Le peuple togolais est ouvertement en lutte pour sa libération

Dans une nouvelle publication, l’activiste togoalais, Ayayi Togoata Apédo-Amah dénonce la dictature militaro-familiale qui étrangle le Togo depuis des décennies et célèbre la résistance des esprits critiques face à la résignation et à la complicité des “béni-oui-oui”. Il rappelle que la grandeur d’un peuple se mesure à la force de ses dissidents, et non à la soumission de la masse.

ON NE JUGE PAS UN PEUPLE PAR LA MULTITUDE DE SES BÉNI-OUI-OUI, MAIS PAR LA QUALITÉ DE SES ESPRITS CRITIQUES ET DE SES DISSIDENTS

Beaucoup de Togolais dégoûtés par l’impéritie et la cruauté du régime dictatorial des Gnassingbé, s’enfoncent dans un pessimisme résigné, pendant que les plus combattifs redoublent d’ardeur pour libérer le peuple de l’oppression et de l’exploitation de la minorité pilleuse. Les soubressauts politiques des mois de juin et août 2025 qui ont fait trembler le régime, ont requinqué ceux qui ne croyaient qu’à une intervention divine de leur Dieu sourd comme un pot à leurs prières pour les débarrasser des dirigeants putschistes et illégitimes. Ceux qui ont confisqué le pouvoir font croire à la multitude que c’est une situation normale, un déterminisme divin. Ce qui pousse les victimes désemparées à s’en remettre à Dieu (“Fofo si nsin le”, proclament-elles: “la puissance appartient à Dieu.” Ce qui suppose que le dictateur et son régime ne sont au pouvoir que par la grâce de Dieu.). Belle escroquerie idéologique.

LA MULTITUDE COMPLICE DES BÉNI-OUI-OUI

Dans cette multitude moutonnière, il faut compter les lâches, les traîtres, les opportunistes, les mouchards, les carriéristes et les cancres qui proclament leur neutralité avec un rare cynisme. Les élites qui se détachent dans ce troupeau de moutons sont ceux qui sont arrivés à trouver une place autour de la mangeoire. Les autres se battent pour y accéder comme des tiques suceurs de sang sur le dos du peuple. Il faut y ajouter tous les réseaux mafieux intérieurs et extérieurs qui gravitent autour du pouvoir pour l’aquisition de prébendes et d’intérêts. Ces profiteurs qui jouissent de l’impunité pour exploiter et asservir les Togolais, se comportent comme des ennemis du peuple.

Il suffit d’être à l’écoute des réseaux sociaux, pour constater la haine que leur voue le peuple. Malgré la fermeture partielle de l’Internet pour réduire les mécontents au silence, la résistance continue. Si on peut museler la parole, on ne peut interdire la pensée. Ceux qui se sentent bâillonnés, se rabattent sur les leaders d’opinion, les journalistes, les bloggers qui se font les échos de ce qu’ils pensent tout bas.

L’extraordinaire succès médiatique du journaliste Ferdinand Ayité, un combattant de la liberté, dans ses émissions en direct sur la toile, est l’expression du ras-le-bol des Togolais. Il a été emprisonné et a fui le pays pour sauver sa peau. Ses émissions qui dénoncent l’incompétence, les méfaits et les magouilles des dirigeants du pays, sont suivies parfois par 80 000 personnes avides de vérité et qui veulent la révolution. Plus qu’un simple journaliste, il est devenu un leader d’opinion très écouté.

C’est dire que ce que la dictature militaire déteste, le peuple l’adore. D’où le soutien populaire inconditionnel aux esprits critiques et aux dissidents qui combattent cette odieuse tyrannie soixantenaire dont le bilan honteux n’est que chômage, misère, impunité, corruption et une gouvernance calamiteuse. Les prisons retiennent de nombreux prisonniers politiques et d’opinion. La liberté d’opinion et d’expression réprimée fait du Togo une prison à ciel ouvert.

