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Wednesday, May 1, 2024
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Sénégal-Belle démocratie, adorant se faire peur…

La vitalité démocratique du Sénégal ne devrait-elle pas s’apprécier tout au long d’une magistrature, plutôt que par la façon, heureuse, dont ce pays se sort des psychodrames, en fin de mandat ?

Qu’ont donc fait de si spectaculaire les Sénégalais, pour que l’Afrique se réjouisse tant de leur présidentielle ? Serait-ce la seule victoire d’un opposant à peine sorti de prison qui justifie tant d’enthousiasme ?

Il faut croire qu’il y a un peu de tout dans ce bonheur communicatif qu’éprouvent les Africains à contempler celui du peuple sénégalais. Peut-être y a-t-il aussi une satisfaction à voir que les Sénégalais ont juste fait ce qui se devait, sans céder à la coutumière anormalité propre à notre Afrique francophone. Refuser que l’on diffère l’échéance présidentielle, contrairement à une fâcheuse manie répandue sur le continent, et constater que le chef de l’État, lorsque son projet a été retoqué par la Cour constitutionnelle, n’a pas, comme nombre de ses pairs, ignoré cette décision, tout cela fait du bien !

Et, pour finir, les dieux semblent s’être rangés du côté des institutions, pour épargner au calendrier constitutionnel un second tour. Avec la victoire, dès le 24 mars, de Bassirou Diomaye Faye, la passation de charge à la tête de l’État sénégalais devient possible, au terme, ce 2 avril, du mandat du président Macky Sall. Tout cela semble rafraichissant. Même si, encore une fois, il a fallu au Sénégal frôler le pire, avant que la sagesse des dirigeants et la force des institutions ne ramènent le pays sur les rails. Comme si cette démocratie aimait côtoyer les dangers. Le meilleur a sauvé le Sénégal du pire. Voilà qui conforte nos certitudes d’espérance. Le bonheur du peuple sénégalais est mérité, et l’Afrique n’est pas d’humeur à pleurer sur le sort de ceux qui n’ont pas le courage du bonheur démocratique.

Les peuples qui subissent le pire mériteraient-ils donc leur sort ?

Personne, sinon lui-même, n’apportera à un peuple la démocratie et le développement nécessaires à son épanouissement. « Toute nation, a le gouvernement qu’il mérite », disait un vieil axiome du XIXe siècle. Certains des dirigeants qui s’imposent à leurs peuples, en Afrique, ne mériteraient même pas un strapontin de sous-ministre dans d’autres pays. C’est dire que tous les chefs d’État ne se valent pas sur ce continent.

Et si le Sénégal charme tant, c’est aussi parce que bien des peuples peinent encore à se soustraire du joug de dirigeants qui les avilissent. Voilà pourquoi se comparer au Sénégal peut être un leurre. Le fait démocratique, dans ce pays, se résume encore trop souvent à la transparence du scrutin présidentiel et au respect par tous du choix des électeurs. La vitalité démocratique devrait s’apprécier tout au long d’une magistrature, et pas uniquement à la façon, heureuse, dont le Sénégal se sort des psychodrames, en fin de mandat.

Les idées contenues dans le manifeste du candidat Bassirou Diomaye Faye sont au moins précises et convaincantes…

Oui, et même alléchantes. Trop alléchantes. Macky Sall, Abdoulaye Wade, Abdou Diouf, et même Léopold Sédar Senghor auraient, en leur temps, adhéré à ces très beaux concepts. Mais que deviennent les belles proclamations, à l’épreuve du pouvoir ? On passera sur la partie du programme du président élu qui reprend implicitement ses récriminations de toujours contre le sortant : train de vie de l’État, titres de noblesse et indépendance à redonner au Sénégal, parce qu’altérés par Macky Sall ; renégociation des contrats d’exploitation des ressources naturelles et minières… Pour le reste, pas un seul des anciens chefs d’État ne renierait les réformes sur le foncier, l’agriculture, la pêche, l’élevage, le tourisme… Ceux d’hier et de demain adhéreraient au reste : réhabilitation des institutions de la République, restauration de l’État de droit, réduction de la fracture sociale, comblement des inégalités, promotion de l’égalité des chances…

Mais, dans à peine trois jours, Bassirou Diomaye Faye sera au pouvoir, et va devoir gouverner, donc résister à la gloutonnerie de ceux qui l’entourent ou l’entoureront. Les Sénégalais apprécieront alors s’il est meilleur ou pire que son prédécesseur. Un chef d’État est souvent le plus mauvais, jusqu’à ce que débarque son successeur.

Chronique de Jean-Baptiste Placca du 30 mars 2024

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