Le gouvernement togolais vient de lancer une bombe. Le Togo envisage la possibilité de rejoindre l’Alliance des Etats du Sahel (AES). C’est ce qu’a laissé entendre Robert Dussey, lors d’un entretien accordé au confrère Vox Africa. Une information qui fait l’effet d’une bombe alors que le Président togolais Faure Gnassingbé a été désigné par la CEDEAO comme médiateur afin de lancer un dialogue avec les pays de l’AES. Mais ce positionnement politique est tout sauf anodin venant d’un régime connu pour son opportunisme politique. Un régime qui affiche son caractère de profiteur d’occasions partout.
Le Togo n’exclut pas de rejoindre l’Alliance des Etats du Sahel (AES), a fait savoir le ministre des Affaires étrangères togolais à l’occasion d’un entretien jeudi , 16 janvier 2025 avec la chaîne de télévision Vox Africa. « C’est la décision du Président de la République », a répondu le ministre Robert Dussey lorsque la question de rejoindre l’AES lui a été posée, jugeant pour sa part que « ce n’est pas impossible ». « Demandez aux populations togolaises si le Togo veut entrer dans l’AES, vous allez voir leur réponse, je vous dirais qu’elles vous diront oui à plus de 70% », a-t-il ajouté dans son entretien.
Les trois pays qui forment l’AES, le Mali, le Niger et le Burkina Faso, ont annoncé en janvier 2024 leur volonté de quitter la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le 29 janvier 2025. La CEDEAO est une organisation rassemblant 15 pays, jugée instrumentalisée par les pays Occidentaux, dont la France. « L’Afrique est utilisée seulement pour servir les grandes puissances et ce n’est pas normal », a-t-il aussi déclaré.
L’opportunisme poussé à son comble
Tel un caméléon, le régime togolais semble être prêt à revêtir toutes les couleurs du paysage idéologique du moment sur le continent. Son unique objectif : plaire au plus grand nombre. En effet, plus la situation socio-économique et politique du Togo se dégrade, et plus il devient facile de découvrir le vrai visage du régime à la tête du Togo depuis 58 ans. Ce régime est prêt à toutes les alliances mêmes les plus déshonorantes pour consolider son assise sur le Togo.
En juillet 2024, la Conférence des chefs d’Etat a désigné le Sénégalais Bassirou Diomaye Faye et le Président togolais Faure Gnassingbé, qui s’est imposé comme un passage obligé pour entamer un dialogue avec les Etats de l’AES. En effet, le 28 janvier 2024, le Mali, le Niger et le Burkina ont annoncé leur départ conjoint de la CEDEAO, suscitant une onde de choc dans la région. Inquiète des implications économiques et sécuritaires de cette décision, la CEDEAO tente depuis de recoller les morceaux, sans grand succès. L’institution sous-régionale a donc fait appel à son « jeune doyen », très proche des putschistes, d’entamer le dialogue afin de faire revenir les trois Etats.
Mais Lomé a visiblement décidé de jouer un jeu trouble en affichant publiquement son soutien à la création de l’AES. Car loin du néocolonialisme pointé du doigt par Robert Dussey et une certaine opinion favorable des Togolais à une adhésion de leur pays à l’AES, le régime veut avant tout jouer sur la popularité dont jouit cette institution pour se donner l’image d’un régime soucieux du bien-être des populations. Etant donné que les pays de l’AES font croire à leurs admirateurs que les pays occidentaux, en tête la France sont responsables de tous les maux dont souffre leur pays.
Pour un régime presque soixantenaire dont l’échec est flagrant et face auquel les Togolais ont plusieurs fois cherché à se débarrasser en vain, c’est un repositionnement stratégique pour continuer de dominer à l’heure d’un nouveau vent de panafricanisme sur le continent. Un mimétisme chromatique qui ne devrait donc surprendre guère. En effet, le régime togolais sait se saisir des occasions, des faits et des circonstances pour échapper à une menace quelconque. Une attitude qui consiste à régler une conduite déterminée selon les circonstances du moment, que l’on cherche à utiliser toujours au mieux pour satisfaire les ambitions de l’un des plus vieux régimes du continent nonobstant les intérêts du peuple togolais.
Un comportement caractéristique d’un régime qui a perdu de vue tout principe et toute norme. C’est un secret de Polichinelle. Pour le régime togolais, les variations fréquentes de positions se font en fonction du rapport de force politique pour des profits purement égoïstes et sans aucune vision pour l’avenir du pays et le bien-être des citoyens. Il faut absolument et sans pudeur aucune pomper gains et bénéfices en toutes circonstances et conjonctures. Le régime togolais est ni plus ni moins l’incarnation de l’opportunisme et de l’arrivisme politique poussés à son comble.
Et le comble de l’indécence, c’est quand Robert Dussey, en grand professionnel de la manipulation, présente le Président malien Assimi Goïta comme « une chance pour le Mali », crachant sur les acquis de ces prédécesseurs. Si Assimi Goïta est une chance pour le Mali, que dira-t-on d’un Faure Gnassingbé au pouvoir depuis presque 20 ans au Togo dont le niveau de vie des populations est quasi le même que celui des Maliens ? Passons !
Vers une fragmentation de la CEDEAO ?
La politique des circonstances pratiquée par le régime togolais enfonce une institution déjà très fragilisée. En effet, ces dernières années, la CEDEAO s’est retrouvée très démunie face à la souveraineté brandie fréquemment par certains États membres, dont le Togo. Elle a fini par avoir mauvaise presse dans l’opinion. Les valeurs de la démocratie et de la bonne gouvernance sont mises à rude épreuve.
Alors que la CEDEAO tente de se refaire une santé, le régime semble décidé à organiser sa messe de requiem. Et pourtant, certains analystes disaient le Président togolais, Faure Gnassingbé très attaché à l’institution. Il faut dire que la CEDEAO a rendu bien des services au régime togolais. Mais la volonté de certains dirigeants de transférer pleinement à l’institution sa suprenationalité pour la rendre plus efficace notamment sur des questions politiques (limitation de mandat à travers le protocole additionnel), ne plait pas à d’autres qui préfèrent visiblement la maintenir dans la léthargie. Pour la CEDEAO, le ver est dans le fruit.
Lemy Egblongbéli
Source: lecorrecteur.tg