L’insécurité qui ronge le Sahel, l’Afrique centrale et plusieurs pays du continent n’est pas un hasard. Elle est, pour une large part, la conséquence d’un échec politique, d’un déficit de gouvernance et d’une incapacité des États à construire des sociétés justes, inclusives et pacifiées. Au cœur de cette faillite, un acteur souvent passé sous silence joue pourtant un rôle central : le sôdja.
C’est vrai qu’ils sont un instrument de défense incontournable, mais les hommes en treillis contribuent trop souvent à fragiliser nos sociétés. En usant de leur position de force pour humilier, brutaliser ou même tuer leurs propres concitoyens, ils engendrent une spirale de haine et de revanche. Chaque civil injustement frappé ou arbitrairement arrêté devient une centaine de graines semées pour nourrir l’extrémisme violent et la volonté de vengeance. Ainsi se construisent, jour après jour, des légions d’ennemis de la nation.
Nos armées ne manquent pas d’hommes éduqués et formés dans les meilleures académies militaires. Pourtant, dans la pratique, trop nombreux sont ceux d’entre eux qui croient encore que la paix s’impose par la matraque, que l’ordre vient des bottes et que la paix s’obtient avec des fusils braqués. C’est une grave erreur d’appréciation. Il suffit de regarder les villes meurtries de Goma, Tinzawaten, Tripoli et Khartoum ou revisiter l’histoire récente du Liberia, de la Sierra Leone ou de la Côte d’Ivoire pour comprendre ce que nous disons. Les armes entre les mains de gens pas très malins n’apportent tôt ou tard que ruines et désolation dans un pays. La sécurité ne réside pas dans la force brute, mais dans l’intelligence stratégique, la compréhension des dynamiques sociales et la capacité de tisser des liens solides avec les populations. Une armée respectée par son peuple est plus efficace que mille chars blindés.
Nos soldats n’apprennent souvent pas à penser à long terme. Terroriser les citoyens, cela peut peut-être imposer le silence pour un moment, mais cela condamne à coup sûr la nation à la misère pour plusieurs années. La victoire des forces de l’ordre ne se mesure pas au nombre de civils écrasés, mais à la paix durable obtenue grâce à la confiance et au respect mutuel.
Que l’on vive dans une dictature, une démocratie ou une monarchie, la stabilité d’un pays repose toujours sur les valeurs de respect, de tolérance et du droit dont les sôdja sont les premiers garants. Ne pas respecter les citoyens, c’est nourrir les extrémismes. Une nation prospère ne peut se construire contre le peuple ; même pas contre une petite partie du peuple.
N’djo
Source : sikaajournal.tg