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Togo-Maryse Quashie : « Serait-ce un acte de patriotisme africain que de remplacer la France par d’autres puissances ? »

Dans leur rubrique « Cité au quotidien » de la semaine écoulée, les universitaires Roger Folikoue et Maryse Quashie parlent du patriotisme africain. « Serait-ce un acte de patriotisme africain que de remplacer la France par d’autres puissances ? », se demandent-ils. Bonne lecture.

Cité au quotidien: Patriotisme africain, une utopie ?

Colin POWELL, ancien Secrétaire d’État américain (2001-2015) est décédé le 18 octobre 2021. La presse insiste sur deux informations le concernant : on rappelle que c’est le premier Afro-Américain à occuper le poste de Chef d’État-major des armées aux États-Unis (1989- 1993) mais on se souvient aussi de son mensonge à l’ONU en 2003 à propos des armes de destruction massive que détiendrait l’Irak, mensonge qui a permis de justifier l’invasion américaine en Irak.


Le fait de mentionner qu’il soit le premier Afro-Américain si haut placé dans l’armée américaine, comme si c’était extraordinaire dans un pays où il y a des Noirs depuis plusieurs siècles, montre bien que les inégalités raciales persistent aux États-Unis. Mais, pour l’heure, la question importante à se poser est celle-ci : la déclaration de guerre contre l’Irak, pourrait-elle se faire sans l’assentiment de Georges W. BUSH, alors président des États-Unis ? Ce n’est guère possible ! Le clan de la guerre a en fait trouvé dans le mensonge de POWELL l’instrument pour remporter la victoire contre ceux qui étaient défavorables à un conflit armé au Moyen-Orient. Ainsi Colin POWELL a agi avant tout comme un Américain, membre du parti Républicain, défenseur d’une intervention militaire en Irak.

En cela, il a démontré qu’il était un Américain à part entière, soucieux de servir son pays selon sa conscience, de démontrer son patriotisme. C’était une guerre pour des intérêts américains aux conséquences incalculables. Les intérêts ont pris, et comme c’est toujours le cas, le pas sur l’humanité à protéger et à défendre.

La veille du décès de POWELL, le 17 octobre 2021, en Côte d’Ivoire, Laurent GBAGBO, lançait son nouveau parti, le Parti des Peuples Africains-Côte d’Ivoire. Avec ce parti Laurent GBAGBO, ne cache pas ses options d’une part pour le pouvoir et d’autre part, pour le panafricanisme, ce que dit bien le logo du PPA-CI qui présente deux mains entrelacées dans une carte d’Afrique. Comment pense-t-il ce panafricanisme, que propose-t-il dans ce sens ? Ces interrogations se justifient car on peut se poser des questions sur ce que pourrait être le panafricanisme aujourd’hui, au-delà de la vision originaire de N’KRUMAH avec les États Unis d’Afrique ?

Il y a 10 ans, le 20 octobre 2011, Mouammar KADHAFI, était exécuté. Quels que soient les reproches adressés à KADHAFI, le type de gouvernance plutôt musclée qu’il exerçait sur ses compatriotes, il a toujours des partisans à l’intérieur de la Lybie, toujours en pleine déstabilisation depuis 2011. Mais surtout, et c’est ce qui nous intéresse ici, la figure de KADHAFI, continue à fasciner nombre d’Africains, surtout pour son « amour » de l’Afrique, lui qui, dit-on, aurait voulu créer une monnaie africaine.

En fait personne ne peut aujourd’hui douter de l’urgence pour l’Afrique de ne plus être le continent constitué par une juxtaposition de petits Etats créés pour les besoins des anciens colons. Mais dans quel sens le changement se fera-t-il prioritairement ? Dans une perspective économique, culturelle ou politique ?


Pour l’heure ce qui est surtout visible, c’est la perspective qu’on pourrait appeler stratégique. En effet, tout le monde parle de lutte contre le terrorisme qui demanderait l’union des forces. C’est ce qui explique la mise en place du G5 avec le soutien de la France au Sahel, la présence des Américains et de forces armées d’autres nationalités sur le continent africain pour venir en aide aux Africains. Et, à l’occasion de la visite d’ERDOGAN à Lomé le 19 octobre 2021, l’annonce a été faite par le gouvernement togolais de l’établissement de liens dans le domaine sécuritaire, pour la lutte contre le terrorisme et le djihadisme, comme l’a souligné le Ministre des Affaires Étrangères, affirmant que c’était ainsi reconnaître l’implication du Togo dans la résolution de ce problème sur notre continent.


Serait-ce donc par amour de l’Afrique que la collaboration militaire entre le Togo et la Turquie, déjà concrétisée par un accord de coopération militaire signé en août 2021, a été renforcée ?

Que pourrait-on répondre à cette question, nous qui avons vu ce qui s’est passé au Mali, mais aussi nous qui sommes informés de ce qui s’est passé en Centrafrique ? Nous qui avons entendu les récriminations du président Français, contre les Turcs et les Russes, qui voudraient du mal à la France, nous qui assistons aux développements de l’affaire Wagner au Mali ? Mais plus que tout cela, nous qui avons entendu les gémissements de nos frères Maliens, allons-nous croire que c’est par amour pour l’Afrique qu’on signe des accords de coopération militaire avec tel ou tel autre ?


