Les lois, paraît-il, sont faites pour être transgressées. Surtout, si les sanctions qu’elles prévoient en cas de non-respect ne sont pas appliquées !
C’était le 05 janvier 2022, le président de la République, -par Décret n°2022‐001/PR portant réglementation de la caution, de la garantie de loyer et du bail d’habitation- avait salutairement décidé, disons-le, de moraliser le secteur du logement locatif. Monde, Ô combien d’hyperboles rompu à tous les excès dans une sorte de présomption d’anarchie où un mieux disant financier, en totale inadéquation avec le niveau du pouvoir d’achat des Togolais, introduit par des étrangers nantis, écrasait, neutralisait, excluait tant d’hommes et de femmes de notre pays qui prétendaient à quelque logement rendu pour le coup inaccessible, parce que hors de leurs capacités financières.
Avant d’aller plus loin dans mon propos, il convient de rappeler les dispositions les plus emblématiques de ce décret.
Chapitre 2 ‐ De la caution et de la garantie de loyer
Art.4.- Le montant de la caution ne peut excéder une somme correspondant à TROIS mois De loyer*. II est versé par le locataire à la signature du contrat de bail. (….)
Art.8.- La garantie de loyer ne peut excéder une somme correspondant à TROIS mois de Loyer. Elle est versée par le locataire à la signature du contrat de bail.
Chapitre 4‐ Dispositions diverses, transitoires et finales
Art.32.- Tout bailleur qui exige un dépôt de caution ou une garantie de loyer supérieur à celui fixé par le présent décret est passible d’une amende égale au double de la Majoration illicite.
Art.33.- Le présent décret s’applique dans une première phase dans le Grand Lomé.
Un Décret en conseil des Ministres détermine les modalités de son application dans les autres villes du pays après une évaluation.
Voilà donc succinctement pour l’aspect juridique des choses.
Quant au lyrisme des enthousiasmes au moment de l’annonce de ces salvatrices mesures où chacun espérait à rivaliser de présomption, sans trop y croire mais sans non plus en douter tout à fait, tant ce puissant signal social était attendu, et se forger une espérance d’avenir dont il ne mesurait point encore la déception qu’allait tenter de lui infliger une certaine espèce de spéculateurs, dont il me semble qu’il y a une obsession dans leurs façons, je dirais même que cette obsession devient un malheur pour les autres, à savoir une certaine tendance profonde à l’avidité, une avidité dont l’impulsivité voudrait abolir toute forme d’observation et de représentation fidèles au bien-fondé social d’une loi qui porte grief à la démesure et permet d’avoir plus normalement un toit sur la tête.
Parce que, en effet, les vieilles habitudes ont la vie dure, puisqu’on constate sur le terrain que rien ou presque n’a changé depuis lors.
Il s’entend de la bouche même des propriétaires bailleurs une rhétorique défiant toute autorité : ce n’est pas l’État qui m’a donné l’argent pour construire ma maison. C’est 10 mois, – certains propriétaires exigent même 12 mois-, ou allez voir ailleurs !!!
À Dieu ne plaise que je veuille ici jeter le blâme sur une communauté, dont, malheureusement, certains esprits seraient dans une sorte d’incivisme par défaut d’affection pour les plus économiquement faibles, et, sur les quels ils fonderaient leur existence par la négation ou l’inexistence des autres !
Mais si chaque citoyen entend déroger à la loi pour appliquer celle, par commodité personnelle, exclusivement propice à ses intérêts, alors la République aura vécu ! Elle ne sera donc plus cette maison commune avec les mêmes règles pour tous, mais un Far west où chacun fera fi de l’autorité publique et fera ce qu’il voudra.
On peut tout à fait comprendre, admettre que des gens aient contracté des emprunts, engagé leurs économies pour investir de quoi mettre du beurre sur les épinards, un petit plus qui permet d’assurer les vieux jours. Cependant la loi, c’est la loi ! Et tout un chacun doit s’y conformer.
Et cette loi est une synthèse, me semble-t-il, « du chacun fait un pas vers l’autre » ; un équilibre entre les besoins des bailleurs et ceux non moins vitaux des populations de pouvoir se loger dans des conditions financièrement accessibles pour elles. Et s’il devait apparaître quelque réglage à opérer, ce sera à l’État, à celui-ci seul d’en être à la fois le commanditaire et le maître d’œuvre, et non pas à l’une ou l’autre des parties.
Ainsi refusons-nous de croire que le président de la République et son gouvernement auront été des lanceurs d’illusions, à propos de ces mesures que la corporation refuse d’appliquer, et dont les familles entières ne sauraient être les ramasseurs.
Violer une telle loi ! C’est avilir la lutte que mène le président Faure et son gouvernement contre la précarité.
Violer une telle loi ! C’est effectivement nier cette conviction commune en faveur de l’importance du logement comme un droit fondamental, dont la portée universelle est indiscutable.
Et, pour finir, loin que je veuille délibérément noircir le tableau. Mais devant la toile de ces réalités dépressives, mon pinceau cherche et insiste sur ce qu’il y a de beau, oui ! D’humainement salubre, afin d’inviter, puis d’inciter les yeux à améliorer, par leurs propres perceptions où s’agitent des clartés dans tout, ce qui doit l’être.
C’est une forme d’impressionnisme laconique qui suggère l’optimisme, c’est-à-dire qu’il faut toujours parmi mille malheurs arriver à trouver l’infime lueur d’espoir qui restitue les hommes dans leur dignité
Le GCE Cyr ADOMAYAKPOR