Le dernier sondage Afrobarometer a révélé un changement significatif dans l’opinion publique au Togo. Plus de la moitié des citoyens, soit 54%, soutiennent l’adhésion du Togo à l’Alliance des États du Sahel (AES). Ce chiffre reflète une profonde transformation des idées politiques et géopolitiques du pays. Face à une CEDEAO de plus en plus conflictuelle, les Togolais voient l’AES comme une alternative crédible et prometteuse.
Selon le sondage, 64% des Togolais considèrent que le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la CEDEAO est « justifié » ou « très justifié ». Ces opinions sont particulièrement exprimées parmi les Togolais les plus instruits (82%), les citadins (72%), les hommes (72%) et les habitants de la commune de Lomé (80%). Les principales raisons invoquées pour justifier ce retrait sont la perception de la CEDEAO comme étant sous l’influence de puissances étrangères (34%), ses sanctions économiques et politiques (27%), et son inefficacité à fournir un soutien militaire face aux menaces sécuritaires (21%).

L’émergence de l’AES apparaît, pour beaucoup, comme un tournant dans l’intégration régionale. Plus de 54 % des répondants estiment que le Togo devrait quitter la CEDEAO et rejoindre l’AES. Pour eux, cette alliance représente non seulement une structure mieux adaptée aux réalités sécuritaires actuelles, mais aussi un cadre de coopération à l’abri des influences extérieures. Dans ce contexte, la présence russe, notamment à travers Africa Corps, est perçue positivement par 54 % des répondants, renforçant l’idée que les partenariats non occidentaux peuvent offrir des solutions pragmatiques.
Les États membres de l’AES ont démontré leur capacité à construire une alliance stratégique en rompant avec certaines traditions diplomatiques. Ils ont tracé une voie singulière, centrée sur la souveraineté, la lutte contre le terrorisme et le développement endogène. Le Togo, fort de son accès à la mer et de sa position géographique stratégique, pourrait renforcer cette dynamique, offrant une porte d’entrée logistique vers les pays enclavés du Sahel.
Cette hypothèse n’est pas pure spéculation. En janvier et mars 2025, Robert Dussey, ministre togolais des Affaires étrangères, a évoqué publiquement la possibilité d’une adhésion du Togo à l’AES.
Selon lui, il s’agirait d’une « décision stratégique » susceptible de renforcer la coopération régionale. Il a également dénoncé l’instrumentalisation de l’Afrique par les puissances occidentales, appelant à « une Afrique souveraine et maîtresse de son destin ».
L’idée d’une Afrique unie, sans tutelle extérieure, résonne dans les rues de Bamako, où un sondage a montré que de nombreux Maliens accueilleraient favorablement l’adhésion du Togo à l’AES. Certains y voient un levier pour renforcer le commerce régional via le Port autonome de Lomé, et même une opportunité d’accélérer la sortie du franc CFA.
Ce soutien populaire et régional à l’adhésion du Togo à l’AES pourrait bientôt se traduire par un acte politique. S’il se concrétise, il marquerait un tournant majeur pour la sous-région et pour la diplomatie togolaise, plus attentive que jamais aux aspirations de ses citoyens et aux dynamiques de pouvoir en Afrique de l’Ouest.
Par Lamine Fofana