Le journaliste et commentateur politique Firmin Têko-Agbo a livré une analyse approfondie du souveraineté financière africaine lors de son entretien avec Blivi Kpakpo, dans le cadre des Débats Togo intitulés « Monnaie captive, nations entravées : pour une souveraineté financière de l’Afrique ».
Dès l’ouverture de l’échange, Firmin Têko-Agbo affirme que le franc CFA demeure un instrument central du contrôle néocolonial français. Selon lui, cette monnaie limite la capacité des États africains à définir leurs propres priorités économiques et les enferme dans un cadre imposé de l’extérieur. Il estime que cette contrainte structurelle continue d’empêcher une gestion autonome des politiques financières.
Il rappelle également que la dépendance ne se limite pas à la monnaie. L’économie africaine reste fragilisée par un modèle où la grande majorité des revenus issus du pétrole, de l’uranium, de l’or, du cacao ou du coton est captée par des entreprises étrangères. Ainsi, de 80 à 90 % des richesses générées quittent le continent sans profiter aux populations, affaiblissant durablement la capacité d’investissement des États.
S’agissant de la sortie du franc CFA, Firmin Têko-Agbo se montre prudent. Il rejette l’idée d’une rupture immédiate au profit d’une transition soigneusement préparée. Il insiste sur la nécessité de développer la transformation locale des matières premières afin d’augmenter la valeur ajoutée produite sur le territoire. Il estime également indispensable de former massivement des ingénieurs, des technologues et des cadres capables d’accompagner cette transition. Selon lui, les revenus issus de l’exportation doivent rester dans les pays africains afin de financer l’industrialisation et de créer des emplois durables.
Le commentateur s’inquiète aussi d’autres formes de dépendance qui compromettent le souveraineté. Il cite notamment le système éducatif encore largement aligné sur le modèle français, qui pousse chaque année des milliers de jeunes à étudier en Europe et entraîne une sortie considérable de capitaux. Il déplore également la forte dépendance vis-à-vis des importations de produits finis, parfois de luxe, alors que ces biens pourraient être produits localement. À cela s’ajoute la fuite des cerveaux : nombre de diplômés parmi les plus brillants choisissent de rester en Europe, où ils travaillent et paient leurs impôts.
Pour Firmin Têko-Agbo, la reconquête du souveraineté exige une transformation profonde. Elle repose sur des politiques incitant les compétences de la diaspora à revenir ou à contribuer au développement du continent, et sur une diversification des partenariats éducatifs et technologiques vers des pays comme la Chine, la Turquie ou la Russie. Elle implique également un engagement clair en faveur de la création de valeur ajoutée locale afin de sortir définitivement de la logique extractiviste.
En conclusion, il estime que l’émancipation monétaire et économique ne se fera ni dans la précipitation ni à travers des slogans. Elle nécessitera un travail patient, exigeant et discipliné. Selon lui, seule une stratégie cohérente, capable de renforcer les capacités locales et de réduire progressivement les dépendances historiques, permettra aux nations africaines d’atteindre une véritable indépendance.
Par Fabrice Koffi


