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Togo- Des pistes de solutions pour sortir le pays de sa situation atypique

Le constat est patent. Le Togo est actuellement plongé dans une impasse politique née du contentieux lié au scrutin présidentiel du 22 février 2020. Dans leur tribune hebdomadaire « Cité au quotidien », les universitaires Maryse Quashie et Roger Folikoué suggèrent des pistes de solutions. Lecture!

QUELLES ISSUES POUR UNE ANNÉE VÉCUE DANS UNE SITUATION ATYPIQUE ?

UNE SITUATION ATYPIQUE…

Le 23 février 2020, la CENI annonçait la victoire avec plus de 70% des suffrages exprimés de Faure E. GNASSINGBE à l’élection présidentielle de la veille. Ces résultats ont été contestés, par de nombreux citoyens et regroupements de citoyens  et spécialement  par  le  candidat Gabriel Agbéyomé, qui dit que la victoire lui revient. De ce contentieux est issue la situation atypique que vit le Togo:

-Un président reconnu  par  les  institutions en  place  jusqu’à  l’organisation  d’une prestation  de  serment  le  3  mai  2020  devant  une  Cour  Constitutionnelle  dont  la légalité pose problème. Ce président dirige le pays avec un Gouvernement formé et dirigé par une femme nommée premier  ministre,  tandis  que  le  pouvoir  législatif  est représenté par une Assemblée Nationale issue d’élections  elles  aussi  contestées. Le Gouvernement gère la  vie  des  citoyens  Togolais  qui  ne  sont  pas  en  désobéissance civile   puisque   ce   Gouvernement  et  l’administration   qui   en   dépend   sont leurs interlocuteurs dans les actes de la vie quotidienne;

-Un  président qui s’est autoproclamé “Président  démocratiquement  élu”  par  les Togolais parce  que les résultats des élections ont été truqués par le pouvoir en place. Il a nommé un gouvernement qui n’a pas d’impact sur la vie des Togolais. Mais une partie  de  ces  citoyens  (on  ne  saurait    les  dénombrer    exactement) soutient  ce président   notamment  dans  un   mouvement  dénommé   Dynamique  Monseigneur Kpodzro (DMK).

Cette  situation  plombe  l’atmosphère  sociopolitique  du  pays  dans  la  mesure  où  non seulement le contentieux n’a pas trouvé de résolution mais surtout la vie des Togolais est ponctuée par des actions policières et judiciaires injustifiables à l’encontre des membres de la DMK, à tel point que le candidat Gabriel Agbéyomé est en exil à l’heure actuelle.

2365 JOURS APRÈS, N’EST-IL PAS TEMPS D’EN SORTIR ?

« Il n’y a pas de solution magique. Il faut avoir le courage  de faire le point afin de voir ce qui n’a pas marché dans les tentatives précédentes. Il faut avoir la force de reconstruire à partir des  valeurs  pour  ne  plus  avoir  des  regroupements  de  circonstance.  Pour  remobiliser  un peuple  désabusé, il faut un discours de vérité et d’espérance. Mais il faut aussi des idées et des analyses nouvelles incarnées par de nouvelles figures, c’est-à-dire  des  visages  différents des  anciens  leaders  qui  étaient  en  première position dans les phases précédentes. C’est un passage obligatoire et nous devons avoir le courage de le dire et de l’accepter si l’on met la question des Ego entre parenthèse au profit du bien commun ». (Tribune du 6 janvier dernier : 2021, une année de nouvelles perspectives)

Cette interpellation s’adresse à tous les citoyens, et donc à nous aussi. Et nous y répondons en toute simplicité mais surtout en toute sincérité avec la ferveur de tout l’amour que nous portons  à  notre  pays,  sans  aucun  calcul  d’intérêts,  uniquement  pour  proposer  notre solution.

  1. IL FAUT AVOIR LE COURAGE DE FAIRE LE POINT …

Comment décrire brièvement l’atmosphère qui règne au Togo depuis pratiquement une année ?

