Côte d´Ivoire: Alassane Ouattara tiraillé entre la soif du pouvoir et les vieux démons de la haine et de la division

« Les conséquences de la radiation de M. Tidjane Thiam rejoignent les conséquences de la radiation de M. Gbagbo, celles de la radiation de M. Blé Goudé, et puis celles de la radiation de M. Soro-Guillaume. Ce que je dis, c’est que la Côte d’Ivoire risque de payer le prix fort politique, économique et social. Il faut éviter de réveiller les démons du passé. L’instabilité politique vient de passer à l’étage supérieur. Depuis six mois, la politique ivoirienne s’est invitée dans les débats publics et la société ivoirienne a commencé à montrer des signes de turbulence. Et en ajoutant à ce que j’ai cité, la radiation de M. Tidjane Thiam, il est fort à craindre que l’instabilité politique, économique et sociale prend un autre envol à partir de maintenant. », (Docteur Christophe Kouamé, Président de Civis Côte d’Ivoire, une organisation de la société civile ivoirienne.)


Décidément la Côte d´Ivoire n´est pas près de tourner la page des années sombres de son histoire, depuis la mort de Félix Houphouêt-Boigny. On peut aujourd´hui affirmer que « le vieux» avait su, grâce à sa sagesse, contenir la flamme sous le couvercle jusqu´à sa mort, le 7 décembre 1993. Pendant son règne, dans un but électoraliste, des cartes d´identité furent distribuées à beaucoup d´étrangers résidant sur le territoire ivoirien. En août 1995 Henri Konan Bédié, qui était président de la république depuis la mort du «vieux», réintroduit le concept d´ivoirité. Selon ses dires à l´époque, ce concept devrait permettre à la Côte d´Ivoire de mieux préserver son identité, et cela lui permettait également d´éliminer un adversaire de taille: Alassane Ouattara. En effet, ayant étudié au Burkina-Faso (anciennement Haute-Volta) et ayant été envoyé par ce pays travailler à l´international, il était considéré comme Burkinabè. Henri Konan Bédié est renversé le 24 décembre 1999 par un coup d´état dirigé par le Général Robert Guéï; le concept d´ivoirité semble avoir disparu, mais la méfiance envers les supposés étrangers persiste.


