Encore une poignée de jours, et on ne conjuguera plus l’année 2022 qu’au passé. On en entamera une nouvelle, 2023. Le moins que l’on puisse affirmer est que si 2022 n’a pas été la pire des années, toutes choses étant égales par ailleurs, du moins aura-t-elle secoué bien des foyers togolais, en termes de capacité à subvenir convenablement à leurs besoins. En réaction à la crise socio-économique, le pouvoir, lui, n’a eu souci que de propagande avec l’organisation de sommets grandiloquents aux conséquences économiques dévastatrices qu’on lui connaît. Il a privilégié le folklore au détriment d’une vraie politique inclusive, toute chose qui apaise le climat social. L’année 2022, c’est aussi celle du musèlement des libertés sous couleurs de préservation d’ordre public. A l’arrivée, le bilan n’est pas des plus élogieux.
L’année 2022 est en passe de s’achever comme elle a commencé. Ambiance de fête en début d’année seulement, chape de plomb causée par une situation économique insoutenable sans précédent pour la suite. Elle n’a rien à envier à l’an 2021, cette autre année digne d’être mise au rebut. L’une des principales causes en est la Covid 19, qui a occasionné quelque 290 décès à ce jour au Togo (selon les chiffres du gouvernement), et à laquelle se sont joints des événements bien plus graves encore : l’inflation liée à cette même Covid avec ce qu’elle a et continue d’engendrer de baisse du pouvoir d’achat, les manifestations publiques interdites au motif qu’elles ne peuvent avoir lieu « dans un contexte sécuritaire sous-régional et national actuel très préoccupant (…) », et qu’elles sont « de nature à compromettre les efforts pour préserver l’ordre public et la sécurité nationale », les djihadistes qui ont pris le nord du Togo pour cible, la vie chère auxquelles les 10 mesures édictées par Faure Gnassingbé n’y ont rien pu faire. Avouons-le hic et nunc : les Togolais sont passés par toutes les émotions. Et sont loin d’être sortis de l’auberge.
2022, année zéro
Comme il est de coutume au début de chaque année, tous les Togolais ont formulé le vœu de santé, de prospérité, de richesse et tout le tremblement. L’enthousiasme qui a accompagné ces souhaits est retombé aussi vite qu’il a paru. Une, deux, puis trois mois après, ils se sont rendus compte que rien n’a de fait changé. Qu’ils ont seulement changé de millésime sans avoir changé de quotidien. Pour bien des Togolais, il n’était pas question pour autant de se laisser entamer par quelque pessimisme que ce soit. L’État est là, qui veille. Mais l’État n’a pas fait mieux que les années précédentes. 2022 ressemble à s’y tromper à 2021, 2020, 2019, 2018, … à cette différence près que les choses se sont empirées.
En arrivant au pouvoir en 2005, Faure Gnassingbé s’est fait un point d’honneur de gouverner autrement que son défunt président de père Gnassingbé Eyadéma. Après dix années de règne où lui et le peuple se sont cherchés sans vraiment se retrouver, le voilà qui place son mandat sous le signe du social. Cette fois-ci, les Togolais croyaient avoir tenu leur destinée par le bon bout. Ils sont vite revenus de leur illusion : le mandat social ne leur a rien apporté.
Le Plan national de développement (PND), document stratégique quinquennal couvrant la période 2018-2022 qui vise, selon le gouvernement, à transformer structurellement l’économie togolaise, n’a rien apporté non plus aux Togolais. Le coupable idéal trouvé par le pouvoir face à l’échec de ce programme a été la crise sanitaire liée au Covid-19.
Mais comme il y a toujours un programme sous le coude de l’exécutif, une Feuille de route gouvernementale 2020-2025 a été publiée pour une « capitalisation sur les acquis déjà obtenus » grâce au PND. Pendant ce temps, les citoyens paient allègrement la cherté de la vie sur fond de la flambée des prix.
Des mesurettes au détriment du SMIC toujours statique
Devant ce mal-être saupoudré de récriminations et de justes jérémiades, Faure sort le 16 septembre 10 mesures qui se déclinent comme suit: augmentation de 10% de la valeur indiciaire des salaires et pensions de retraite pour les fonctionnaires civils et militaires et les retraités du secteur public, revalorisation additionnelle de 5% de la pension de retraite pour tous les retraités du secteur public (civil et militaire) et du secteur privé, indemnité mensuelle de transport de 10 000 francs CFA (15,23 USD) à titre exceptionnel pour chaque fonctionnaire de l’État, payable hors bulletin, gratification des fonctionnaires et retraités togolais du reliquat de l’avance sur salaire consentie en janvier 2022, gratification spéciale du chef de l’État pour une valeur de 3 milliards de francs CFA (4,57 millions USD environ) par transfert monétaire direct au profit des parents d’élèves, pour l’achat des fournitures scolaires et d’une subvention de 2,5 milliards de francs CFA (3,8 millions USD) pour l’acquisition des manuels d’écriture et de lecture pour les élèves de l’enseignement primaire, augmentation de la subvention pour les engrais de 6 milliards de francs CFA (9,14 millions USD environ) pour la porter à 7,5 milliards de francs CFA (11,42 millions USD), dotation additionnelle de la subvention au gaz domestique de 7,7 milliards de francs CFA (11,73 millions USD environ) pour la porter à 9,3 milliards de francs CFA (14,166 millions USD environ), afin de « continuer à soutenir les ménages » et la poursuite de l’application des mesures fiscales prises en faveur du secteur privé dans le cadre de l’État d’urgence sanitaire. Chose étrange, ces mesures clamées sur tous les toits n’ont pas pris en compte les Togolais qui ont le plus souffert de l’inflation. Elles ont été mises en place pour faire la part belle aux fonctionnaires qui constituent une très infime partie du pan de la population togolaise, laissant ainsi sur la route des milliers de Togolais toujours réduits à vivre un misérable Salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) qui connaît une considérable hausse dans des pays voisins. Le SMIG aura été justement le sujet sur lequel les Togolais auront attendu leur président en 2022, mais l’intéressé a été de marbre face à la question.
Changer de fusil d’épaule
La plus grande préoccupation du fils de Gnassingbé Eyadema en 2022 a été de se mettre continûment en avant lors des sommets qu’il cherche frénétiquement à organiser, mais qui asphyxient l’économie togolaise déjà à la ramasse. Il a préféré se faire un nom à l’international même si en interne le peuple boit le calice de la précarité jusqu’à la lie. Ce ne sera pas l’entrée du Togo le Commonwealth qui aura été LA nouvelle de l’année, puisque le commun des Togolais là encore n’aura rien à y gagner.
L’année 2022 n’a donc pas été bénéfique pour des Togolais dans leur ensemble. Que souhaiter au pouvoir après tant de ratés, si ce n’est une volonté politique qui les transcende et les pousse à privilégier l’intérêt général, à travailler pour le peuple au nom duquel ils sont là.
Sodoli KOUDOAGBO
Source: Lecorrecteur