UN PAYS AVEC UN SEUL PARTI AU GOUVERNEMENT

Fermant la porte à toute alternance, ce parti a gagné toutes les élections depuis 2005. Pour cela, la Loi fondamentale a été plusieurs fois tripatouillée. Les citoyens sont réduits au silence : leurs droits et libertés bafoués. Le  pouvoir législatif est constitué par une Assemblée Nationale que l’on peut assimiler à une chambre d’enregistrement. La presse est sujette à des exactions sous le couvert d’une justice à la solde du pouvoir en place.

EN FACE DE CE PARTI, UNE OPPOSITION A MULTIPLES VISAGES

Avec des partis qui se disent de l’opposition sans en être. Des partis qui sont dans l’opposition parce qu’opposés au pouvoir en place. Cependant ces partis n’arrivent pas à proposer une sortie de crise à  cause  peut-être  d’un  fonctionnement  mettant  trop l’accent sur une certaine personnalisation.

Des partis n’ayant pas une base populaire très claire et manquant certainement de moyens financiers. Un  mouvement dénommé  « Dynamique »  regroupant  des  partis mais  aussi  des  OSC,  des  associations,  des  personnes  derrière  un candidat désigné par un prélat.  

UNE SOCIÉTÉ CIVILE

Qui a pris de l’importance depuis ces dernières années mais qui subit de plein fouet la limitation des libertés publiques tandis que la population n’a pas encore clairement compris ce qu’est une société civile.

DE NOUVELLES LIGNES DE CLIVAGE

 Il n’existe pas une seule ligne de clivage entre le pouvoir d’une part et l’opposition d’autre part : il existe des lignes de clivages au sein de l’opposition politique, lignes basées sur  la suspicion et l’importance des ego; une ligne de clivage née de la naissance de la DMK: un processus unitaire n’ayant  pas  pu  être  mis  en  place  dès  février ou   mars   2020,  des regroupements  politiques  ou  citoyens  vivent  une  certaine  division  selon qu’ils sympathisent ou non avec la DMK; une mésentente rendue publique entre le prélat de la DMK et la hiérarchie de l’Église Catholique.

Il convient de rappeler que tout cela se déroule dans UNE ATMOSPHÈRE SOCIOPOLITIQUE NÉGATIVE.

Une pauvreté grandissante sur fond de gestion calamiteuse de la crise sanitaire, odes scandales financiers liés aux détournements et à la corruption, des libertés individuelles étouffées, des citoyens cloués au silence et une certaine inaction. Bref, on doit convenir de LA DISQUALIFICATION DE LA GOUVERNANCE ACTUELLE

2-IL FAUT DES IDÉES NOUVELLES

UN   CONSTAT   IMPORTANT :   LES   ÉLECTIONS   NE   PEUVENT   PAS   RÉSOUDRE   LE PROBLÈME

Depuis 2005, les élections ont  toujours  déclenché  un  cycle  qui  se  renouvelle  après chaque passage aux urnes: élections-contestation –climat de violence –médiation-accords  non  respectés. Dans  la  mesure  où  ce  cycle  ne  permet  pas  au  pays  de  se développer et aux Togolais de mettre en place un vivre-ensemble harmonieux, il faut passer par un autre moyen pour faire advenir le changement vers la démocratie.

UNE   CONSÉQUENCE :   NOUS   DEVONS   ACCEPTER   DE    VIVRE   UNE    SITUATION EXCEPTIONNELLE

Après plus d’un demi-siècle de gouvernance non démocratique, on ne pourra pas se mettre tout de suite à vivre dans une culture démocratique. Il faudra bien sûr, mettre en  lumière  les  dysfonctionnements  devenus  des  habitudes  et  prendre  les  mesures idoines pour qu’ils ne se perpétuent pas.  De  manière  générale,  il  faudra corriger  les mentalités et  modifier les habitudes de façon à ce que le changement obtenu ne soit pas remis en cause par les citoyens eux-mêmes. La situation sera aussi exceptionnelle pour la gestion économique du pays: il faudra s’entendre pour qu’une équipe s’occupe de consolider le changement,  notamment mettre en lumière les bases d’un partage plus équitable des richesses du pays.

IL NOUS FAUT UNE SITUATION DE RUPTURE : UNE TRANSITION

Sur cette base, il faut retenir que toute  transition politique  doit être différente de ce qu’il y avait auparavant et différente de ce qui doit la suivre même si elle fait liaison entre les deux situations. Ainsi la transition au Togo ne se fera pas toute seule: elle ne  peut  pas dépendre de la volonté d’une seule catégorie de personnes, elle dépend d’un consensus issu de décisions politiques mais aussi de la mobilisation  citoyenne.

