Montrer l’importance de la culture de l’alerte et la nécessité de créer un environnement propice à son lancement dans le milieu du travail, c’est l’objectif d’une conférence publique organisée par la Plateforme de Protection des Lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF) en collaboration avec la Confédération des syndicats autonome du Sénégal (CSA). Cette conférence qui s’est tenue à Dakar ce vendredi 15 septembre 2023 en présence de nombreux syndicalistes, a pour thème : « Le lancement d’alerte dans le milieu du travail : Quel rôle pour les acteurs syndicaux ? ».
Les quatre panels, notamment « Les défis éthiques et professionnels liés à l’appartenance à une organisation syndicale : quelques exemples pratiques », « PPLAAF et le lancement d’alerte : quels accompagnements pour les employés qui sortent du silence ? », « Renforcer les protections des travailleurs par le biais de la promotion des droits humains dans les lieux de travail », « Les dispositions réglementaires relatives au lancement d’alerte dans le milieu du travail et le rôle de l’inspection du travail en cas de violation des droits des travailleurs ? », développés au cours de la conférence publique, ont pour but de passer en revue les défis éthiques et professionnels auxquels sont confrontés les membres d’organisations syndicales, la revendication des droits humains des travailleurs pour défendre leurs intérêts, et l’apport de PPLAAF dans la protection des lanceurs d’alerte.
A en croire Oumar BA, membre du Bureau Confédéral de la CSA/Secrétaire Général du Syndicat Autonome des travailleurs des Eaux du Sénégal (SATES), tout employé dans une entreprise peut devenir un lanceur d’alerte en dénonçant les fraudes fiscales, les malversations, les détournements, le blanchiment d’argent, les pratiques anti-concurrences, le harcèlement, etc. dont il a connaissance. Mais il y a des barrières qui empêchent, dans une certaine mesure, l’employé à lancer l’alerte. Il a cité notamment le secret professionnel, le devoir de réserve, les accords de confidentialité, la loyauté. Ceci expose l’employé aux représailles de l’employeur.
Et donc pour dénoncer des pratiques illégales dans une entreprise, il faut faire intervenir le délégué du personnel. Puisque ce dernier est protégé par un certain nombre de dispositions contenu dans le code du travail, il peut prendre sur lui de devenir le lanceur d’alerte afin de couvrir l’employé détenteur des informations compromettantes. Au cas où ce dernier a déjà lancé l’alerte, le délégué peut l’accompagner dans les procédures afin de ne pas subir les représailles de l’employeur. « Le Lanceur d’alerte ne doit pas être considéré comme un danger dans une entreprise, mais une bénédiction », a indiqué Omar BA qui a formulé des recommandations pour que les politiques élaborent des lois qui protègent des lanceurs d’alerte.
Justement, la protection des lanceurs d’alerte est synonyme de la protection d’une série de droits fondamentaux, notamment celui relatif à la liberté d’expression, selon Mme Fatou DIOUF, Coordonnatrice de projet Afrique Francophone PSI (Internationale des Services Publics). Les lanceurs d’alerte, a-t-elle poursuivi, permettent de rendre effective la jouissance des droits. Ils sont assimilables aux défenseurs des droits de l’homme, bien qu’il y ait une nuance entre les deux.
Dans la plupart des pays, surtout en Afrique, il n’y a pas d’instruments juridiques pour protéger les lanceurs d’alerte. Mais Aly THIOR, Juriste d’affaires, Inspecteur du travail et de la sécurité sociale a fait remarquer qu’ils peuvent être protégés par les dispositions de la Convention 158 sur le licenciement. Aussi, la Convention des Nations Unies sur la corruption est un outil pour mettre les lanceurs d’alerte à l’abri. Au Sénégal, a-t-il noté, le code du travail ne protège pas les lanceurs d’alerte, mais des dispositions contenues dans la Constitution fait obligation aux employeurs de veiller sur l’intégrité physique et morale de l’employé. Ces dispositions peuvent être utilisées en faveur des dénonciateurs. Il a néanmoins regretté les difficultés que rencontre l’inspection du travail pour protéger un employé, lanceur d’alerte, qui a signé un accord de secret professionnel avec son employeur. C’est pourquoi il en appelle au Dialogue social et les négociations en vue de la Convention collective pour des discussions pouvant aboutir à des lois pour la protection des lanceurs d’alerte.
Un riche débat a suivi ces intervenions au cours de la conférence publique. Nombreux sont les participants qui ont avoué avoir appris beaucoup de choses sur le lancement d’alerte, surtout le rôle que la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF) à travers le monde, comme l’a fait connaître Marie-Paul CONARE, Coordonnatrice de PPLAAF en Afrique de l’Ouest et francophone, dans sa communication. Cette ONG, créée depuis 2017, se bat pour mener des plaidoyers auprès des décideurs dans le monde (en Afrique notamment) pour l’élaboration des lois en vue de la protection des lanceurs d’alerte. Elle met également des avocats, des journalistes d’investigations à dispositions de ces lanceurs d’alerte.
Le but de cette conférence publique qui est de permettre aux participants de comprendre le concept du lancement d’alerte et son utilité, la nécessité de créer un environnement propice au lancement d’alerte en entreprise, la connaissance des différentes formes de violations des droits des travailleurs et leurs conséquences sur la société, la nécessité de faire la part entre devoir de réserve, secret professionnel et lancement d’alerte dans le milieu du travail, la compréhension du rôle des organisations syndicales dans la protection des droits des travailleurs et particulièrement dans le lancement d’alerte est visiblement atteint.