vouloir – et de n’avoir voulu, dès le départ – que faire de la figuration, un simple coup médiatique, inspiré par, on ne sait quel génie. Avant d’aller s’exposer de la sorte, les dirigeants africains se devaient de mieux travailler en amont, pour ne pas prétendre régler les problèmes d’États dont l’Afrique quémande, par ailleurs, quelques faveurs, notamment pour le transit du blé.
L’Ukraine, comme la Russie, n’a d’ailleurs eu de cesse de demander à chaque pays africain de se mettre de son côté, contre l’autre camp.
Chronique de Jean-Baptiste Placca