« Je te tiens, tu me tiens par la barbichette » entre Faure et Macron
Trente-trois ou trente-cinq ministres pour une population de huit millions d’habitants et pour un territoire qui fait le dixième de la France, le sixième de la Côte d’Ivoire, c’est un problème, mais là n’est pas le vrai problème. Au point où on en est au Togo, un gouvernement d’un ministre, n’aurait pas été plus effarant. Ce qui importe c’est de savoir que le nouveau gouvernement est plus large que le précédent et de savoir ce qui en est la raison. Il ne s’agit pas simplement d’inviter plus de copains et de copines au festin, il s’agit d’élargir le cercle de la « Minorité pilleuse » afin d’agrandir le bouclier de défense contre un grondement populaire de plus en plus croissant et de plus en plus imprévisible.
Tout le monde sait que Faure Gnassingbé est sous la protection de l’Etat d’Israël. Grâce a cette protection le le Président togolais peut se permettre des impertinences à l’égard de la France, puissance impérialiste de tutelle. Grâce à elle il se sent à l’abri d’un mauvais coup de la part de sa propre armée dont il se méfie. Mais, malgré son redoutable logiciel espion Pegasus, le peuple togolais ne cesse de gronder et ne se laisse pas manipuler par ses prétentions panafricanistes.
Faure trouve Macron trop à cheval sur les « droits de l’hommes » et s’en méfie. De son côté et Macron craint chez son homologue un excès de dictature qui peut nuire à la stabilité nécessaire au pillage néocolonial. Entre les deux c’est le jeu de la comptine « je te tiens, tu me tiens par la barbichette ». L’un fait semblant de se rapprocher de l’AES qui est l’ennemi juré de la France en professant un vrai-faux panafricanisme, tandis que l’autre, à l’instar de ses prédécesseurs qui ont créé le FLA (Front de Libération de l’Azawad), menace son adversaire par la mise en place d’un Mouvement de Libération Nationale surnommé Freedom Togo. L’un et l’autre avaient besoin de se rencontrer et Marcon en a créé l’occasion avec un anniversaire, un stratagème bancal.
Les cérémonies du 80ème anniversaire du débarquement de Provence rendent hommage aux soldats morts lors de ce débarquement et enterrés dans la nécropole internationale de Boulouris-sur-Mer. La grande partie de ces morts était des ‘tirailleurs africains » dont la grande majorité est connue sous le nom de « tirailleurs sénégalais ». C’est pourquoi des présidents africains étaient souvent invités lors des commémorations précédentes. Pour les cérémonies du 15 août 2024 les présidents vedettes étaient Faure Gnassingbé et Paul Biya, de parfaits intrus. En effet, le « tirailleur sénégalais » pouvait être Sénégalais, Dahoméen, Malien ou Gabonais mais pas Togolais ni Camerounais.
Après la victoire des Alliés en 1917, les colonies allemandes du Cameroun et du Togo ont été récupérées par la Société des Nations, préfiguration des actuelles Nations Unies, et confiées en tutelle à la France et à la Grande Bretagne avec l’interdiction formelle à ces puissances tutélaires de prélever des hommes de ces territoires sous tutelle pour garnir leurs armées. Les deux puissances alliées se sont partagé les deux colonies et le meilleur morceau du Togoland est revenu à la France sous le nom Togo. Comme tout impérialiste est, par définition, malhonnête, la France n’a pas hésité à passer outre l’interdiction de la SDN. Quand elle prélevait des hommes du Togo elle les convoyait discrètement dans sa colonie voisine le Dahomey et les y inscrivait sur ses listes de recrues en tant que Dahoméens. La France devait faire la même chose au Cameroun. De sorte qu’aucun combattant africain dans les armées françaises, que ce soit lors de la Deuxième guerre mondiale, que ce soit dans les guerres coloniales en Indochine ou en Algérie ne signait Togolais. Aucun des « tirailleurs sénégalais » couchés dans la nécropole commémorée ce 15 août 2024 n’a la nationalité togolaise. Aucun des anciens combattants survivants de ces guerres ne signe Togolais ni Camerounais.
D’où vient donc que deux intrus soient les vedettes d’une cérémonie qui ne les concerne pas ? Si c’est pour corriger une injustice, le discours de Paul Biya aurait pu en faire cas et féliciter Macron. Et si c’était bien le cas pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? C’est au nom du statut de colonie sous tutelle qu’une loi française qui autorise un enfant né en France de parents africains nés avant 1960 à prendre la nationalité française à ses dix-huit ans ne s’applique pas à un enfant de parents togolais ou camerounais. En réalité la cérémonie a été organisée pour permettre à Macron et à Faure de se « tirer la barbichette ». La présence de l’autre impertinent, Paul Biya, devait faire croire qu’on rendait justice aux tirailleurs issus des anciennes colonies sous tutelle qui dorment à Boulouris sous des nationalités qui ne sont pas les leurs et qui camouflent la participation de Togolais et de Camerounais à la libération de la France en 1945.
Zakari Tchagbalé