Les producteurs de riz de la vallée du Zio sont sortis de leur silence. Hier, ils ont manifesté leur indignation devant les locaux du Projet d’aménagement et de réhabilitation des terres agricoles dans la zone de Mission Tové (PARTAM) qui abrite un magasin de la Centrale d’approvisionnement et de gestion des intrants agricoles (CAGIA). Ils craignent pour leurs cultures. Mais au-delà, c’est le consommer local cher aux autorités qui est en panne.
La scène décrit l’ampleur de la situation. Ce mardi, plusieurs centaines de riziculteurs ont manifesté leur mécontentement devant les locaux du Projet d’aménagement et de réhabilitation des terres agricoles dans la zone de Mission Tové (PARTAM). Ce mouvement d’humeur fait suite à la situation de pénurie d’engrais que vivent depuis plusieurs mois les agriculteurs des cantons de Mission Tové, Kovié, Vli-bolou et le village d’Assomé. « Depuis plus de deux mois déjà, nous sommes confrontés à des difficultés d’approvisionnement en engrais. Les revendeurs de proximité qui nous fournissent habituellement n’ont plus de stocks. Ce qui a obligé tous les producteurs à se tourner vers les magasins de la CAGIA », explique Kossi Dzifa Adokanou, président du Comité de gestion du périmètre agricole de la vallée du Zio.
Malheureusement, les difficultés d’approvisionnement ne prennent pas fin avec l’intervention de la Centrale d’approvisionnement et de gestion des intrants agricoles (CAGIA). Selon les informations, le magasin de la CAGIA n’a pas une grande capacité et s’est vite retrouvé au bord de la rupture des stocks. « C’est à peine si le magasin de la CAGIA peut contenir 20 tonnes d’engrais », estiment les riziculteurs. « La superficie emblavée dans la vallée, uniquement pour le riz tourne autour de mille (1000) hectares. La quantité d’engrais nécessaires est donc très importante, si on s’en tient à la recommandation officielle qui propose 6 sacs d’engrais à l’hectare », souligne le président du Comité de gestion.
D’après les calculs, six (6) sacs d’engrais de 50 kilo étant nécessaires pour un hectare de cultures, cela équivaut à 300 kilo d’engrais par hectare. Au total, 300 tonnes d’intrants doivent être mises à la disposition des riziculteurs de la vallée du Zio par saison pour satisfaire les besoins des mille hectares de riz. Le double de cette quantité d’engrais est nécessaire pour une année complète. Mais pour la saison en cours, c’est donc d’énormes quantités d’engrais qui restent à pourvoir.
Avant ce mouvement d’humeur, les organisations de producteurs de riz et l’Institut de conseil et d’appui technique (ICAT) se sont entendus pour prescrire pour chaque producteur, la quantité d’engrais à utiliser, selon la superficie emblavée dans le but de juguler la crise. Malheureusement, cette entente n’a pas été pérenne, la CAGIA ayant refusé de poursuivre la vente des intrants selon la recommandation des autres acteurs. « Quand les producteurs arrivaient à la CAGIA, il leur est imposé l’achat d’un sac d’urée et d’un sac de NPK, peu importe la superficie. Cela ne suffit même pas pour un hectare », relève Kossi Adokanou.
Pour Mawuko Aziadédji, président préfectoral Zio de la Filière Riz, les difficultés actuelles liées à l’approvisionnement auront des conséquences néfastes sur les cultures. Sans la quantité nécessaire d’engrais, « nos cultures seront totalement détruites », avertit-il. « Si nous n’avons pas d’engrais, nous ne pouvons pas produire assez. Au lieu de dizaines de sacs, nous nous en sortirons avec peut-être quatre (4) sacs. Ce ne sera plus pour les consommateurs, mais pour une consommation à l’échelle familiale », explique-t-il. « Actuellement, il y a des champs qui nécessitent jusqu’à 12 sacs d’engrais à l’hectare pour avoir un bon rendement. La raison est que la plupart des terres sont cultivées depuis des décennies et ont besoin de ces nutriments pour être rentables », renchérit un autre riziculteur qui, comme les autres, doit subir un parcours de combattant.
Un circuit d’approvisionnement alambiqué
Pour acheter un sac d’intrant, les producteurs de la vallée du Zio doivent effectuer le parcours du combattant. Ils doivent d’abord faire appel à l’ICAT qui dépêche un agent sur le terrain. Ce dernier après observation de la superficie à cultiver, dresse un procès-verbal et fixe le nombre de sacs d’engrais recommandé.
Le cultivateur est ainsi orienté vers le chef canton ou du village qui certifie à son tour le document délivré par l’ICAT. La prochaine étape est celle de la Direction de l’agriculture située à Tsévié, chef-lieu de la préfecture du Zio. Cette direction donne son accord pour que le cultivateur soit livré par la CAGIA ou la société privée de vente d’engrais la plus proche. Tout ce détour ne profite pas aux producteurs locaux.
Le consommer local en panne ?
De nombreux riziculteurs le pensent réellement. Dans un pays où il existe un ministère en charge de la promotion de la consommation locale et où il est instauré, depuis deux ans, le mois de la consommation locale, tout doit être mis en œuvre pour que les producteurs locaux ne manquent de rien. « Et pourtant, on dit que nous sommes dans le mois de la consommation locale », s’indigne un agriculteur. En réalité, cette question de pénurie d’engrais ne concerne pas seulement les producteurs de riz. Ceux de l’ananas doivent également se mordre les doigts puisque la rentabilité des cultures dépend aussi de la qualité des engrais utilisés.
En août dernier, pareille situation s’est produite dans la région des Savanes. Alors que les producteurs parlaient de pénurie, les responsables de la CAGIA sortent du silence et dénoncent un détournement des engrais. « Avant d’arriver, nous avons eu des échos et nous avons eu la confirmation. Dans toute chose, il faut chercher un partenariat, et dans le cadre du partenariat actuel que l’État a fait avec les privés, cela nous a joué un petit tour. Les quantités ont été toujours envoyées, mais malheureusement, certains commerçants véreux se sont organisés pour non seulement reconditionner les sacs mais surtout regrouper des quantités, les faire sortir hors des frontières Togolaises », avait déploré Madadozi Tezike, Directeur de la CAGIA.
Cette accusation a été rejetée par les sociétés privées de commercialisation d’engrais. A notre connaissance, aucune société n’a été inculpée pour les faits dénoncés par les responsables de la CAGIA. Le coupable donc, c’est l’Etat qui est censé assurer la disponibilité des intrants, et il vient de faillir. Un coup dur porté à la promotion de la consommation locale. En attendant, la balance commerciale de biens continuera de creuser son déficit.
Source: Liberté Info
Vive l’agriculture biologique, saine et écologique!!! A bas les engrais et produits chimiques!!!