Ne sommes-nous pas en train de livrer notre continent au jeu d’influence des puissances étrangères ? Pourquoi cette militarisation de l’Afrique alors que nous avons d’autres priorités ?


Pourquoi la construction d’une Afrique unie ne nous préoccupe pas et ne préoccupe pas surtout les autorités de nos pays ? Pourquoi les mots d’intégration sont des concepts vides et creux sur notre continent au lieu d’être de véritables leviers pour penser l’existence politique et autonome des entités sous régionales comme CEDEAO, CEMAC, SADC et même de l’UA au plan continental ? On a l’impression que le mot intégration circule sur le continent depuis des années sans produire aucun effet sérieux au plan économique et encore moins au plan politique. Il est ainsi devenu un mot démagogique. Sinon que fait un regroupement comme celui de la CEDEAO, Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest ? Fonctionne-t-elle réellement sur le principe de l’intégration ou bien apparaît elle comme un club de chefs d’État qui se soutiennent pour rester au pouvoir ?

Pour en revenir à la visite du président Turc en Afrique, la coopération va également se développer dans le domaine économique, spécifiquement dans les secteurs de l’agriculture et du textile, nous ont appris les médias. Il est vrai que nos pays ne peuvent survivre sans une intégration régionale à base économique. Mais comment pourrait-on nous convaincre que brader nos terres aux Chinois ou aux Indiens, comme on l’a vu au Cameroun, nos ressources minières à des multinationales comme c’est le cas en République Démocratique du Congo, constituerait un acte de patriotisme africain ?

Serait-ce un acte de patriotisme africain que de remplacer la France par d’autres puissances ? Ou encore le système de la Françafrique, qu’un collectif d’auteurs (Thomas BORREL, Amzat Boukari YABARA, Benoît COLLOMBAT et Thomas DELTOMBE) nomme « L’empire qui ne veut pas mourir » dans un ouvrage paru aux éditions du Seuil le 7 octobre 2021, par le fameux format du sommet de Montpellier ?

 Il serait vraiment difficile de présenter aux jeunes des figures qui représentent en vérité l’amour de l’Afrique. Il est vrai que dans le passé de la résistance à la colonisation nous avons des personnages tels que Samory TOURE ou GBEHANZIN. Il est vrai aussi que nous avons les martyrs du 20ème siècle, tels que Ruben UM NYOBE, Sylvanus OLYMPIO, Patrice LUMUMBA, Thomas SANKARA et tant d’autres parmi lesquels n’a survécu qu’un Nelson MANDELA.

Serait-ce qu’en ce Troisième Millénaire, il ne serait plus possible de fonder une vision politique sur l’amour de l’Afrique ? Le patriotisme africain serait-il une utopie comme on tente de le démontrer à propos du panafricanisme qui serait juste un rêve largement irréalisable ?

Pour notre part, voici notre conviction : avant que de produire une pensée ou une idéologie, avant que d’animer des stratégies politiques, le panafricanisme est un ensemble de valeurs qui donnent une perspective éthique pour la construction d’un continent refusant la soumission tant aux divisions héritées du passé qu’aux objectifs mercantilistes et suprématistes qui guident le monde d’aujourd’hui.

Nous pourrons alors paraphraser le philosophe KÄ MANA en disant que vouloir accuser les puissances étrangères devant le tribunal de l’Histoire et attendre tout de même d’elles la solution à nos problèmes, dénoncer leur nocivité sur nos terres et encore nous fier à elles pour dénouer les nœuds de nos misères, vouloir nous soulever contre ces puissances avec les armes qu’elles fabriquent et nous vendent, ressemble à une espèce de comédie qui ne peut plus continuer. Ne sommes-nous pas capables de produire « un savoir rationnel sur quoi nous nous fondons pour produire un autre projet du monde » se demande le philosophe congolais. Cette capacité existe et peut se mettre davantage en mouvement.

C’est ce que nous voulons transmettre à toute une jeunesse qui étouffe dans les cadres prétendument nationalistes de certains hommes politiques d’aujourd’hui et qui rêvent d’espaces qui leur permettent de s’épanouir en Africains ouverts sur les réalités du Troisième Millénaire.

[email protected]  

Lomé, le 22 octobre 2021

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Ayo Adojutelegan
Ayo Adojutelegan
November 9, 2021 3:52 pm

il faut battre le fer par le fer et quand il est chaud. nous venons de le voir en ethiopie ou le dictateur hamed abiye va bientot etre contraint a la demission par les ebelles du TPLF. le regime dictatorial et dynastique des gnassingbe est un regime qui ressemble a un iceberg geant avec une grande base/socle immergee et qui repose sure une armee et une elite intellectuelle tribalisee a outrance et un sommet heteroclyte factice former d un melange de traitres et de felons de tt bords qu’on essaye de faire passer a la communaute internationale comme un regime democratique. Tant ceux qui pretendent representer les aspirations democratiques du vrai peuple ne prendront pas la mesure des choses veritables, ce regime de pere en fils s’accrochera toujours au pouvoir en commettant des crimes contre l’humanite.

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