Le président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo, vient de procéder à la dissolution du Parlement, pourtant, formé il y a à peine trois mois. Prétendant avoir échappé à une tentative de coup d’état, le dirigeant bissau-guinéen a saisi cette opportunité pour rafler les portefeuilles de la Défense et de l’Intérieur, dans le but d’étendre ses pouvoirs. Une décision aussi questionnable que stratégique qui intervient à moins de deux ans de la prochaine élection présidentielle. Sa grande impopularité dans le pays ne pourra que croître.
Se réclamant défenseur de la démocratie, Umaro Sissoco Embalo vient de poser un acte prouvant tout le contraire. En effet, en renvoyant le Parlement par décret présidentiel le 4 décembre 2023, il a purement et simplement violé l’article 94.1 de la Constitution de la Guinée-Bissau, qui interdit qu’une telle mesure ne soit prise dans les 12 mois suivant l’élection de l’Assemblée nationale populaire, pendant le dernier semestre du mandat du président de la République, et pendant l’état de siège ou d’urgence. Critiqué par le leader de l’opposition et actuel président de l’Assemblée nationale, Domingos Simoes Pereira, le chef de l’Etat n’a pas daigné répondre.
Si piétiner la Constitution de son pays ne l’émeut en rien, c’est bien parce que ses yeux sont rivés sur l’ élection présidentielle de novembre 2025. Avant d’annoncer en septembre dernier son intention de briguer un second mandat, Umaro Sissoco Embalo avait été forcé à une cohabitation politique avec la coalition d’opposition, suite à la lourde défaite concédée par son parti lors des élections législatives de cet été. Contraint d’accepter la nomination d’un premier ministre, Geraldo Martins, issu du camp adverse, le président sortant bissau-guinéen a vite compris ce qui l’attendrait aux prochains résultats des urnes, d’où sa disposition à tout faire pour empêcher la réalisation de sa défaite quasi-certaine.
Faisant partie de ceux qui ont milité, avec la dernière énergie, pour une intervention militaire de la CEDEAO au Niger, et ce malgré le soutien des populations à la junte de Niamey, le président de la Guinée-Bissau ne fait que confirmer son manque de considération pour la voix du peuple. Son ardent désir d’une victoire de son parti au prochain scrutin législatif, dont la date d’organisation n’a pas encore été fixée, est tel qu’il ne s’attend, sans doute, à aucune réaction de la part des Bissau-guinéens, malgré ses manipulations réalisées à ciel ouvert. L’avenir dira s’il a raison ou tort de sous-estimer la volonté de ses concitoyens reflétée dans les résultats des législatives de juin 2023.
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)