Banque Mondiale, FMI,OMC, UEMOA : Dans ses controverses, le Togo se cherche un bouc émissaire des échecs de son régime

Intervenant lors de la conférence sur la bonne gouvernance organisée en marge du Forum économique sino-africaine (FOCAC2024), le Chef de l’Etat togolais s’en est pris publiquement aux institutions de gouvernances mondiales.

Le chef de l’État Faure Gnassingbé a passé à la sulfateuse la Banque mondiale (BM) et le Fonds Monétaire International (FMI) en indexant leur gouvernance. Et pourtant, l’économie togolaise, exsangue et asphyxiée par une gestion approximative des ressources du pays, est sous perfusion permanente de ces institutions de Bretton Woods.

En Chine, le Président togolais, dans son intervention, n’est pas allé du dos de la cuillère. Les mots ont été choisis sans ambages. Le FMI, la Banque mondiale et l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en ont eu pour leur compte.
« L’avis général est que les institutions internationales ne fonctionnent pas bien et la gouvernance mondiale laisse à désirer », a asséné Faure Gnassingbé. « L’Organisation mondiale du commerce est moribonde. Les banques de développement vont mal. Et le FMI ne va pas très bien non plus. Au-delà des questions de moyens financiers, le mauvais fonctionnement vient d’une gouvernance dépassée, désuète ou les pays les plus riches sont surreprésentés.

La dernière décision significative sur les quotas à la Banque mondiale et au FMI date de 2010. Et j’appelle de mes vœux une réforme générale permettant à ces institutions de mieux représenter l’économie mondiale », a-t-il expliqué.
Pour lui, les institutions régionales, en l’occurrence l’UEMOA doivent également revoir leur fonctionnement et leur mode de gouvernance.

Hypocrisie…

Faure Gnassingbé veut-il se libérer de l’assistance du FMI et de la Banque mondiale ? C’est loin d’être le cas. Loin des discours visant à faire plaisir à la Chine, le gouvernement togolais entretient des relations étroites avec les institutions de Bretton Woods qui maintiennent le pays à flot. En effet, en mars 2024, le Conseil d’Administration du FMI avait encore approuvé un accord de 42 mois au titre de la facilité élargie de crédit (FEC) en faveur du Togo. Cet accord porte sur un financement d’environ 390 millions de dollars (environ 230 milliards de FCFA) avec un décaissement immédiat de 68,3 millions de dollars environ (près de 40 milliards de FCFA).

Selon l’institution, ce financement était nécessaire face aux difficultés économiques que rencontre le pays. « L’accord FEC permettra d’accélérer la réduction de la pauvreté, de préserver la stabilité macroéconomique et de mobiliser des financements extérieurs supplémentaires, ce qui profitera au Togo et contribuera ainsi à la stabilité macroéconomique et externe de la région de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) dans son ensemble », avait justifié le FMI.

Pas plus tard qu’en Juillet 2024 , le gouvernement togolais a signé avec la Banque Mondiale trois accords de financement d’un montant total de 1,5 milliard de dollars US, soit 900 milliards de FCFA. Ces accords donnent au Togo, une dérogation spéciale pour l’accès au guichet de prévention et de résilience de la Banque mondiale pendant 5 ans allant de juillet 2024 à juin 2029. « Cette dérogation est également une réponse au plaidoyer fait par Son Excellence le Président de la République (Ndrl : Faure Gnassingbé lors de sa visite aux assemblées annuelles de la Banque mondiale en octobre 2022 et réitéré lors de la visite de l’ex-Président de la Banque mondiale », a expliqué Filly Sissoko, Représentant Résidant de la Banque Mondiale au Togo.

En outre, le Togo semble aujourd’hui dans l’incapacité de se passer des appuis financiers dont celui de l’UMOA. Pour approvisionner les caisses du trésor public, le pays passe presque chaque mois par des levées de fonds sur les marchés financiers régionaux.
Incapable de doter le pays d’un modèle économique viable, le régime de père en fils qui gouverne le pays depuis plus de 57 ans, semble vouloir mettre sur le dos de ces institutions de son échec cuisant à garantir une vie meilleure aux Togolais. Pendant ce temps, le même gouvernement continue de tendre la main à ces institutions dont « la gouvernance laisse à désirer ». Une forme d’hypocrisie qui ne dit pas son nom. Dans tous les cas, la gouvernance prônée par le FMI et la Banque Mondiale est foncièrement liée aux velléités de certains Chefs d’État, dont Faure Gnassingbé de ne pas céder le pouvoir.

Le FMI et la Banque Mondiale au service des gouvernements inefficaces

Et pour cause. La clientèle de ces institutions se compose essentiellement des gouvernements impopulaires et surendettés. Sans l’intervention du FMI pour masquer leurs limites, ces gouvernements seraient voués à l’échec, et donc remplacés par un autre gouvernement ou régime. Ainsi, le maintien au pouvoir du gouvernement est artificiellement prolongé. Les fonds alloués ne servent en grande partie qu’à maintenir la bureaucratie et tout le système de privilèges qu’il a érigés en récompense du soutien de ses fidèles.
Sachant que dans ces régimes, le pouvoir repose non pas sur les idées mais sur des intérêts matériels auxquels ils peuvent pourvoir, les tenants ne voient qu’une seule solution : recourir à l’aide financière venant de l’extérieur, sous forme d’aide au développement, de crédits à long terme, de crédits à court terme, peu importe. Par conséquent, ils sont évidemment prêts à faire des concessions politiques et économiques. C’est le cas de nombre de pays africains dont les gouvernants s’accrochent au pouvoir ad vita aeternam.

In fine, la gouvernance des institutions économiques internationales dénoncée par Faure Gnassingbé n’est pas imposée de l’extérieur, elle est le fruit de la politique antérieure, notamment au Togo, du régime en place depuis plus de 57 ans et de la volonté de Faure Gnassingbé de rester au pouvoir à tout prix. Comme dit-on, c’est l’hôpital qui se moque de la charité.

Lemy Egblongbeli

Source : Lecorrecteur

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