Une transition ne résulte pas forcément d’un rapport des forces en présence mais elle s’impose  aussi  quand  le  vivre  ensemble  est  en  crise  et  que  cette  crise  dure  car  les institutions  ne  marchent  pas  très  bien. La transition n’est pas et ne serait pas la victoire d’un camp sur l’autre mais elle doit être saisie comme la volonté de relever une Nation que   nous   aimons   tous   et   pour   laquelle   la   mobilisation   de   toutes   les   énergies   est indispensable.

La mobilisation citoyenne doit par conséquent poursuivre les objectifs suivants : Rétablir la confiance et instaurer  le  dialogue  entre  tous  les  acteurs  qui  veulent le changement; Convaincre le Gouvernement actuel de la nécessité de la transition; Construire un consensus sur le contenu de la transition. Pour mener cela à terme il faut prendre le temps, de former un regroupement que personne ne pourra  soupçonner  de  rechercher  le  pouvoir  politique  et  travailler  dans  la  transparence pour instaurer un climat de confiance mutuelle.  Dès lors, il est évident que ce regroupement concerne avant tout des personnes issues de la société  civile.  Mais  étant  donné  le  climat  de  méfiance  qui  règne  dans  le  pays,  il  faudra  que participe à cette mise en place de la transition la société civile africaine, notamment celle de pays de la CEDEAO.

Cependant les premières personnes qu’il faut convaincre de la nécessité d’une transition ce sont les citoyens eux-mêmes. Que faire pour cela ?

 3– POUR REMOBILISER UN PEUPLE DÉSABUSE, IL FAUT UN DISCOURS DE VÉRITÉ.

Il faut se rendre à l’évidence, le  citoyen togolais, en a assez de cette violence qui a fait et continue de faire tant de ravages dans la vie des Togolais. Or pour vaincre la violence, il n’y a que  la  vérité: elle n’a pas besoin d’armes ni d’armées pour gagner, elle n’a besoin d’aucun artifice, d’aucun autre soutien qu’elle-même, elle s’avance nue et libre, on ne peut pas l’acheter, elle n’a pas de prix, on ne peut pas la tuer, elle ne meurt jamais… La vérité s’impose d’elle-même!  C’est donc la vérité qu’il faut choisir pour parler aux citoyens et elle devra prendre plusieurs formes :    

Victoire  de  la  Vérité  sur  la  violence  de  la  répression  qui  a  toujours  répondu  aux revendications des Togolais !

Victoire de la Vérité de la démocratie sur la violence de l’instauration d’une société de non droit et d’injustice !

Victoire  de  la  Vérité  de  la  dénonciation  de  la  corruption  sur  la  violence  de l’accaparement  des  richesses  nationales  par  une  minorité  avide  et  toujours insatiable!

Victoire de la Vérité de la justice sur la violence de l’inacceptable impunité !

Nous  avons  choisi  de prendre  la  parole et  de  formuler  une  proposition de  sortie  de  crise, parce que voici une année entière que les Togolais souffrent mais aussi parce qu’il y a quelques  jours,  le 20 février,  nous  avons  fêté  la journée  mondiale  de  la  justice  sociale, (décrétée par l’ONU en 2009).  Et nous  voulons  nous  inscrire  dans ce  cadre  car  la  justice sociale est fondée sur l’égalité des droits pour tous les peuples et la possibilité pour tous les êtres  sans  discrimination de  bénéficier  du  progrès  économique  et  social  partout  dans  le monde. Promouvoir la justice sociale ne consiste pas simplement à augmenter les revenus et à créer des emplois. C’est aussi une question de droits, de dignité et de liberté d’expression, ainsi que d’autonomie économique, sociale et politique. C’est ainsi que nous avons choisi de faire notre part, convaincus que c’est ensemble que nous trouverons les stratégies adéquates pour l’avènement d’un Togo nouveau, car « ceux qui aiment la paix doivent apprendre à s’organiser aussi efficacement que ceux qui aiment la guerre ». (Martin Luther KING).

Lomé, le 22 février 2021

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