Le Togo s’apprête à vivre un nouvel épisode de son processus démocratique avec les élections sénatoriales prévues le 15 février 2025. Cependant, la composition des listes de candidats, notamment celle du parti Union pour la République (UNIR), relance le débat sur la pertinence et la vocation de cette institution. Alors qu’elle devait, dans l’idéal, représenter un pilier de renforcement démocratique, le Sénat apparaît aujourd’hui comme un espace de recyclage pour une élite politique en fin de carrière.
La révision constitutionnelle de 2019 avait déjà suscité de nombreuses interrogations quant à la composition de cette deuxième chambre parlementaire. Si cette réforme visait, en théorie, à renforcer la stabilité institutionnelle, elle consacre surtout un privilège inédit : celui d’octroyer aux anciens présidents de la République le statut de sénateurs à vie. Une disposition qui, selon certains observateurs, répondait davantage à des considérations politiques qu’à un véritable besoin d’équilibre démocratique.
En réalité, cette réforme semble avoir été conçue sur mesure pour renforcer l’influence du président en exercice, à l’approche de la fin de son mandat, ainsi que celle de son cercle restreint. Elle a pavé la voie à un Sénat perçu comme un espace de retraite politique pour les anciens barons du régime, financé par les deniers publics, sans apporter de valeur ajoutée tangible pour les citoyens.
La liste des candidats présentée par le parti UNIR illustre parfaitement cette dérive. Elle rassemble des figures emblématiques de l’ancien régime, parmi lesquelles Dama Dramani, ancien président de l’Assemblée nationale, Adji Otèth Ayassor, ex-ministre de l’Économie et des Finances, Barry Moussa Barqué, grand chancelier des ordres nationaux, Komlan Mally, ancien Premier ministre, et James Victor Sossou, PDG du groupe Midnight Sun. À leurs côtés figurent plusieurs anciens ministres, aujourd’hui à la retraite. Ces noms, qui résonnent comme une évocation du passé, incarnent une continuité politique en décalage avec les aspirations de renouvellement portées par une partie de la société togolaise.
La configuration de ce Sénat, combinée à une gouvernance empreinte de conservatisme, met en lumière un problème fondamental : l’absence de promotion de la jeunesse. Alors que de nombreux jeunes Togolais aspirent à des responsabilités politiques et à jouer un rôle actif dans le développement de leur pays, ils se heurtent à un système qui privilégie exclusivement la longévité au pouvoir.
Cette situation alimente un sentiment croissant d’injustice et de frustration, en particulier chez une jeunesse confrontée à des défis socio-économiques majeurs. « Le Sénat devait être une institution visionnaire et un outil de renouvellement démocratique. Au lieu de cela, il s’est transformé en un cercle fermé réservé aux anciens dignitaires », déplore M. Egnama Balakiyém, secrétaire général du mouvement Fédération des Jeunes Démocrates.
Avec des listes largement dominées par les caciques du pouvoir et une opposition quasi absente, ces élections sénatoriales ne laissent guère de place au suspense. Cette absence de compétition réelle conforte l’idée que le Sénat, dans sa configuration actuelle, se limite à une fonction symbolique et sert avant tout à préserver un système politique figé.
La réforme constitutionnelle de 2019, traduisant une volonté manifeste de renforcer le pouvoir en place, a également favorisé l’instauration d’un régime parlementaire en 2024, qui permet de consacrer un mandat illimité pour le président de la République. Après vingt ans de règne de Faure Gnassingbé, succédant aux trente-huit ans de pouvoir de son père, cette réforme verrouille davantage le système politique togolais, au détriment de l’alternance et du développement inclusif.
Dans sa configuration actuelle, le Sénat risque de devenir un fardeau pour les contribuables, tout en freinant les aspirations de la jeunesse.
Le Togo peut-il continuer à avancer avec une classe politique vieillissante, où les changements ne concernent que les seconds rôles, sans jamais atteindre le sommet ? Cette question, cruciale pour l’avenir du pays, demeure sans réponse. En attendant, les jeunes Togolais voient leurs ambitions de participation et d’innovation étouffées par une gouvernance qui perpétue les acquis d’une élite conservatrice. Une situation qui traduit, en définitive, l’échec de la promesse d’une « Nouvelle République ».
Ricardo A.