En octobre 2000 Laurent Gbagbo remporte, face au Général, l´élection présidentielle controversée, dont sont exclus Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara jugé non-Ivoirien. À l´époque sur dix-neuf candidatures présentées, quatorze furent rejetées par la cour suprême. Le Général Guéï, surnommé le «le Père Noël en treillis», sera assassiné dans des circonstances troubles, le 19 septembre 2002, il avait 61 ans. Cette date coïncide curieusement avec le début de la rébellion dirigée par Guillaume Soro. La guerre civile ou crise politico-militaire en Côte d´Ivoire culminera avec les élections présidentielles de 2010 dont les résultats, donnant vainqueur Alassane Ouattara, sont contestés par Laurent Gbagbo. Une crise post-électorale sanglante s´ensuivra et certaines sources parlent de 3000 morts. Le malheureux président déchu qui fut transféré à la CPI (Cour Pénale Internationale), où il sera finalement acquitté, ne cessera pas d´accuser l´ancien colonisateur, la France de Nicolas Sarkozy, de l´avoir livré, en voulant coûte que coûte imposer Alassane Ouattara comme président de la Côte d´Ivoire.
Voilà succinctement résumées les quelques étapes de la crise politique en Côte d´Ivoire, depuis la disparition de Félix Houphouêt-Boigny en décembre 1993. Une crise politique sanglante qui connut son épilogue avec l´élection de Alassane Ouattara en 2010 dans les circonstances que nous venons de décrire. Il sera réélu en 2020 et est sur le point de boucler son troisième mandat. Certes, un certain développement visible du pays est à mettte à l´actif du président ivoirien. Mais Alassane Ouattara a aujourd´hui presque 84 ans, et en 2020 il suppliait presque ses compatriotes de le laisser aller se reposer, le boulot de président de la république étant harrassant. Pour l´élection présidentielle prochaine du 25 octobre 2025 le RHDP, le parti présidentiel n´a pas encore de candidat officiellement déclaré. Et chose curieuse, contrairement à sa volonté de 2020 d´aller se reposer, Alassane Ouattara déclarait début janvier 2025 qu´il ne s´est pas encore décidé: « …à la date d’aujourd’hui, je n’ai pas encore pris de décision. Mais je peux aussi vous rassurer que je suis en pleine santé et désireux de continuer de servir mon pays».
Quand à l´époque Alassane Ouattara disait qu´il avait envie de partir, il avait tenu à préciser: «Je veux que tous ceux de ma génération comprennent que notre temps est passé. Mais s´ils sont candiadts, je le serai.» Et on n´a pas besoin d´être sorti de Sciences Po pour savoir qu´il faisait allusion à Henri Konan Bédié et à Laurent Gbagbo; mais entre-temps le premier est décédé, il ne reste que Lauent Gbagbo dont la candidature vient d´être rejetée par la cour suprême. Le rejet qui interroge le plus est celui de la candidature de Monsieur Tidjane Thiam, le candidat du PDCI. Né en Côte d´Ivoire, il fut naturalisé français en 1987 et il y a renoncé en mars dernier afin qu´il puisse se présenter aux élections présidentielles, comme l´exige la loi ivoirienne. En notre qualité d´observateur extérieur, nous n´avons pas le droit de nous immiscer dans les affaires politiques internes à ce pays frère qu´est la Côte d´Ivoire, certes. Mais en tant qu´Africain, voisin du pays en question, nous avons le droit de nous prononcer sur ce qui nous paraît être des comportements susceptibles de mettre encore en danger une nation qui ne repose que sur des braises à peine éteintes, à cause de son passé politique violent que tout le monde connaît, et dont certains des belligérants se regardent encore aujourd´hui en chiens de faïence.

Rappelons que Monsieur Alassane Ouattara ne serait jamais devenu président de la Côte d´Ivoire si ce concept d´ivoirité, qui a fait tant de mal à ce pays ces dernières années, avait été maintenu. C´est pourquoi tout observateur devrait attendre du président ivoirien qu´il soit celui par qui des comportements et décisions politiques apaisants arrivent. Pourquoi devrait-il lier son départ ou non du pouvoir, la possibilité qu´il soit candidat ou non, à une éventuelle candidature ou non d´un autre Ivoirien, fût-il ancien président ou non? Il revient aux électeurs ivoiriens d´analyser le comportement et le passé de chaque candidat et de voter pour qui ils veulent. Il y a des comportements qui suscitent la radicalisation de part et d´autre et qui jettent de l´huile sur le feu. Par ailleurs, il ne nous revient pas de dire si le rejet de la candidature de Monsieur Tidjane Thiam, favori dans les sondages, est injuste ou pas. Mais comme nous l´écrivions plus haut, les vieux démons de la violence et de la guerre qui ont ensanglanté la Côte d´Ivoire dans un passé récent, devraient normalement être encore à l´esprit du président ivoirien et guider ses décisions dans la sagesse et la bonne direction. L´esprit de vengeance devrait être écarté à tout jamais. Pour terminer, à presque 84 ans, l´âge où en Europe des hommes politiques sont à la retraite depuis plusieurs décennies, Alassane Ouattatra ne s´est pas encore décidé s´il partira ou pas. Un mauvais exemple, synonyme de soif du pouvoir, qui est également un encouragement pour un dictateur, comme Faure Gnassingbé du Togo, qui multiplie tous le subterfuges éhontés possibles, pour ne jamais partir.
(Bibliographie: Presse ivoirienne en ligne)

Samari Tchadjobo
Allemagne

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