LES ESPRITS CRITIQUES ET LA RÉSISTANCE

Le présent et l’Histoire ne jugent pas un peuple par la multitude de ses béni-oui-oui, mais par la qualité de ses esprits critiques et de ses dissidents. Ce sont eux les acteurs des bouleversements sociopolitiques et des révolutions. En France, la grande Révolution de 1789 a été préparée en amont par des esprits dissidents comme Voltaire, Diderot, Montesquieu… qui sont tous morts avant la chute de la monarchie criminelle du roi Louis XVI guillotiné par le peuple français. Mais leurs idées leur ont survécu et ont inspiré les révolutionnaires de 1789.

Au Togo, dans les années 1980, ce sont ces mêmes dissidents qui ont contribué à creuser la tombe du parti unique du régime militaire du despote Éyadéma, en diffusant des idées de liberté, de démocratie, de multipartisme et de droits de l’Homme. Depuis lors, à partir du soulèvement du 5 octobre 1990, le peuple togolais est ouvertement en lutte pour sa libération.

Dans la littérature et les arts, l’engagement en faveur de la cause du peuple montre que la rupture est irréversible entre le peuple et ses bourreaux. Lorsque ceux dont l’art consiste à nourrir l’imaginaire collectif font leur devoir citoyen pour la liberté, il faut comprendre que le changement se fera. Beaucoup de sang innocent a été versé pour qu’une minorité s’accroche au pouvoir. Pour quoi faire, ce pouvoir ? Sans vision politique, sans projet de développement, le vice de cette dictature qui ressemble à un serpent qui se mord la queue, dans ses soubressauts, c’est que le pouvoir est devenu l’objectif du pouvoir. Le pouvoir pour le pouvoir. Rien que le pouvoir considéré comme une bouée de sauvetage d’un régime en perte de vitesse et conspué par le peuple. Quand un pays en arrive à cette extrémité, le salut consiste à faire partir les usurpateurs.

Ce ne sont pas les moutons bêlant, les bourreaux, les voleurs de la République, les courtisanes corrompues, des gens de lettres et des artistes mercenaires qui font la grandeur d’un peuple. Au contraire, ils sont haïs et leurs noms sont souillés à jamais dans la mémoire populaire.
Par contre, l’opinion et les observateurs étrangers se posent toujours la question de savoir est-ce qu’il existe des dissidents qui osent dire non quand tout est silence et répression sauvage. En effet, en dehors de la propagande mensongère et farfelue du régime, ce sont les discours des voix dissidentes qui sont crédibles à l’intérieur comme à l’étranger. Pourquoi la dissidence des leaders d’opinion (écrivains, journalistes, artistes, bloggers, opposants politiques, défenseurs des droits humains, activistes de la société civile…) contribue-t-elle à la grandeur du Togo ? La dissidence, dans ce cas de figure, est l’affrontement entre un marteau et une fourmi. Cette image symbolique montre la disproportion des forces assymétriques entre ceux qui tiennent le marteau de la répression sauvage et les résistants qui s’opposent, les mains nues, à l’arbitraire féroce. Qui peut imaginer des organisations et des médias étrangers sérieux et désireux de connaîre l’état des droits humains au Togo, s’adresser au pouvoir qui les piétine ?

Il faut une certaine dose de courage et parfois d’esprit de sacrifice pour affronter une dictature impitoyable. Ce sont leurs discours et leurs actions (C’est la même chose en politique.) qui ancrent dans l’imaginaire du peuple l’idée de liberté comme une possibilité de l’action émancipatrice. Cette dictature obscurantiste n’est pas une forteresse inexpugnable. Aujourd’hui, les oppresseurs et le peuple le savent, c’est pourquoi la peur a changé de camp.

C’est lorsque tout semble perdu que les résistants redonnent de l’espoir au peuple opprimé en lutte pour la liberté. La liberté commence quand on apprend à dire non. Et les Togolais crient: “Non, non et non.”
Il fallait le dire.

Ayayi Togoata APÉDO-AMAH

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