La Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC) suspend de nouveau L’Alternative, cette fois-ci pour une durée de quatre mois, pour un article accusant un membre du gouvernement.
« Justice/ Succession Georges Kudawoo : Me Koffi Tsolenyanu, un faussaire au gouvernement ». C’est le titre de l’article du bihebdomadaire paru ce mardi 2 février et pour lequel l’institution de régulation des médias l’accuse de « manquements graves aux règles de déontologie et d’éthique de la profession de journaliste ».
Le ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Réforme foncière, un notaire de profession, utiliserait le nom d’une personne décédée depuis un demi-siècle afin de se faire établir un permis de construire, une méthode pour s’approprier les biens d’autrui, détaille la parution. Le mis en cause saisit la HAAC et cette dernière dégaine.
Au sortir de l’audition devant déboucher sur la suspension, avant même que la décision ne tombe, le directeur de publication de L’Alternative écrit sur les réseaux sociaux que l’article a été fait « avec le plus grand professionnalisme » possible.
En effet, « Nous avons écrit au mis en cause pour le rencontrer, il s’est dérobé. Maintenant il s’est plaint à la Haac. Il a fourni ses arguments, nous avons fourni les nôtres preuves à l’appui. On nous dit pourquoi on a utilisé le terme Faussaire pour qualifier un ministre au gouvernement. Nous avons demandé à savoir comment on appelle celui qui produit un faux document. On nous dit oui pourquoi vous mêlez Unir et la franc-maçonnerie à ça. On a même eu un petit cours sur l’égrégore. Nous avons répondu que quand les gens font des magouilles aujourd’hui ils vont se réfugier dans unir et la franc-maçonnerie. Finalement on nous dit que la Haac se contentera juste de l’aspect déontologie. Pour les documents de preuves c’est le rôle de la justice d’apprécier ce que chacun apporte », explique Ferdinand Ayité.
Et de poursuivre : « On nous demande de faire un démenti selon la volonté du ministre plaignant. Nous avons dit qu’on ne démentira rien parce que tout ce que nous avions dit est fondé avec des documents à l’appui. Au bout de cette longue audition les membres de la Haac décident de suspendre durant 4 mois L’Alternative de toute parution. Ainsi va le Togo », promettant revenir après « largement sur ce dossier ». Dans son édition de nuit, la TVT annonce officiellement la suspension du journal.
En moins d’un an, c’est la seconde fois que la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication suspend L’Alternative.
Il y a quelques semaines, la même institution a saisi le tribunal et obtenu le retrait pur et simple du récépissé de l’hebdomadaire L’Indépendant Express.
La presse togolaise qui rencontre déjà des difficultés pour exister doit aussi faire face à la menace permanente. « La situation de la presse est plus qu’inquiétante au Togo où les organisations de presse n’existent que de nom depuis quelques temps », déplore le confrère Kokou Tadegnon sur sa page Facebook.
Le journaliste Anani Sossou, lui, regrette que « La HAAC (soit) revenue au temps des moments sombres de la presse au Togo. Et cela n’honore pas notre pays. La suspension pour 4 mois de L’Alternative précédée du retrait du récépissé de L’Indépendant Express est contre-productive et renforce la suspicion du cloisonnement de la presse libre dans notre pays ». Qui dit mieux ?
La Haac c’est la hache pour zigouiller les journalistes professionnels et honnêtes. Son rôle n’a jamais été de protéger la profession contre les diktats du pouvoir. On le saurait depuis s’il en était autrement. Une institution ne peut jamais être démocratique si ceux qui sont chargés de la faire fonctionner ne sont pas démocrates et n’aspirent pas à le devenir d’ailleurs. Contrairement à la dictature, la démocratie n’est pas dans la panse et le rectum mais dans le cœur et le cerveau. Elle plus exigeante et contraignante.