Djovi Gally, peu connaissent l’homme privé
Un jour, Djovi et moi cheminions dans une rue de Lomé, au quartier Bassadji, à Bè, c’était à la fin des années 80 pendant la période des vacances. Soudain, sans raison apparente, il s’arrête, l’attention retenue par autre chose. Puis, je le vois se rapprocher tranquillement d’une dame assise au bord de la route, avec son bébé en main. L’enfant pleurait chaudement. Elle vendait des oranges. Djovi tire alors un tabouret, s’assoit tout bonnement à côté de la dame et lui parle. Puis, il caresse la tête de l’enfant, achète quelques oranges et demande à la dame de donner le jus à son enfant. Et l’enfant se calme.
C’est le genre d’image que Djovi imprime par des actes ordinaires. Derrière cette attitude, ce que j’ai surtout retenu, c’est son amour pour les gens, peu importe l’origine sociale. Djovi, c’est avant tout un humaniste de grande simplicité. Il n’a pas changé depuis l’enfance.
Je le vois encore, sanglé dans un costume de circonstance qu’il affectionne, parcourant le Togo et le monde, à la rencontre de grandes personnalités politiques et professionnelles. Avec sa verve, il sait argumenter et défendre ses idées. Mais, il sait aussi descendre des hautes sphères politique, pour se fondre dans le quotidien des gens simples.
Dans son cercle restreint, on le connait avant tout comme une personne raffinée, depuis qu’il est petit. Il est raffiné dans les manières et le vivre-ensemble, raffiné dans l’image de lui-même qu’il renvoie à la société et raffiné dans le langage – sauf parfois quand il est poussé à bout et qu’il pète les plombs avec élégance sur la bêtise humaine –. Ah ! l a bêtise humaine, il déteste.
On ne peut pas parler de Djovi sans rappeler sa rigueur, presque inflexible. Pour moi, c’est son marqueur le plus déterminant. Autant il est strict avec lui-même, autant il l’attend des autres, et particulièrement de ses proches, à commencer par ses enfants. Avec mon sourire qui le taquine parfois, je le vois encore, assis sur sa terrasse, interpeler un artisan sur la ponctualité et la qualité du travail.
Cette rigueur est portée par une intelligence vive qui nourrit ses réflexions. Nous affectionnons les moments d’échanges, intenses et constructifs. Combien d’heures ne passons-nous pas ensemble à débattre des questions politiques, de démocratie et de la nature humaine.
Djovi Gally, c’est la foi catholique chevillée au corps, assumée et revendiquée. C’est aussi le cas de son engagement pour les droits humains et la démocratie. Il est un homme public, connu des Togolais, particulièrement depuis qu’il a exercé la fonction de ministre des Droits de l’Homme entre 1994 et 1995. Il a aussi une foi inébranlable à la justice, et son engagement professionnel en tant qu’avocat en est une bonne illustration.
Je dois avouer qu’il m’a été difficile de commencer ce texte en parlant de Djovi au passé. Mais le fait est là. Ce 27 septembre 2023, Djovi Gally a rendu l’âme, sourire aux lèvres me confirme son fils. Alors, mes premières pensées vont à son épouse et à ses enfants.
J’ai perdu un frère, un frère de sang. Djovi, que la terre te soit légère.
Rideau.
Nathaniel Olympio